Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« Il y a peu de communes aussi isolées que nous »

Jean-claude Autheman, maire de Saint-martin-d’entraunes évoque les difficulté­s de maintenir la vie dans ce secteur très reculé de la vallée du Var.

- Recueilli par ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

Jean-claude Autheman, 78 ans, est maire de Saint-martin-d’entraunes depuis 2014. Un village dans le val d’entraunes, dans la vallée du haut Var, l’un des secteurs les plus isolés du départemen­t. De « France », même, selon le maire, qui évoque les problémati­ques de ce coin « hyper rural », loin des collèges, des supermarch­és et des centres médicaux.

Comment définissez-vous votre commune ?

C’est une commune classée touristiqu­e, avec des activités toutes saisons, avec une petite station de ski, Val Pelens. Il y a une origine et un caractère paysan : de mémoire, on a 4 000 hectares de surface consacrés à l’élevage, en accueillan­t les troupeaux l’été. On a d’ailleurs l’école des bergers qui vient cinq mois par an sur notre territoire.

Votre petite station de ski, Val Pelens, est très menacée par le changement climatique. Comment voyez-vous les choses ?

On a des inquiétude­s sur les évolutions climatique­s. On s’est posé la question sur ce qu’il fallait faire et on a considéré que la haute vallée du Var ne pouvait pas s’en passer. On s’est engagé vers des aménagemen­ts de diversific­ation, pour pratiquer des activités tout au long de l’année.

Nous avons deux cols importants : le col de La Cayolle et le col des Champs, il y a beaucoup de fréquentat­ion l’été : des cyclistes, des randonneur­s… Une partie importante de la station est l’auberge qui appartient à la commune, qui est en pleine rénovation cette année.

Mais cette station est-elle souvent ouverte ? Pas cette année…

Les chutes de neige sont intervenue­s au moment où la saison se termine. On n’a pas ouvert, d’autant que j’ai perdu l’élue référente et son époux, le chef d’exploitati­on, qui ont quitté

la commune. La situation est compliquée. De plus, l’auberge, qui loue le matériel, est fermée. Ouvrir en catastroph­e, sur une neige pas solide…

Le val d’entraunes est un secteur extrêmemen­t isolé. Comment y faire face ?

Notre commune, en collaborat­ion avec Entraunes,

Châteauneu­f-d’entraunes, Sauze, Daluis et Guillaumes ont été lauréats du programme Villages d’avenir mené par l’état. Le constat, c’est que nous sommes dans une zone hyper rurale. Il y a peu de communes en France

aussi isolée que nous. Notre distance aux établissem­ents scolaires, aux centres médicaux… Il y a toute une série d’enjeux pour maintenir la vie dans ce secteur.

En quoi ce programme va vous aider ?

L’état a mis à dispositio­n des chargés de mission sur un an et demi pour réfléchir à ce qu’il est possible de faire. Par exemple, bien coordonner les financemen­ts : il m’est arrivé de me retrouver avec des subvention­s inutilisab­les et un projet à l’arrêt parce qu’il n’y a pas eu de coordinati­on entre les différente­s institutio­ns. Par ailleurs, l’état s’est engagé à financer au minimum 40 % les projets menés dans ce cadre, à condition qu’il y ait un autre financeur.

Quels types de projets faut-il mener ?

Il faut trouver des logements, rénover des bâtiments, mais aussi des projets liés à la santé et aux déplacemen­ts.

Les bus avaient été supprimés sur votre secteur. Est-ce toujours le cas ? ‘‘

Ce n’est pas totalement supprimé, il y a le transport à la demande, mais ça marche extrêmemen­t mal. Il nous faut des solutions. J’ai des personnes qui n’ont pas de voiture et prennent le car pour aller à Nice, à Guillaumes ou Entrevaux pour faire des courses. Il y a de la solidarité, mais ce n’est pas suffisant. Par exemple, on abrite des réfugiés ukrainiens sur la commune. Quand ils doivent se rendre à la préfecture, ils doivent prendre le car…

Le maire d’entraunes, Pierre Tardieu, évoque l’idée de réunir les villages du val d’entraunes pour en faire une commune. Estil seul à avoir cet avis ?

Il est complèteme­nt seul. Quand on a postulé aux Villages d’avenir, une commune a refusé de participer car le maire y voyait une première étape vers ça. C’est inimaginab­le, on se rajouterai­t des problèmes. On est déjà dans la communauté de communes, il ne faut pas que ça fasse double emploi. En 2020, Pierre ne voulait pas se présenter. J’ai dit, surtout pas ! Sans candidat, Entraunes aurait été rattaché à la commune la plus proche : nous ! Je suis retraité, je consacre un temps infini à la mairie. Mais s’il fallait gérer Entraunes, comment on ferait ?

Partagez-vous sa vision très poussée de l’écologie ?

Lui, il est plus porté sur une fibre uniquement écologiste. Moi je considère qu’elle est indispensa­ble, mais on la fait tous les jours. On n’a pas le droit de construire, depuis que je suis maire, il y a eu une seule constructi­on dans la commune. Je me bats pour que les milieux restent ouverts, que les éleveurs viennent. Et je lutte contre le loup.

Je me bats pour que les milieux restent ouverts, que les éleveurs viennent”

Comptez-vous briguer un nouveau mandat ?

C’est un sujet qui n’a pas encore été évoqué.

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(DR) Jean-claude Autheman est maire de Saint-martin-d’entraunes depuis 2014.

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