PLUTÔT QUE DE TENTER DE DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX, HITO STEYERL EMBRASSE L’INCERTITUDE CONSTITUTIVE DE NOTRE ÉPOQUE.
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Hito Steyerl accède rapidement à une reconnaissance internationale, participe à la biennale d’art européenne itinérante Manifesta 5 en 2004, puis à Documenta 12 en 2007 et, dès la fin 2009, publie ses premiers textes théoriques en accès libre sur le journal en ligne e-flux.com. Dès lors, tout est en place pour que Hito Steyerl tisse sa toile jusqu’à se hisser, en 2017, au rang de personnalité la plus influente du monde international de l’art – à en croire la fameuse liste Power 100 du magazine Artreview, à l’occasion de laquelle fut publié l’article du New York Times.
Avec le recul, son influence sur la décennie 2010 est indéniable, et alors que le Centre Pompidou à Paris s’apprêtait à lui consacrer en juin 2020 une grande rétrospective en collaboration avec le K21 à Düsseldorf, tout semble indiquer que la suivante sera également placée sous le signe d’une artiste totale. À l’origine de sa pratique, il y a la conscience d’une rupture : être documentariste aujourd’hui n’est plus possible, à moins de changer radicalement la signification du mot. Plutôt que de tenter de démêler le vrai du faux, de se lamenter d’un relativisme post-moderne ou de déployer des procédures autoritaires de vérité, Hito Steyerl embrasse l’incertitude constitutive de notre époque. Sa propre pratique sera l’étude de la politique des images et des formes de distribution du sensible.
Elle s’inscrit de plain-pied dans la circulation globale des images, leurs nouvelles modalités de production et leurs réseaux de distribution. Ses installations vidéo immersives et multimédias mélangent faits et fiction, images filmées au drone et images d’archives, avatars 3D et apparitions de l’artiste elle-même. C’est précisément en utilisant ce vocabulaire, qu’elle connaît mieux que quiconque, qu’elle va dans le même temps exhiber les racines pourries du monde digital.
La force de Hito Steyerl est de captiver tout en critiquant, de rester pop et légère, caustique et cajoleuse quand bien même elle alerte sur l’envers de la façade numérique. Voilà pourquoi ses oeuvres plastiques aussi bien que ses textes, qui sont les deux faces d’une même pièce, font également des succès populaires. En 2013, elle montre
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documentary maker, Steyerl – who since her student days has maintained a dual role of theorist and artist – has established herself in the art world. In 1999 she exhibited for the first time, in Vienna, and from there it snowballed. She soon gained international recognition, took part in the travelling 2004 Manifesta 5 art biennial and the 2007 Documenta 12, and began publishing her first theoretical texts on e-flux.com in late 2009. Everything was in place for Steyerl to rise to the rank of most influential figure in the art world, according to Artreview’s 2017 Power 100 list, at which time the New York Times piece was published.
In hindsight, Steyerl’s influence on the 2010s is undeniable, and while Paris’s Centre Pompidou, in collaboration with Düsseldorf’s K21, was preparing a major Steyerl retrospective this June, everything seems to indicate that the next decade will be hers as well. At the roots of her practice is the awareness of a rupture: being a documentary maker is no longer possible today unless you radically change the meaning of the word. Rather than trying to disentangle true from false, lamenting postmodern relativism or using authoritarian truth procedures, Steyerl embraces the fundamental uncertainty of our times, studying the politics of images in today’s world – their global circulation and their new production methods and distribution networks. Her immersive multimedia and video installations blend fact and fiction, drone and archival footage, 3D avatars and appearances by the artist herself. It is precisely by using this vocabulary, which she knows better than anyone, that she simultaneously exposes the rotten roots of the digital world.
Steyerl’s strength lies in captivating while criticizing, remaining Pop and light even when warning us about the dangers of the dark underbelly of the digital world. This is why both her artworks and her texts – two sides of the same coin – are also popular successes. In 2013 she exhibited one of