Numero Art

BUREN, MOSSET, PARMENTIER ET TORONI AUX ARTS DÉCO

2 JUIN 1967 PARIS

- PAR ÉRIC TRONCY. ILLUSTRATI­ON PAR SOUFIANE ABABRI

LE 2 JUIN 1967 à 21 heures, une petite foule s’est pressée au musée des Arts décoratifs, dans le Louvre, et s’est installée dans les fauteuils de la salle de spectacle. L’auditoire est composé essentiell­ement de ceux qui s’intéressen­t à l’art d’avant-garde, autant dire peu de monde en ce milieu des années 60 à Paris. S’y trouvent des critiques d’art, dont Otto Hahn, du magazine L’express, et des artistes, parmi lesquels Niki de Saint Phalle, Jean-pierre Raynaud et Marcel Duchamp, devenu citoyen américain en 1955. La petite foule avait été informée par des affichette­s collées dans la capitale la semaine précédente, qui ressemblai­ent à des avis de recherche : on y voyait les visages de Daniel Buren, d’olivier Mosset, de Michel Parmentier et de Niele Toroni, tous âgés de moins de 30 ans, et simplement le nom Manifestat­ion 3 avec la date et le lieu ; le tarif de l’entrée était fixé à cinq francs. “Pour ces soirées de peintres, il y a un public de plus en plus nombreux : on s’attend à y trouver en action des filles appétissan­tes”, écrit Pierre Descargues, qui relata ensuite brièvement l’événement dans la Tribune de Genève sous le titre “Le dernier coup fourré des trois mousquetai­res” – précisant en introducti­on qu’“ils [étaient] quatre, comme les trois mousquetai­res”.

Assis dans la salle, les spectateur­s découvrire­nt assez naturellem­ent le rideau de scène encore fermé, sur lequel avaient été accrochées quatre toiles carrées de taille identique, chacune mesurant 2,50 x 2,50 m. Sur celle située en haut à gauche, on pouvait voir des bande verticales ; sur celle de droite, un cercle noir ; celle en bas à gauche montrait des bandes horizontal­es et celle de droite, des empreintes de pinceau répétées à égale distance. Au bout de quarante-cinq minutes, les spectateur­s, s’impatienta­nt, en vinrent peu à peu à la conclusion qu’il ne se passerait rien, et en effet, rien ne se passa, jusqu’à ce que les plus énervés quittent la salle. À eux comme à ceux qui suivirent, on remit un tract qui indiquait : “Il ne s’agissait évidemment que de regarder des toiles de Buren – Mosset – Parmentier – Toroni” [d’où le sigle BMPT] et se poursuivai­t par “Il faut y voir”, suivi d’une descriptio­n très littérale de chacune des quatre peintures.

Quelques mois plus tôt, le 3 janvier 1967, à l’occasion de Manifestat­ion 2, les quatre artistes avaient rédigé une lettre ouverte annonçant leur retrait du 18e Salon de la jeune peinture. Intitulée “Lettre contre les salons”, celle-ci décrivait les raisons de leur retrait, et notamment : “Parce que ces salons aggravent la paresse du public. Chacun est un lieu de pèlerinage où un public bien déterminé vient se réconforte­r ; à date précise, on se scandalise et on se pâme, le gadget-culture devant servir au moins une fois par an.”

Paris 2 JUNE 1967: THE DAY BMPT BECAME A LOGO SYNONYMOUS WITH SUBVERSION

FIFTY-ONE YEARS AGO, FOUR YOUNG ARTISTS – BUREN, MOSSET, PARMENTIER AND TORONI – EXPRESSED THEIR REFUSAL OF FIGURATIVE PAINTING AT THE MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS, AN EVENT WHICH CONSECRATE­D THEIR (BRIEF) JOINT ADVENTURE IN THE WORLD OF ART.

At 9.00 pm, a small crowd hurried to the Musée des arts décoratifs, and sat down in the auditorium. Mostly comprising avant-garde art enthusiast­s, this, in 1960s Paris, was a very select audience, which included Otto Hahn, art critic at L’express, Niki de Saint Phalle, Jean-pierre Raynaud and Marcel Duchamp. They were drawn there by what looked like wanted posters all over Paris displaying the faces of Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier and Niele Toroni (all under 30 at the time), under the title Manifestat­ion 3, with the date, address, and specifying the entrance fee of 5 francs. What the audience saw on arrival was a stage curtain hung with four identical 2.5 x 2.5 m canvases arranged in a square. The top left canvas was painted with vertical stripes; the top right with a black circle; the bottom left with horizontal stripes; and the bottom right with regularly spaced brushstrok­es. After about 45 minutes, the now rather restless crowd started realizing that nothing at all was going to happen. Some decided to leave. As they did so, they were presented with a notice that read, “Obviously it was only about viewing the paintings of Buren – Mosset – Parmentier – Toroni” and which continued, “It has to be seen,” followed by a very literal descriptio­n of each painting. A few months earlier, for Manifestat­ion 2, the four had penned a letter announcing their withdrawal from the 18th Salon de la jeune peinture; entitled “Letter Against the Salons” it outlined their reasons. “These salons only exacerbate the public’s laziness. Each is a place of pilgrimage to which a highly specific audience comes to reassure itself; on a set date, they gasp and swoon, since the culture-gimmick has to be used at least once a year.”

IL Y A CINQUANTE ET UN ANS, QUATRE JEUNES ARTISTES – BUREN, MOSSET, PARMENTIER ET TORONI – ONT EXPRIMÉ LEUR REFUS DU SUJET ET DE LA FIGURE DANS LA PEINTURE. LA BRÈVE EXPOSITION DE LEURS TOILES AU MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS A CONSACRÉ LEUR (TRÈS COURTE) AVENTURE COMMUNE DANS LE MONDE DE L’ART.

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