Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Le tunnel de Tende loin d’être livré, selon les élus
Conviés à une pré-visite de chantier de construction du nouveau tube, les maires de Breil-sur-roya et de Tende estiment que la réouverture ne pourra pas avoir lieu avant l’an prochain.
Sur le front du col de Tende, les nouveaux rebondissements laissent entrevoir toujours moins de lumière au bout du tunnel. Pour une fois invités, la semaine dernière, à une pré-visite de chantier aux côtés de leur homologue de Limone, les maires de Tende et de Breil-sur-roya, Jean-pierre Vassallo et Sébastien Olharan, n’ont pas vu matière à être rassurés. Alors que les autorités certifiaient encore au sortir de la dernière commission intergouvernementale que le nouveau tunnel serait accessible en juin – alors même que la société chargée des travaux a réclamé un report à septembre –, l’espoir a définitivement quitté les élus de la Roya après qu’ils ont pu entrer dans la gueule béante de l’ouvrage. « Dépité », mais bien déterminé à ne pas lâcher le combat pour que le chantier de la honte s’achève enfin, Sébastien Olharan s’est fendu d’un message détaillé sur les réseaux sociaux.
Nombre d’ouvriers « insuffisant »
« Je ne suis pas ingénieur, mais j’en suis désormais convaincu : les travaux de création du nouveau tunnel ne pourront pas s’achever avant 2025. Aujourd’hui, seul un tiers du nouveau tunnel est achevé – et encore pas tout à fait, car il reste à régler de gros problèmes d’infiltrations et à faire l’ensemble de la chaussée qui doit être rehaussée d’un mètre environ. »
« Sur les deux autres tiers, le tunnel est creusé mais tout reste encore à faire. Sur les trois by-pass carrossables (qui permettent de passer avec des véhicules de secours du nouveau à l’ancien tunnel), un seul est achevé et il faut compter deux mois pour créer chacun des deux autres », pose-t-il sans fard.
Avant de rappeler qu’il faudra par ailleurs décaler la sortie du tunnel côté français, impliquant le creusement
d’une autre galerie pour rejoindre la nouvelle sortie. « Une fois le gros des travaux achevés, il faudra encore que l’équipementier vienne installer toute l’électricité, la ventilation, les équipements de sécurité. »
Le conseiller départemental note par ailleurs que, comme d’autres l’avaient constaté avant lui, «le nombre de personnes qui travaillent sur le chantier est très insuffisant au regard de l’ampleur des travaux et des budgets mobilisés ». Le viaduc pour enjamber le glissement de terrain côté français ? Il se poursuit, note l’élu breillois. Mais là encore, rien ne s’est passé comme espéré. « Sur les 12 pieux nécessaires pour stabiliser la culée nord, deux ont été ratés et deux sont encore à faire. Les calculs vont être faits pour voir si d’autres doivent être réalisés. Le pont est préfabriqué.
Lorsque les culées seront faites, il sera livré et monté sur place. » Le tunnel historique ? « Il a été partiellement bouché pour les besoins du chantier, et son entrée côté français doit également être décalée. Quant à son réalésage, indispensable pour rétablir la circulation à double sens, nous n’avons aucun calendrier et aucune certitude qu’il sera réalisé. »
Retour à la case départ
Même constat de Jean-pierre Vassallo, horrifié par le faible état d’avancement des travaux. « J’aurais plus tendance à dire qu’il n’y a qu’un quart du tunnel qui est terminé. Je leur ai demandé s’ils n’avaient pas honte », réagit-il. Précisant avoir de nouveau déclaré auprès des responsables présents lors de cette visite que ce chantier était une « faillite complète » ,un « désastre
dont l’histoire se souviendra ». « J’attends encore des explications claires. L’appel d’offres stipulait un chantier à 170 millions d’euros. Aujourd’hui, on parle de 320. Étant donné que lors de la dernière commission intergouvernementale, les autorités se sont entendues pour 250 millions disponibles », poursuit le maire de Tende. Pour qui il n’y avait pas plus de 50 travailleurs sur site lors de la visite.
« Une fois qu’on enlève toutes les voitures de l’anas [l’autorité italienne chargée des routes, Ndlr],
il y a plus d’engins à l’arrêt que d’ouvriers… »
Le pire, à ses yeux ? Même quand le nouveau tube ouvrira enfin, après que des millions d’euros auront été injectés, les usagers retourneront à la case départ. À savoir : un tunnel en sens unique avec un feu pour réguler.
« Moi, je me suis fié aux engagements pris en décembre 2022 d’une livraison en octobre 2023. Au regard de ces annonces, 13 commerces ont ouvert à Tende, j’ai incité des gens à venir s’installer. On leur dit quoi, maintenant ? », s’insurge l’élu. Qui est également inquiet pour les Italiens, si une nouvelle saison hivernale venait à être gâchée faute de liaison entre la Roya et la Vermenagna. D’autant que la ligne ferroviaire reliant Nice à Tende doit parallèlement fermer pour seize mois à compter de septembre.
« L’une des grosses bagarres, ce sera de pouvoir utiliser la route des 50 lacets pour tous et à temps complet tant qu’il n’y aura pas de neige. Cela demandera de lourds travaux de sécurisation, mais il faut savoir ce qu’on veut… »