Numero Art

LA JEUNE SCÈNE NEW YORKAISE

NEW YORK

- PAR ANN BINLOT. PHOTOS PAR DARRYL RICHARDSON

AVANT DE DEVENIR itinérante, We Buy Gold était encore récemment située à Brooklyn, au rez-de-chaussée d’un ensemble immobilier banal dans le quartier de Bedford-stuyvesant (“Bed-stuy”), célèbre pour ses mentions dans les chansons du rappeur The Notorious B.I.G. – et pour son taux d’homicides très élevé. La vitrine de We Buy Gold était flanquée d’un pressing et d’une agence immobilièr­e, signe de l’embourgeoi­sement qui a gagné le quartier ces dix dernières années. Il ne s’agissait pas, comme son nom pouvait le laisser penser, d’un prêteur sur gages mais d’une galerie. Elle avait ouvert ses portes au printemps dernier, avec une exposition collective de Torkwase Dyson, Renee Gladman et Harold Mendez autour des “effets de la géographie sur la réalité sociale”. Sa fondatrice, Joeonna Bellorado-samuels, qui travaille également comme responsabl­e à la galerie Jack Shainman, à Chelsea, voulait créer des ponts entre l’ancien Bed-stuy et le nouveau. “Il m’avait semblé logique et important de commencer là où j’habite, explique-t-elle. Bedford-stuyvesant est un quartier qui abrite quantité d’artistes, de curateurs et de critiques en tout genre, et nous avions besoin d’un endroit à nous, qui accueille cette réalité-là dans sa globalité.”

À New York, un propriétai­re de galerie doit faire face à d’innombrabl­es défis. Les loyers sont très élevés, et il faut réaliser quelques bonnes ventes ne serait-ce que pour couvrir ses frais fixes. Alors que beaucoup de petits espaces et de galeries de taille moyenne mettent la clé sous la porte ou vont chercher ailleurs des loyers abordables, une nouvelle catégorie d’artistes et de marchands ont décidé d’inventer leurs propres règles. Jeoanna BelloradoS­amuels ne s’est pas laissé rebuter par le marché. “J’ai moins pensé aux conditions du marché qu’à mon envie de créer un espace, de monter des exposition­s et de travailler avec des artistes qui m’obsèdent”, assure-t-elle. Before it went nomad, We Buy Gold was located on a nondescrip­t block in Bed-stuy, a Brooklyn neighbourh­ood once known for its name drops in Notorious BIG songs and its high murder rate. We Buy Gold is not a pawnshop, as its name implies, but a new gallery that opened last spring with a three-person exhibition which considered the social implicatio­ns of geography, featuring the work of Torkwase Dyson, Renee Gladman and Harold Mendez. Joeonna Bellorado-samuels, We Buy Gold’s founder and also a director at Chelsea gallery Jack Shainman, wants to bridge the gap between Bed-stuy’s new and old. “It felt the most right and the most important to start right where I live,” she explains. “Bedford-stuyvesant is home to so many artists, curators and writers of all kinds, and we needed a space of our own that embraces that.”

In New York, the challenges of running a gallery are manifold. There are high rents and the need to make a number of large sales just to pay the overheads. As

A NEW GENERATION OF GALLERIES IS SPRINGING UP IN NEW YORK, DESPITE THE HIGH RENTS AND THE CUTTHROAT COMPETITIO­N. SOLIDARITY AND SMALL SPACES ARE THE HALLMARKS OF THIS YOUNG, CREATIVE, EMERGING SCENE.

New York THE BIG APPLE’S NEW GALLERY SCENE

À quelques rues de là, de l’autre côté de Bed-stuy, Ariela Gittlen et Scott Indrisek (elle, graphiste et critique d’art ; lui, artiste et rédacteur en chef du magazine Artsy) ont fait de grosses économies de frais généraux. Renonçant à installer leur espace dans un local prévu à cet effet au profit de leur appartemen­t, ils proposent chaque mois une exposition. Leur projet était d’associer un artiste confirmé et un artiste émergent, par exemple Peter Halley et Tracy Thomason, ou William Wegman et Matthew Thurber. L’exercice a évolué vers autre chose. La dernière exposition présentait le travail de Marc Hundley, menuisier à ses heures, qui avait créé pour le lieu un banc et des étagères. Celle de l’été s’est transformé­e en affaire de famille, avec des tableaux de Peter Indrisek, le père de Scott (décédé en 2009), des photograph­ies de son frère Adam, et ses propres toiles. “Notre principal objectif était de faire des choses inattendue­s, peutêtre bizarres, et d’offrir ces opportunit­és à des artistes établis qui auraient envie de sortir pour un temps du white cube de la galerie”, précise Indrisek.

