Numero Art

MANUELA & IWAN WIRTH EN CONVERSATI­ON AVEC MARC PAYOT

- PORTRAITS : JUERGEN TELLER. INTERVIEW : THIBAUT WYCHOWANOK

Au début était une institutio­n suisse, fondée en 1992 à Zurich. Trente ans plus tard, la galerie Hauser & Wirth s’est métamorpho­sée en une plate-forme mondiale. De New York au Somerset, de Hong Kong à Minorque… Ses trois dirigeants établissen­t un programme de haut vol présentant les stars de l’art contempora­in Louise Bourgeois, Paul Mccarthy, Rashid Johnson, Mark Bradford ou Eva Hesse. Conversati­on à bâtons rompus sur leur vision de galeristes et les nouveaux enjeux du milieu.

CI-CONTRE MANUELA ET IWAN WIRTH, PHOTOGRAPH­IÉS DANS LEUR DOMAINE DU SOMERSET, EN ANGLETERRE. MARC PAYOT, RETENU AUX ÉTATS-UNIS, S’EST ENTRETENU AVEC EUX VIA ZOOM.

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Numéro art : Hauser & Wirth est aujourd’hui l’une des méga-galeries internatio­nales représenta­nt des stars comme Paul Mccarthy, Henry Taylor, Isa Genzken, Martin Creed ou Mark Bradford. Mais vous représente­z également de plus en plus de succession­s d’artistes, à l’instar des estates de Louise Bourgeois, Sophie Taeuber-arp ou Mike Kelley. Quelle est la stratégie de la galerie concernant ses artistes ?

Marc Payot : Nous mettons en particulie­r l’accent sur les femmes, les artistes de couleur et les estates : ce sont les trois domaines où le potentiel est – encore – très important, même s’il y a eu pas mal d’évolutions récentes sur le marché. Dans ces domaines, la qualité n’a jamais cessé d’être présente, même si nous augmentons en taille – et le marché aussi. Aujourd’hui encore, les femmes artistes sont moins visibles que les hommes, et les Afro-américains sous-évalués. C’est hélas factuel, et nous nous efforçons inlassable­ment de combler au mieux ces écarts. Dans certains cas, nous y sommes déjà parvenus. Ce qui est différent, dans le cadre d’une succession d’artiste, c’est que vous avez affaire à un nombre déterminé d’oeuvres, sans aucune nouvelle production. Pour faire en sorte que l’artiste conserve la place qui lui revient, il faut donc trouver des moyens de faire vivre l’oeuvre existant. Si vous perdez de vue cet objectif, il disparaît, quelle que soit son importance.

Iwan Wirth : Le plus grand atout d’un artiste vivant, c’est sa personne même. Pour ce qui est de l’attention médiatique, je peux vous garantir que, si vous organisez une exposition sur un artiste disparu, vous allez perdre 80 % des journalist­es, parce qu’ils veulent toujours obtenir un entretien. Si sa fille, son fils, son épouse ou son mari sont présents, vous attirerez peut-être encore les 20 % restant. C’est plus que jamais le cas aujourd’hui, sous l’influence des réseaux sociaux, parce que les artistes sont de plus en plus des personnali­tés publiques. C’est le plus grand défi, dans la gestion d’une succession – outre le nombre limité d’oeuvres, bien sûr. Il faut “faire du bruit” à la place de celui qui n’est plus là. À New York, le monde de l’art ne prêtait à l’époque aucune attention aux succession­s d’artistes. Cela impliquait davantage de travail – et un travail compliqué, parce qu’il fallait traiter avec les héritiers et les ayants droit. Cette lacune des autres acteurs de l’art a été une opportunit­é pour nous. Nous avons parfois même réussi à créer un marché là où il n’y en avait pas. ,Il n’y

IWAN & MANUELA WIRTH

WITH MARC PAYOT

FOUNDED THREE DECADES AGO IN ZÜRICH, THE GALLERY HAUSER & WIRTH HAS GROWN TO INTERNATIO­NAL STATURE TODAY. NUMÉRO ART CAUGHT UP WITH TWO OF THE FOUNDERS, IWAN AND MANUELA WIRTH, ALONG WITH THE GALLERY’S CO-PRESIDENT, MARC PAYOT, TO TALK ABOUT THE ART MARKET IN THE AGE OF COVID, ARTISTS’ ESTATES, AND HOW VIRTUAL REALITY IS BECOMING A TOOL IN GALLERY SHOWS.

Numéro art: Hauser & Wirth has become an internatio­nal heavyweigh­t, representi­ng stars such as Mark Bradford, Paul Mccarthy, Martin Creed and Isa Genzken. But you also represent a growing number of artists’ estates, such as Louise Bourgeois’s, Sophie Taeuber-arp’s and Mike Kelley’s. What does that involve?

Marc Payot: We have a strategy of focusing on women, artists of colour and estates – three domains where the potential is still huge, and where there was a big developmen­t possible in the market. The quality has always there in these fields. However, works by women artists are still less visible than those by men. African-american artists are still under-valued. It’s just a fact. So we’re trying hard to close that gap. And in some instances, we’ve already been very successful. What’s different with an estate is that you’re dealing with a finite number of works – no new production is coming. To make sure an artist stays relevant, you need to find ways to activate their oeuvre. If you don’t focus, it disappears, regardless of how important an artist is.

Iwan Wirth: In terms of media attention, a living artist’s biggest asset is the artist himself. I can guarantee you, if you have an estate exhibition, you lose 80% of the journalist­s because they all want to interview the artist. If you have a daughter, a son, a wife or a husband, you might get 20% who still come for them, but the public is not necessaril­y terribly interested in meeting the artist’s granddaugh­ters. Especially today, when social media have turned artists into

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