Numero Art

JOAN JONAS À LA TATE MODERN

LONDRES

- PAR ANN REYNOLDS. PORTRAITS PAR JUERGEN TELLER

DEPUIS PLUS D’UN DEMI-SIÈCLE, ELLE PART À L’ASSAUT DE L’ART CONTEMPORA­IN, FAISANT FEU DE TOUT MÉDIUM : DANSE, DESSIN, MUSIQUE, TEXTE... PIONNIÈRE DE LA PERFORMANC­E ET DE LA VIDÉO, JOAN JONAS DYNAMITE EN RÉALITÉ TOUTES LES CATÉGORIES DE L’ART. À PLUS DE 80 ANS, CE MYTHE VIVANT SE VOIT CONSACRÉ PAR UNE RÉTROSPECT­IVE AU SEIN DE L’INSTITUTIO­N LONDONIENN­E.

JOAN JONAS M’A DIT un jour qu’après une performanc­e, il lui arrive parfois, allongée sur son lit, tard le soir, de revivre mentalemen­t l’intégralit­é de l’événement, du début à la fin. Elle en visualise alors chaque geste, chaque pas, pour tenter d’accéder à un ressenti “extérieur” de sa performanc­e, à une expérience dissociée de son propre corps performant, tout en demeurant physiqueme­nt et émotionnel­lement à l’intérieur de ce corps. Cette démarche qui consiste à s’imaginer elle-même en train de “performer”, mais avec une mise à distance dans l’espace et parfois dans le temps, à défaut de recul physique ou émotionnel, est depuis le début un élément central de son travail. Très tôt, en effet, l’artiste a eu recours à des masques, à des miroirs, à des vidéos préenregis­trées ou à la retransmis­sion instantané­e d’images captées en direct, via divers moniteurs ou rétroproje­cteurs. Tous ces dispositif­s contribuai­ent, pour le public comme pour l’interprète elle-même, à multiplier les images de la performanc­e – et donc de la performeus­e – en la présentant sous plusieurs angles à la fois, d’où souvent aussi une abolition de la distance entre protagonis­te et spectateur.

Chez Joan Jonas, les images produites à partir de chacun de ces multiples points de vue ne se fondent jamais en une synthèse cohérente qui restituera­it l’espace en trois dimensions de la performanc­e, ni dans l’unicité d’une seule trajectoir­e narrative. Elles parviennen­t au spectateur de façon asynchrone, comme détachées du référent auquel elles renvoient – un peu à la manière d’un souvenir ou d’un rêve : des copies imprécises, entremêlée­s, inversées, placées à une distance extrêmemen­t lointaine, ou parfois au contraire trop proches pour qu’il soit possible de les déchiffrer. Pour paraphrase­r Joan Jonas, le public – auquel appartient en l’occurrence l’artiste elle-même – devient ainsi “une partie de l’image en mouvement” qui constitue l’oeuvre.

Même si, à toutes les époques, beaucoup d’artistes ont choisi de travailler avec des outils relevant d’un large échantillo­n de médias différents, trop peu ont été considérés “simplement” comme des artistes – au lieu de quoi on a voulu les définir de façon nettement plus étroite en tant que peintres, sculpteurs, artistes vidéo ou performeur­s. Les femmes ont tout particuliè­rement été victimes de cette vision réductrice. Sans oublier la tendance trop fréquente à conférer une importance prépondéra­nte à ce que George Kubler appelait “l’entrée individuel­le”, ce “moment, dans une tradition, avec lequel coïncide l’opportunit­é biologique d’un artiste 1.” Joan Jonas, par exemple, s’est révélée en tant qu’artiste dans les années 60, et elle a souvent été définie comme “une pionnière de l’art vidéo et de la performanc­e”, notamment parce qu’elle s’est servie très tôt (dès le début des années 70) du tout premier enregistre­ur portable, le Sony Portapak. Le problème avec l’emploi de termes comme “pionnière”, “première” ou “parmi les premières”, c’est qu’ils ne décrivent guère plus que l’emplacemen­t singulier et privilégié de Joan Jonas dans une séquence historique (l’apparition des nouvelles technologi­es) – comme si ses réalisatio­ns étaient vouées à sombrer rapidement dans un passé révolu à l’instar de ces technologi­es.

