COCO CAPITÁN
Propulsée par ses collaborations avec Gucci, l’artiste espagnole de 26 ans est devenue en quelques années une star du milieu de la mode. Mais sa pratique des arts visuels est loin de se cantonner à ce seul domaine. La preuve avec sa première exposition européenne, à Paris, et ces photographies et autoportraits exclusifs, réalisés pour Numéro art.
IMAGINEZ UNE ÉCRITURE D’ENFANT. Représentez-vous ces mots étroits, avec des lettres tranchantes exprimant une volonté désespérée de communiquer ne serait-ce qu’un sens très simple. Artiste, photographe et enfant prodige de la maison Gucci, Coco Capitán a développé une pratique d’art visuel très aboutie. À 26 ans, elle inaugure sa première exposition à la Maison européenne de la photographie. Elle a également réalisé des affiches publicitaires pour Gucci, joué les rédactrices en chef d’un jour pour un numéro de Vogue Ukraine consacré à l’art, et illustré la pochette d’un album de Drake.
Native de Séville – dont elle a conservé l’accent –, l’artiste espagnole a des airs de tomboy. Elle paraît sérieuse et réfléchie, mais son travail est facétieux. Coco Capitán est partie pour Londres à l’âge de 17 ans. Elle s’est inscrite à un cycle de photographie de mode, avant de poursuivre avec une maîtrise en photographie d’art au très respecté Royal College of Art, dont elle est sortie diplômée en 2016. En parallèle, elle a travaillé, imaginant des campagnes commerciales et des look books pour Paco Rabanne, Maison Margiela, Miu Miu, A.P.C. et Mulberry, ou des magazines comme Dazed, Vogue, Self Service, Document, i-d, Garage. Les réseaux sociaux lui ont permis de se faire connaître plus largement, parce que son travail parlait à une génération en quête de petits fragments d’intimité à saisir au vol.
L’anglais n’étant pas sa langue maternelle, sa conception de la grammaire est légèrement décalée. Il en résulte un travail plus spontané et, peut-être aussi, plus universel. Ses pièces sont des chefs-d’oeuvre de poésie Instagram. Chez Coco Capitán, le processus créatif débute par ses carnets de notes. “J’écris depuis de nombreuses années – pour ainsi dire depuis que je sais écrire. Et je me sens parfois un peu lost in translation, perdue entre les langues.” Elle y glisse des lettres inversées, des mots barrés, des fautes. “C’est fondé sur ma façon d’écrire dans la réalité. Si je passe deux heures à écrire, à la fin, je n’arrive presque plus à me relire, mais il en reste quelque chose de singulier. J’ai envie que mes pensées se traduisent dans ce que j’exprime. Que les gens puissent constater qu’en écrivant, on fait inévitablement des erreurs.” C’est aussi un moyen de combattre l’overdose numérique. “Je me demande toujours comment on peut faire passer un message à un autre sans lui voler trop de son temps. C’est pour ça que je compose des phrases très courtes, renfermant autant de sens que possible.” Ses réticences à l’égard du monde virtuel transparaissent aussi dans son approche de la photographie sur pellicule. “Je m’intéresse à tout ce qui peut se faire sans l’aide d’un ordinateur. Mon éducation a trop subi le poids de la technologie”, affirme-t-elle.
Le corps est le principal motif récurrent dans son travail. Pour la plateforme Web Nowness, elle a ainsi créé un petit film structuré autour de quelques personnes qui évoquent, devant la caméra, leur rapport à leur physique. Il y a dans son book beaucoup de gens nus – souvent