Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Revisité, le tableau « L’origine du monde » finalement censuré
À Saint-raphaël, des réinterprétations de l’oeuvre très controversée de Gustave Courbet ont été décrochées d’une exposition de l’association Palette 83. La municipalité, choquée, évoque la vulgarité des oeuvres.
Quelle mouche a bien pu piquer Dominique François, artiste peintre amateure adhérente de l’association raphaëloise Palette 83, auteure de deux toiles qui ont mis en émoi bon nombre de membres du personnel municipal il y a quelques jours ? « L’association organise depuis mercredi une exposition de nos travaux ayant pour thème les toiles de maîtres revisitées, recontextualise cette habitante de Saint-paul-enforêt. Chacun a choisi une toile d’un maître décédé depuis plus de 70 ans, pour une question de droits d’auteur. Et moi, j’ai choisi L’origine du monde, de Gustave Courbet. »
Comme chacun des adhérents, Dominique François se met au boulot et livre deux réinterprétations de la célèbre toile de Gustave Courbet qui avait tant fait polémique… au XIXE siècle. Sur l’une d’elles, le sexe de la figurante est caché par un sous-vêtement peint. Sur la seconde, c’est un vrai sous-vêtement qui est collé directement sur la toile. « La seconde version est, je le reconnais, peut-être un peu provocatrice, car il est possible de soulever le sous-vêtement. Je l’ai d’ailleurs réintitulée L’origine de la mode », s’amuse-t-elle.
« Ils confondent l’art et la pornographie »
Bien mal lui en a pris. Car si les deux peintures ont été validées par le bureau de l’association, la Ville s’est, elle, empressée de les censurer. Au même titre, d’ailleurs, que d’autres oeuvres revisitées comme la Venus de Botticelli, sur laquelle on peut voir une femme nue. « Elles n’ont jamais été accrochées, poursuit l’artiste. Je ne comprends pas pourquoi. Parce que des groupes scolaires sont susceptibles de visiter l’exposition ? J’ai cru comprendre qu’il y a quelque temps, une maman s’était plainte auprès de la municipalité car son enfant avait vu des peintures où figuraient des personnages nus. Je trouve tout cela très grave. Si c’est la raison pour laquelle on a censuré nos travaux, ce n’est pas normal. Les enseignants ont un grand rôle à jouer dans l’éducation des enfants. J’étais en colère quand j’ai appris tout ça. Ils confondent l’art et la pornographie. D’autant plus que j’ai habillé l’original qui est normalement nu. C’est incompréhensible. »
« Ces tableaux sont d’une vulgarité absolue »
Légère volte-face, jeudi. Finalement, après concertation, il semble que la mairie a décidé de ne censurer que les deux toiles revisitées de Dominique François, les autres tableaux proposant des personnages dévoilant une partie de leur intimité ayant finalement été acceptés.
Le maire, Frédéric Masquelier, apporte tout son soutien au personnel municipal ayant fait ce choix : « Je valide cette décision prise par mes services. Ces tableaux sont d’une vulgarité absolue. Nous avons des lieux dédiés aux expositions artistiques et ils n’ont pas vocation à accueillir des tableaux qui sombreraient de la sorte dans la vulgarité. L’original de L’origine du monde de Gustave Courbet n’est en rien vulgaire. Il s’agit d’une oeuvre conçue à une époque bien particulière, avec un contexte historique bien particulier. On m’a rapporté que ces réinterprétations ont suscité un émoi auprès de différentes personnes de la municipalité qui les ont considérés comme étant vulgaires. Donc j’ai accepté de les retirer. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’on refuse une oeuvre. Nous avons un droit de regard sur ce qui est exposé. De plus, des enfants sont susceptibles de voir ce qui est exposé dans cette salle. Or, ils n’en apprendraient rien d’autre que de la vulgarité. »
La nudité, notamment à travers l’art, est-elle, aux yeux de l’édile, réellement synonyme de vulgarité ? « C’est au cas par cas, selon les appréciations que l’on peut en faire. Je n’ai pas de position générale vis-à-vis de cela. La manière de présenter les choses peut rendre le résultat plus ou moins vulgaire. » Sollicitée, Michelle Vidal, la présidente de l’association, n’a pas souhaité s’exprimer « pour ne pas participer à cette polémique. »