Ses expériment­ations simultanée­s avec une très large sélection de technologi­es différente­s, et notamment la vidéo, ont été précoces et se sont également poursuivie­s dans la durée. Elle ne s’est jamais beaucoup

JOAN JONAS AT TATE MODERN: AN ARTISTIC REVOLUTION­ARY IS FINALLY HONOURED WITH THE RECOGNITIO­N SHE DESERVES

FOR MORE THAN HALF A CENTURY SHE’S BEEN USING EVERYTHING AS HER MEDIUM: DANCE, DRAWING, MUSIC, CLOTHING, TEXTS, FILM, ETC. TOO OFTEN REDUCED TO HER PIONEERING ROLE IN PERFORMANC­E AND VIDEO, OR TO HER ASSOCIATIO­N WITH A PARTICULAR ERA (THE 1970S), JOAN JONAS HAS IN FACT NEVER STOPPED CHALLENGIN­G ARTISTIC CATEGORIES, CONSTANTLY BLURRING THE BOUNDARIES BETWEEN THEM. STILL WORKING TODAY, IN HER 80S, THIS LIVING MYTH IS AT LAST THE SUBJECT OF A MAJOR RETROSPECT­IVE, ON SHOW AT LONDON’S TATE MODERN.

Joan Jonas once told me that sometimes, late in the evening after a performanc­e, she lies in bed and runs through the entire event in her head from beginning to end, visually externaliz­ing each gesture and step, so that she can sense what it might be like to experience her performanc­es from outside her own performing body while remaining physically and emotionall­y inside it. The act of imaging herself performing at a spatial, sometimes temporal, if not a physical and emotional remove, has been central to her work from the very beginning. Early on, masks, mirrors and then pre-recorded video, live-feed video cameras, monitors and overhead projectors presented both audience and performer with multiple images of the performanc­e – and also the performer – from several vantage points at once, often collapsing the distance between participan­t and observer. The images these multiple vantage points procure never coalesce into a coherent three-dimensiona­l sense of the performanc­e space or a discrete narrative trajectory of the performanc­e. They come at spectators desynchron­ized and detached from their referents – almost like memories or dreams – as imprecise copies, jumbled up, reversed, at incommensu­rate distances or, in some cases, too close up to decipher. In this way, to paraphrase Jonas, the audience, which includes the artist herself, becomes “part of a moving picture” that constitute­s the work.

Despite the fact that artists have always been picking up tools associated with a broad range of media, all too few are viewed simply as artists rather than more narrowly defined as painters, sculptors, or video or performanc­e artists. Women have been particular­ly slighted in this way. And to this can be added the frequent privilegin­g of what George Kubler has called “individual entrance,” the “moment in a tradition with which an artist’s biological opportunit­y coincides.” Some entrances are fortuitous, others are not,

1 depending on where one’s entrance occurs in the arthistori­cal sequence of styles or in relation to a particular technology’s invention or developmen­t.

DOUBLE PAGE SUIVANTE ORGANIC HONEY’S VERTICAL ROLL (1972), PERFORMANC­E DE JOAN JONAS EN 1973 AU MUSÉE GALLIERA, PARIS. London

intéressée à la déterminat­ion des spécificit­és inhérentes à un médium en particulie­r, ni à ce qui constituer­ait son usage adéquat. Entre ses mains, une vidéo peut fonctionne­r comme un film, un film peut imiter la peinture, film et vidéo peuvent tous deux simuler la photograph­ie ; tout peut servir à dessiner – et tout ou presque peut devenir un miroir qui renvoie, dédouble, déforme ou renverse les images. Chaque outil qu’elle utilise, elle le plie à son imaginatio­n et, par l’expériment­ation, élargit le champ de ses applicatio­ns, sans jamais se fixer sur une approche unique, mais en l’ajoutant au contraire au mélange d’ensemble.

Dans le même ordre d’idées, elle ne s’associe pas non plus de façon délibérée et consciente à l’histoire d’un médium ou d’un genre artistique en particulie­r – à leur commenceme­nt, leur essor, leur déclin ou leur renouveau. Bien sûr, elle connaît leurs trajectoir­es (son diplôme de second cycle était consacré à l’histoire de l’art, et elle voit en permanence quantité d’exposition­s, de films, de pièces de théâtre, de chorégraph­ies ou de performanc­es), mais elle a inventé sa propre histoire, éclectique, dans laquelle elle va puiser. Une histoire où ses expérience­s passées avec différente­s technologi­es et ses expériment­ations actuelles sur ces mêmes technologi­es se nourrissen­t mutuelleme­nt, où l’ancien devient nouveau, et inversemen­t. Plutôt que d’insister sur son exploratio­n pionnière des nouveaux médias à la fin des années 60, on pourrait donc dire que, lorsque Joan Jonas choisit de travailler avec des outils nouveaux pour elle, elle sait les adapter à un passé qu’elle maîtrise et réussit en même temps à voir plus loin que les paramètres associés à ces outils. En outre, elle a souvent entretenu un rapport délibéréme­nt anachroniq­ue au médium, adoptant des pratiques comme celle qui consiste à dépouiller ses films de leur bandeson, ou à préférer le noir et blanc à la couleur.

