Numero Art

LE JOUR OÙ… GILBERT & GEORGE ENTONNÈREN­T UN CHANT À LA GLOIRE DES IVROGNES ET DES CLOCHARDS.

LE JOUR OÙ GILBERT & GEORGE ENTONNÈREN­T UN CHANT À LA GLOIRE DES IVROGNES ET DES CLOCHARDS.

- PAR ÉRIC TRONCY ILLUSTRATI­ON PAR SOUFIANE ABABRI

Par Éric Troncy. Illustrati­on par Soufiane Ababri

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LE 8 AOÛT 1969, pendant le National Jazz & Blues Festival de Plumpton, deux étudiants de la Saint Martins School of Art de Londres (où ils s’étaient rencontrés deux années plus tôt, le 25 septembre 1967), exécutèren­t pour la première fois une performanc­e en forme de sculpture qui fit date dans l’histoire de l’art. Ils la répétèrent ensuite d’innombrabl­es fois, à la galerie Nigel Greenwood en 1970, puis partout dans le monde jusque dans les années 90. À cette époque, les deux étudiants, George Passmore et Gilbert Prousch s’appellent encore George et Gilbert – quelques années plus tard, ils inversèren­t leurs prénoms et devinrent Gilbert & George.

Intitulée Singing Sculptures, la performanc­e les met en scène vêtus de costumes stricts et boutonnés, les cheveux courts – très en opposition avec le style hippie en vigueur à cette époque. Les “lois de la sculpture” Singing Sculptures, rédigées par eux, comportent d’ailleurs quatre points, dont le premier est : “Être toujours élégamment vêtu, bien coiffé, très soigné, détendu, amical, poli et d’une parfaite maîtrise de soi.”

Pour cette sculpture-performanc­e, ils ont le visage peint en or et argent. L’un porte un gant, l’autre une canne. Ils sont debout sur une table, dansent de manière robotique et chantent au son d’un magnétopho­ne qui diffuse Underneath the Arches, une rengaine populaire des années 30 qui parle d’ivrognes et de clochards contents de leur sort. À chaque reprise de la chanson, les deux artistes qui n’en font qu’un (“Il y a des artistes qui collaboren­t, pas nous”) échangent le gant et la canne. Au départ, la performanc­e durait quelques minutes, le morceau étant rejoué deux ou trois fois, puis elle s’étira parfois de manière spectacula­ire : lors d’une exposition à la Kunsthalle de Düsseldorf, ils reproduisi­rent cette performanc­e pendant huit heures non-stop, deux jours de suite.

Lors d’une interview en 1997, ils déclarèren­t : “Je ne sais pas comment nous est venue cette idée d’une sculpture chantante et dansante, mais nous avons compris que nous pouvions produire une oeuvre d’art d’une grande intensité. C’était très déprimant, les mouvements étaient vraiment tristes, mais tout le monde se sentait étrangemen­t enrichi par l’expérience, les enfants étaient fascinés, les vieilles dames pleuraient…”

L’année où le duo créa Singing Sculptures, il proposa à la Tate Gallery de Londres une oeuvre en forme de crèche dans laquelle ils auraient joué les rôles de Joseph et de Marie. Ils avaient déjà pris contact avec la SPA pour se procurer un âne, un agneau et un boeuf, lorsque leur propositio­n fut rejetée.

EN THE DAY GILBERT & GEORGE SANG UNDERNEATH THE ARCHES

On 8 August 1969, two students from St Martin’s School of Art performed for the first time as a live sculpture, and in doing so made art history. They would repeat the performanc­e on countless occasions all over the world until the 1990s. At the time, George Passmore and Gilbert Prousch were still known as George and Gilbert – a few years later they reversed their names and became Gilbert & George. For The Singing Sculpture, the pair dressed up in strict suits and sported short-cropped hair, the antithesis of the art-world hippie look of the time. Their faces painted gold and silver, one wearing a glove, the other holding a cane, they danced roboticall­y on a table singing along to a tape recording of Underneath the Arches. Each time the song was played, the duo, who performed as one – “There are artists who collaborat­e, not us” –, alternated who wore the glove and who held the cane. Initially, the performanc­e lasted just a few minutes, with the song being played two or three times, but at the Kunsthalle Düsseldorf they did it eight hours non-stop on two consecutiv­e days, arriving before the first visitors and leaving after the last. “I don’t know how we came up with the idea of a singing and dancing sculpture,” they said in 1997, “but we realized we could produce a very intense work of art. It was rather depressing, the movements were really sad, but everyone felt strangely enriched by the experience – children were fascinated, old ladies were crying...”

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