L’éclairage du spécialiste
Pourquoi aborder de nouveau le sujet de l’estime de soi, que vous aviez déjà traité dans L’Estime de soi puis dans Imparfaits, libres et heureux ?
C’est la suite de ces aventures de l’estime de soi ! Je voulais y montrer comment elle peut devenir une sorte de respiration de notre esprit, à laquelle on ne songe pas à tout instant. On pourrait la comparer à la quille d’un bateau, invisible, stabilisatrice et permettant d’affronter les vents contraires. D’où l’idée de s’oublier pour nous tourner tranquillement vers les autres, le monde, la vie. La forme de l’abécédaire permet justement au lecteur de naviguer à sa guise entre les notions clefs et d’y venir après un temps de réflexion ou d’action. Les pensées de philosophes et d’écrivains côtoient les souvenirs personnels et les anecdotes. Je crois à la portée pédagogique de l’exemple. Nous, les humains, adorons qu’on nous raconte des histoires. Ce qui arrive aux autres nous intéresse : on se demande aussitôt comment on aurait réagi à leur place.
Comment se construit l’estime de soi ?
Il y a d’abord ce besoin inné, profondément humain, de se situer par rapport aux autres. Quand on est un animal social, on est obligé d’appartenir à un groupe pour survivre. L’évolution a façonné dans notre cerveau un logiciel de comparaison sociale. Pour beaucoup de chercheurs, le fonctionnement de l’estime de soi pourrait être comparé à un sociomètre : plus nous nous sentons acceptés, appréciés par nos congénères, plus notre estime de nous-même augmente, et inversement. Les nourritures affectives que l’on reçoit durant notre enfance la façonnent aussi considérablement. La qualité des premiers liens d’attachement, l’amour inconditionnel des parents construit et renforce le sentiment de notre valeur. L’éducation joue aussi un grand rôle, en rappelant à l’enfant que les autres existent, qu’il est important de les respecter, que ce n’est pas humiliant de faire appel à eux. Et puis il y a la vie, les expériences que l’on fait. Quand les échecs ou les difficultés s’accumulent et que l’estime de soi est fragile, la personne va avoir tendance à se dévaloriser.
La bonne nouvelle, c’est qu’elle se travaille ?
Tout à fait. Moi-même, j’ai passé de très nombreuses années à apprivoiser mon anxiété et à soigner une estime de soi défaillante. Aujourd’hui, j’apprécie davantage ma compagnie !
Mais je reste vigilant : la fatigue, le stress peuvent faire ressurgir les vieux réflexes de dévalorisation. J’ai alors ma boîte à outils pour qu’ils me laissent tranquille. Avec l’âge, en principe, l’estime de soi se stabilise. Les études montrent que c’est entre 50 et 70 ans que les gens sont les plus épanouis, quand les soucis et les responsabilités sont derrière eux, et qu’ils parviennent à relativiser leurs problèmes. L’expérience amène une forme de sagesse.