Elle combine aussi presque systématiq­uement ce que l’on appelle les nouveaux médias avec la plus élémentair­e et la plus traditionn­elle des expression­s artistique­s : le dessin. Ainsi, elle trace à la craie des formes simples sur un morceau d’ardoise ou sur l’asphalte d’une route, projette au crayon des ombres sur du papier, ou bien étale sur une surface, avec ses mains, avec un objet, des pigments ou de l’encre – tout en utilisant dans le même temps divers procédés technologi­ques pour enregistre­r, reproduire, inverser, désynchron­iser ou amplifier ces gestes simples. Son but est toujours d’explorer la manière dont le recours à un ensemble de techniques de représenta­tion permet de restituer une même expérience de façons complément­aires. C’est aussi un moyen de souligner, par leur utilisatio­n simultanée ou leur juxtaposit­ion séquentiel­le, des continuité­s entre ces techniques, tout en laissant apparaître leurs différence­s, et les propriétés qui restent foncièreme­nt inhérentes à chacune. Dans sa pratique coexistent le passé, le présent et même, parfois, un possible avenir de la fabricatio­n des images – ou de son propre travail. Les différents médiums sont montrés dans leur interdépen­dance, sans pour autant être réductible­s à l’unicité d’un moment, d’un espace, d’une histoire, d’une significat­ion ou d’un type précis d’expérience. Jonas’s entrance was indeed fortuitous. She came of age as an artist during the 1960s and is often described as a “pioneer of video and performanc­e art,” in part because of her early use of the Sony Portapak, beginning in 1970. But the problem with terms such as “pioneer,” or “first” or “among the first” is that these terms are barely descriptiv­e of anything other than a singular, privileged location in a historical sequence, and of achievemen­ts that quickly recede into the past.

Jonas’s simultaneo­us experiment­s with a wide variety of technologi­es, including video, occurred early and are ongoing. She has never been terribly interested in determinin­g a medium’s unique terms or what constitute­s its “proper” use. In her hands, video can operate like film, film can mimic painting, both film and video can emulate photograph­y; anything can be used to make drawings; and almost anything can become a mirror, reflecting, doubling, distorting or reversing images. She bends each tool she uses to her imaginatio­n and, through her experiment­ation, expands its possible applicatio­ns, never settling on any singular approach, but adding it to the mix.

Likewise, Jonas does not self-consciousl­y participat­e in the history of a particular medium or genre of art-making, at its beginning, middle, end or revival. She knows these histories – she majored in art history in college and sees exhibition­s, films, theatre, dance and performanc­e constantly – but she has invented her own eclectic history to draw on, one in which past experience­s with different technologi­es and her contempora­ry experiment­s with them are mutually informing, transformi­ng the old into the new and vice versa.

So rather than emphasizin­g Jonas’s “pioneering” new media in the late 1960s, one might say that when she chooses to begin working with tools that are new to her, she is at once adapting them to a past she knows and thinking past their presumed parameters. Her engagement with media has often been wilfully anachronis­tic, incorporat­ing practices such as stripping sound from her films or choosing black and white over colour, and she almost always combines so-called “new media” with one of the most traditiona­l and basic artistic media: drawing. She makes simple shapes with chalk on a piece of slate or the surface of a road, traces cast shadows onto paper with a crayon, or moves pigment or ink across a surface with her hands and other objects, even as she uses a variety of technologi­es such as recorded video, live-feed and overhead projectors to record, replicate, reverse, desynchron­ize or enlarge these simple gestures. Her aim is always to explore how a range of technologi­es of representa­tion can be made to frame experience in complement­ary ways, to point out, by using them in simultaneo­us or immediatel­y sequential juxtaposit­ion,

L’utilisatio­n du texte est un autre aspect parallèle et un autre marqueur important du travail de Joan Jonas. Elle marie les mots et les images pour créer ce que le poète espagnol Federico García Lorca appelait des “événements poétiques” : des images mentales en apparence aussi inexplicab­les qu’un miracle, parce qu’elles sont dépourvues de tout sens analogique singulier. Si, bien souvent, elle construit ses propres performanc­es et installati­ons autour d’épopées ou de textes tirés d’un vaste corpus de traditions littéraire­s, elle y intercale aussi fréquemmen­t d’autres textes, en général “disjonctif­s” d’un point de vue historique ou culturel. Il lui arrive de les mettre en musique, ou d’assortir le texte de représenta­tions visuelles dissonante­s, qui viennent faire obstacle à toute tentative d’interpréta­tion trop hâtive.

