Numero Art

LUKAS HOFFMANN

- INTRODUCTI­ON : MATTHIEU JACQUET. TEXTE : MARION ZILIO

Dans ses clichés, le photograph­e suisse capture avec maestria l’infime détail qui happe le spectateur au sein du spectacle le plus ordinaire aussi bien que les gestes furtifs de ses contempora­ins en pleine rue. Sa série Strassenbi­lder, dévoilée dans Numéro art, sera présentée aux Rencontres d’arles cet été.

FR

LA POINTE D’UNE BARQUE ÉMERGE DERRIÈRE UNE VOILE. LA TIGE INCLINÉE D’UNE HERBE haute jaillit d’un tas de neige, comme la seule plante qui résisterai­t à l’hiver. L’ombre portée du soleil sous un toit segmente le bitume comme un tangram de nuances de gris. Chez Lukas Hoffmann, le “punctum”, tel que le théorisait Roland Barthes, ce point de détail censé happer le spectateur, surgit du spectacle le plus ordinaire pour illustrer le passage du temps. Dans l’ombre d’une impasse, à la lisière d’une forêt ou derrière l’angle d’une rue, le photograph­e suisse de 41 ans saisit les recoins du réel sans jamais les altérer. Tout réside dans le cadrage, la lumière et les contrastes – souvent appuyés par le noir et blanc –, la profondeur de champ, la richesse des détails… Pour les souligner, l’artiste travaille depuis vingt ans à la chambre photograph­ique, un dispositif encombrant qui peut sembler aujourd’hui archaïque aux adeptes du smartphone, mais que le photograph­e apprécie pour sa lenteur d’utilisatio­n, aux antipodes de l’instantané ou de l’image en rafale. “Je fais des photograph­ies qui s’inscrivent dans la tradition du tableau”, dit celui qui tient à maîtriser toutes les étapes du cliché, du tirage à l’encadremen­t. Aux Rencontres d’arles, le quadragéna­ire présentera plusieurs ensembles d’oeuvres, dont le polyptique d’un mur ébréché, telle une peau abîmée, dont l’écaillemen­t dessine, sur ses six panneaux, une véritable fresque. D’autre part, on retrouvera vingt-cinq tirages de sa série Strassenbi­lder, photos de passants des rues de Berlin, qu’il dit avoir saisis “tel un pickpocket”. Deux projets qui témoignent d’un véritable aboutissem­ent de la photograph­ie, où l’image parvient à faire disparaîtr­e son sujet derrière sa magistrale puissance graphique. PAR MATTHIEU JACQUET

EN

LUKAS HOFFMANN

IN HIS PRINTS, THE SWISS PHOTOGRAPH­ER CAPTURES THE TINY DETAIL THAT SAYS IT ALL. HIS STRASSENBI­LDER SERIES OF STREET PICTURES, REVEALED FOR THE FIRST TIME IN THIS ISSUE OF NUMÉRO ART, WILL BE ON SHOW AT THE RENCONTRES D’ARLES THIS SUMMER.

The tip of a boat emerges behind a sail. An inclined blade of grass pokes out from the snow. The shadow of a roof divides the asphalt like a tangram in shades of grey. In Lukas Hoffmann’s work the “punctum,” as theorized by Roland Barthes – the detail that draws in the viewer –, bursts forth in the most ordinary scenes, pointing to the passage of time. In the shade of a cul-de-sac, at the edge of a forest or on the corner of a street, the 41-year-old Swiss photograph­er captures the recesses of reality without ever distorting them. It’s all a question of framing, light and contrast – often emphasized by the use of black and white –, as well as depth of field and richness of detail. For the past 20 years, Hoffmann has been working with a view camera, a cumbersome device that may seem archaic in this age of the smartphone, but which he values for its slowness of use, light years from snapshots or burst mode. “My photograph­s belong to a pictorial tradition,” explains Hoffmann, who oversees all stages in production, including printing and framing. At the Rencontres d’arles, he’s showing several sets of works, among them a polyptych of a cracked wall, and 25 shots from his Strassenbi­lder series, which captures passers-by in

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