De l’autre côté du Manhattan Bridge, dans Chinatown, Ellie Rines (par ailleurs responsabl­e de la galerie new-yorkaise de Ceysson & Bénétière) vient quant à elle d’ouvrir son second espace, 56 Henry, où elle expose des artistes – principale­ment des femmes – connus ou en devenir. On peut actuelleme­nt y découvrir une installati­on de Sam Moyer, un vitrail dont le verre est teinté de manière à imiter un mur de briques. “J’ai délibéréme­nt choisi un petit espace, raconte Ellie Rines, parce que cela me permet de proposer des exposition­s très étroitemen­t ciblées. C’est aussi un moyen de limiter le coût du loyer et de montrer ce que j’ai vraiment envie d’exposer, pas ce qui va se vendre. Les lumières restent allumées en permanence, tous les jours, de sorte que les exposition­s sont visibles depuis la rue.”

À exactement six minutes à pied de là, sur le Lower East Side, trois marchands d’art – Patton Hindle, Courtney Childress et RJ Supa – ont ouvert il y a un an l’espace Yours Mine & Ours. Prolongeme­nt de leur exposition monographi­que de l’artiste Jeremy Couillard, la sculpture intitulée Alien Afterlife, qui représente un extraterre­stre installé au clavier de son ordinateur, a fait fureur sur les réseaux sociaux pendant la foire d’art organisée à New York par la NADA (New Art Dealers Alliance). En dépit de leurs déboires collectifs – ils ont vu leurs précédente­s galeries fermer –, les membres du trio ont décidé d’ouvrir celle-ci pour, confie Hindle, “soutenir des artistes et, dans le même temps, créer une communauté.”

Et le marchand d’ajouter : “Le monde de l’art est à un tournant décisif et stimulant, parce que les galeries remettent à plat ce qui est réellement important – un espace immense, un aménagemen­t prestigieu­x et la participat­ion à dix foires différente­s ? Elles s’aperçoiven­t aussi que le recours à ce processus collaborat­if, qui nous permet de soutenir d’autres galeristes et de partager nos artistes, commence à faire des émules. Soit nous réussisson­s tous ensemble, soit nous disparaiss­ons collective­ment.” small- to medium-sized spaces are closing down or decamping to more affordable terrain, a new group of ambitious dealers and artists is making its own way. Bellorado-samuels didn’t let the market deter her. “I was thinking less about the state of the market and more about creating space, making shows and working with artists that I’m obsessed with.” Several blocks down on the other side of Bed-stuy, Ariela Gittlen and Scott Indrisek, respective­ly a designer and art writer and an artist and editor at Artsy, saved on overheads by showing in their own apartment, where they open a new exhibition monthly. The initial premise began with pairing older artists with emerging artists who they thought would have fruitful collaborat­ions, like Tracy Thomason and Peter Halley, or William Wegman and Matthew Thurber, but it evolved into something else. “Our main goal in opening the space was to do something unexpected and perhaps a bit weird,” says Indriesek. “We wanted to offer those unexpected and slightly weird opportunit­ies to very well-establishe­d artists who might want a break from the white cube,” he recalls.

Across the Manhattan Bridge in Chinatown, Ellie Rines, a director of Ceysson & Bénétière’s New York gallery, has opened her second space, 56 Henry, where she shows a mix of predominan­tly female artists. “My space is intentiona­lly small because it gives me the opportunit­y to present tightly-focused exhibition­s,” she explains. “Also, it keeps my rent low which enables me to show what I want instead of what will sell. I keep the lights on 24/7, making the exhibition­s fully visible from the street.” Just a sixminute walk away on the Lower East Side, three dealers – Patton Hindle, Courtney Childress and RJ Supa – opened Yours Mine & Ours a year ago. Alien Afterlife, a sculpture of an alien typing away at a computer by Jeremy Couillard – an extension of his solo show at the gallery – became a social-media sensation during the NADA New York art fair. Despite their collective experience seeing their former galleries close, the trio opened the new space “to champion artists and, along the way, create a community,” as Hindle explains. “The art world is at an exciting precipice as galleries are re-assessing what’s important – a big space? a high-end build out? participat­ing in ten art fairs?” he continues. “It’s also a moment when collaborat­ive championin­g of our fellow gallerists and sharing of our artists is beginning to take precedent. Either we all succeed together, or we all disappear.”

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PAGE DE GAUCHE ET CI-DESSUS VUES DE LA GALERIE WE BUY GOLD, À BROOKLYN.
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