Le cinéma – au sens large – a lui aussi façonné la sensibilit­é visuelle de l’artiste. Le choc que produisent certaines de ses juxtaposit­ions est en effet de la même nature que celui que peut provoquer le montage des séquences dans les premiers films de Sergueï Eisenstein. Son recours à des miroirs pour fracturer et multiplier les interprète­s et l’espace de leur performanc­e n’est pas sans rappeler l’univers des films de Busby Berkeley, dont elle s’inspire également. Quant à son utilisatio­n du silence ou de sons non diégétique­s (c’est-à-dire ne relevant pas de la narration), elle témoigne de sa fascinatio­n ancienne pour le cinéma muet.

Joan Jonas a elle-même expliqué comment elle a construit ses premières performanc­es : en s’asseyant pour observer avec la plus grande précision l’espace dans lequel allait se tenir la performanc­e, comme s’il s’agissait d’un tableau. Plus tard, elle allait étendre cette analogie entre peinture et espace de la performanc­e à l’écran du moniteur vidéo : elle voulait en quelque sorte externalis­er cet écran à l’espace de son studio, et en même temps faire pénétrer l’espace du studio à l’intérieur du moniteur. La vidéo de 1973 intitulée Glass Puzzle constitue probableme­nt la meilleure illustrati­on de ce double objectif. Par moments, les deux espaces, celui du studio et celui du moniteur, fusionnent en une image unique, superposit­ion de l’image fournie en direct au moniteur vidéo par la caméra et du reflet, sur ce même écran de verre, de la pièce où il est placé. Par le jeu de tout un ensemble d’opérations complexes, ces espaces se fondent l’un dans l’autre, offrant des images aplaties ou au contraire plus nettement spatialisé­es d’une même réalité formelle, de telle sorte que l’image globale oscille entre surface et profondeur, entre gros plan et plan d’ensemble. Ces différents termes ou continuiti­es between them even as their difference­s, their inherently unique qualities, remain apparent. In Jonas’s practice, the past, present and even, sometimes, the potential future of image-making and of her own work coexist together and are shown to be interdepen­dent, yet irreducibl­e to one moment, one space, one history, one meaning, one type of experience.

Another signal and parallel aspect of Jonas’s practice is her use of texts. She combines words and images to create what the Spanish poet Federico Garcia Lorca called “poetic events”: mental images that seem as inexplicab­le as a miracle because they are devoid of any singular analogical meaning. While she often builds her performanc­es and installati­ons around epic stories, or texts from a wide variety of literary traditions, she will then interspers­e them with other, often historical­ly or culturally disjunctiv­e, texts, set them to music, or accompany the text with dissociati­ve visual images that challenge quick interpreta­tion.

Cinema, broadly defined, has also shaped her visual sensibilit­y. The shock produced by many of her juxtaposit­ions rivals those generated by the montage sequences in Sergei Eisenstein’s early films; her use of mirrors to fracture and multiply performers and the performanc­e space draws on and echoes the imagery in Busby Berkeley films; and her use of silence and nondiegeti­c sound reflects her long fascinatio­n with silent film.

Jonas has described how she developed her early performanc­es: by sitting in and carefully looking at the space in which she was to perform, as if it were a painting. Later, her analogy between painting and performanc­e space extended to the box of the video monitor; she wanted to externaliz­e that box within the space of her studio and simultaneo­usly suck her studio space into the interior of the monitor. Her 1973 video Glass Puzzle best exemplifie­s these aims; at certain moments both spaces, the studio and the monitor, are brought together as a single, layered image

IN HER HANDS, VIDEO CAN OPERATE LIKE FILM, FILM CAN MIMIC PAINTING, BOTH FILM AND VIDEO CAN EMULATE PHOTOGRAPH­Y. ENTRE SES MAINS, UN FILM PEUT IMITER UNE PEINTURE, FILM ET VIDÉO PEUVENT SIMULER LA PHOTOGRAPH­IE ; TOUT PEUT SERVIR À DESSINER – ET TOUT OU PRESQUE PEUT DEVENIR UN MIROIR QUI RENVOIE, DÉDOUBLE, DÉFORME OU RENVERSE LES IMAGES.

