Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Et 24 ans plus tard, enfin en F1

Un quart de siècle après ses expérience­s en F3 et F3000 sur le tourniquet monégasque, Soheil Ayari coche enfin la case F1 ce week-end au volant d’une Ligier quadragéna­ire.

- Textes : Gil LÉON Photos : Jean-françois OTTONELLO

Ressentir le frisson ultime. Prendre part au plus renommé et redouté des combats de rue. Cocher la case F1 ici, sur ce tracé urbain ayant forgé la légende de la discipline reine du sport automobile. Il en rêvait. Et il ne l’a pas fait.

C’était au siècle dernier, quand Soheil Ayari ferraillai­t contre Fernando Alonso, Mark Webber, Juan Pablo Montoya, Nick Heidfeld, Stéphane Sarrazin, Franck Montagny, Tom Kristensen, entre autres, dans l’antichambr­e. Un championna­t internatio­nal de Formule 3000 qui faisait escale en Principaut­é. « J’avais gagné des courses

(deux victoires acquises en Finlande - 1997 - puis en Autriche - 1998 -, ndlr), et aussi le Grand Prix de Macao F3 »,

raconte le Savoyard. «Jefigurais parmi les quatre ou cinq jeunes capables de monter en F1. Mais il fallait cinq millions de dollars et je ne les possédais pas. Donc on a tourné la page. Trajectoir­e prolongée ailleurs, sans ruminer ».

« Frustratio­n énorme » en 2022

De quoi étoffer un palmarès totalisant aujourd’hui pas moins de sept titres de champion de France (monoplace, tourisme, GT) et quatre couronnes internatio­nales, s’il vous plaît ! Après avoir également disputé les 24 Heures du Mans à douze reprises, chez Pescarolo et Oreca en particulie­r, le voilà donc qui vient de mettre un terme aux « 24 ans de Monaco ». Une course d’attente conclue ce week-end dans le baquet de la Ligier JS 21 engagée pour rien lors de la précédente édition du Grand Prix Historique.

« En 2022, j’étais présent parce que nous faisions rouler une autre F1, l’ensign N175 de mon ami Guillaume Roman autrefois cravachée par Jacky Ickx et Chris Amon », poursuit le pilote conduisant désormais sa propre structure dédiée à la restaurati­on et à l’entretien de F1 vintage, Ayari Classic Racing. « Sur la Ligier, il y avait trop de travail, pas assez de temps, ni de pièces disponible­s. À l’époque (durant la saison 83, alors aux mains du Brésilien Raul Boesel dont le meilleur résultat fut une 7e place obtenue à Long Beach), cette JS21 utilisait une suspension hydropneum­atique inspirée de celle des Citroën. En greffer une classique, ce fut un chantier énorme. Sacré challenge. On a dû se retrousser les manches. Et tirer un trait sur Monaco, la mort dans l’âme. Moi, je découvrais l’événement. Frustratio­n énorme en regardant toutes ces merveilles des années 60, 70 et 80 remonter le temps. Je rongeais mon frein comme un dingue ! Et je me suis dit vivement 2024 ! »

Remonté à bloc en 1996

Il en rêvait. Il finit par le faire. À 54 ans. Mieux vaut tard que jamais. Au sein d’une série G pleine à craquer, avec 28 monoplaces quadragéna­ires sur la grille, pas question de nourrir de grandes ambitions. «Ilya du beau monde, Marco Werner (l’ancien serviteur d’audi en Endurance, vainqueur puissance 3 des 24 Heures du Mans) , et les autres, tous ces gars qui roulent régulièrem­ent. À côté d’eux, nous, on a débarqué la fleur au fusil. Il s’agit d’un premier jet, en quelque sorte. L’occasion de refaire un bout de chemin sur une piste fabuleuse. Le virage du Casino avec sa fameuse bosse, la descente vers Mirabeau, l’enchaîneme­nt ultrarapid­e du Bureau de Tabac à la Piscine, c’est le pied ! La F1 constitue le summum de ce qui existe dans le pilotage. Il n’y a rien de mieux. » L’occasion, aussi, de raviver quelques souvenirs. Pas les meilleurs de sa carrière...

1996, en F3 : « Après le départ, j’étais dans le sillage du leader, 2e ou 3e. Avec des pneus encore un peu froid, j’escalade la chicane du port. Tête à queue ! Tout le peloton me dépasse. Je repars dernier, le couteau entre les dents, à bloc... et je remonte jusqu’à la 6e place (meilleur Français, juste devant Anthony Beltoise) ».

Hors course avant le départ en 1998

1998, en F3000 : « En pleine bagarre à distance avec Montoya pour décrocher la pole lors des qualificat­ions, je perds le contrôle à la sortie du virage Antony Noghès.

Encore à l’envers ! Sans réfléchir, j’enclenche la première pour finir la séance. Grave erreur : parce que je suis reparti illico, sans attendre l’autorisati­on des commissair­es, on m’a exclu purement et simplement. Interdicti­on de participer à la course ! Dommage, car c’était sûrement ma meilleure chance de monter sur le podium. Les deux années suivantes (1999, 2000). Monaco ne me sourira pas plus. Deux abandons. »

Et 2024 en F1, alors ? Après le jour de chauffe bouclé au 14e rang, le revenant espérait s’immiscer dans le top 10 des qualificat­ions, hier. Mais c’était sans compter sur ce fichu chat noir monégasque qui semble toujours le suivre comme son ombre. Retardée par un caprice mécanique, la Ligier entre en scène à six minutes du couperet. Il n’y aura qu’une seule tentative. Ratée. Avec des gommes pas assez chauffées, elle tombe du fil à Sainte-dévote. Petit choc, lourde conséquenc­e : cet après-midi, Soheil Ayari et sa flèche bleue s’élanceront loin de la pole. En pâle position. Avec l’ambition de tordre le cou au matou...

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