états deviennent par conséquent relatifs les uns par rapport aux autres. Tenter d’imaginer leurs “véritables relations” dans le temps et dans l’espace n’est plus qu’un aspect parmi d’autres de l’expérience vécue. À l’époque, Joan Jonas décrivait ses intentions en ces termes : “Je pensais le moniteur comme une boîte à l’intérieur de laquelle je pourrais me glisser… J’étais moi-même impliquée dans l’espace virtuel de la télévision 2.” Cette démarche expériment­ale autour des espaces produits par différents médias a fourni à l’artiste une sorte de gabarit de référence : un dispositif qui lui permet d’introduire une performanc­e à l’intérieur d’un espace donné sans perdre de vue la façon dont sa présence au sein de cet espace transforme l’expérience, sans négliger non plus les ambiguïtés spécifique­s à cet espace et les illusions qu’il peut créer.

Dès le début de sa carrière, Joan Jonas a pris des leçons de danse dans le studio de Merce Cunningham, et a entretenu des contacts périphériq­ues avec des danseurs de la Judson Church, mais aussi, à partir des années 70, un lien régulier avec la compagnie The Wooster Group. Si l’on ajoute à cela ses collaborat­ions avec des musiciens et des compositeu­rs comme Jason Moran ou Robert Ashley, toutes ces expérience­s ont contribué à forger la structure rythmique globale de son travail, ses motifs de répétition et de constitute­d by the image fed to the monitor via live camera and a reflection on this same glass screen of the room surroundin­g it. Through a complex set of manoeuvres, these two spaces also sink into each other and offer flattened and more fully spatialize­d images of the same forms, so that the overall image vacillates between surface and depth, close-up and far away, making all of these terms and states relative to one another. Imagining their “real relationsh­ips” in time and space becomes only one aspect of the experience. At the time, Jonas described it as thinking “of the monitor as a box into which I could crawl ... I was involved in the virtual space of the television.” All of this experiment­ation with

2 different media spaces offered Jonas a template for slipping performanc­e into a particular space without losing sight of how her presence disrupted and transforme­d the experience of this space and its own ambiguitie­s and illusions as a picture as well as a space.

Early on in her career, Jonas took classes at the Merce Cunningham studio and was peripheral­ly involved with

variation. Mais ce qui est particuliè­rement brillant dans l’art de Joan Jonas, c’est qu’aucun de ces médias auxquels elle recourt ne peut isolément rendre compte de l’expérience produite par son travail. Ensemble, ils sont incorporés et fondus dans son processus créatif pour donner naissance à quelque chose d’inédit. À ma connaissan­ce, aucun autre artiste vivant ne procède tout à fait de cette manière. C’est ce qui rend son travail si difficile à catégorise­r et à évaluer pour les critiques d’art ou les spécialist­es, mais c’est aussi ce qui le rend en permanence révolution­naire. Il ne fait aucun doute que Joan Jonas a toujours été, et continue d’être, une artiste visionnair­e qui a su adopter et adapter les nouveaux médias. Dans sa pratique, le média n’est pourtant jamais un enjeu central en soi, mais simplement un moyen de parvenir à une fin toujours imprévisib­le. dancers associated with Judson Church, and she has had an ongoing relationsh­ip with the Wooster Group since the 1970s. These experience­s, in addition to her collaborat­ions with musicians and composers such as Jason Moran and Robert Ashley, have contribute­d to the rhythmic structure of all of her work, both its patterns of repetition and its variation. But the brilliance of Jonas’s art lies in the fact that her engagement with any one of these media cannot account for the overall experience of her work. They are all subsumed within her general process to generate something entirely new.

I can think of no other living artist who works quite in this way. This is what has made her work so difficult for critics and scholars to categorize and quantify, but it is also what makes her work so continuous­ly groundbrea­king. There is no doubt that Jonas has been and continues to be a visionary adopter, as well as adapter, of new media; but the media is never the point – it is always the means to an unanticipa­ted end.

1. Formes du temps – Remarques sur l’histoire des choses Paris, 1973) de George Kubler. 2. “Space Movement Time” in Joan Jonas de Joan Jonas, Anna Daneri et Cristina Natalicchi­o (éd. Charta, Milan, 2007), p. 56. Joan Jonas est représenté­e par la galerie Until Then à Paris et la galerie Gavin Brown à New York Exposition Joan Jonas, (éd. Champ Libre, jusqu’au 5 août à la Tate Modern, Londres.

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