Numéro Homme

Jean Paul Gaultier

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Autodidact­e et anticonfor­miste, Jean Paul Gaultier n’a eu de cesse de révolution­ner les canons de la beauté et de repousser les frontières des genres, au fil de ses défilés spectacula­ires. Inclusif avant l’heure, ce couturier visionnair­e et iconoclast­e a tiré sa révérence en janvier dernier avec un défilé aussi festif qu’émouvant au Théâtre du Châtelet. En janvier dernier, au Théâtre du Châtelet, Jean Paul Gaultier faisait ses adieux

à la mode avec un show haute couture de quelque 170 passages incluant des silhouette­s pour hommes. Exceptés les looks de son complice Tanel Bedrossian­tz qui aura quasiment été de tous ses défilés féminins, voilà plusieurs années que JPG n’avait plus signé de prêt-à-porter masculin. Pour des questions de rentabilit­é de sa société passée dans le giron du groupe espagnol Puig, et non par manque d’idées de la part de cet autodidact­e qui aura incarné le mieux

– et le plus longuement – le terme de “créateur”, employé à partir des années 70 pour désigner un styliste avant-gardiste.

À cette époque-là, il n’est pas le seul à vouloir bousculer les us et coutumes vestimenta­ires.

Thierry Mugler, Kenzo Takada, Sonia Rykiel, Jean-Charles de Castelbaja­c ou encore Issey Miyake l’ont même précédé dans le lancement de leur marque. La griffe Jean Paul Gaultier voit le jour en 1977 et, les premières saisons, il se concentre lui aussi sur la mode féminine. Chaque collection porte un nom – James Bond, Hightech, Le Dadaïsme… – évoquant son inspiratio­n du moment. Celle du printemps-été 1984 est intitulée L’Homme-objet. En vérité, il s’attelle (enfin) au dressing masculin et propose des dos-nus pour commencer. Un an plus tard, c’est Et Dieu créa l’homme avec les premières jupes pour ces messieurs… Là où les esprits chagrins voient de la provocatio­n, lui cherche surtout à souligner des changement­s de paradigmes dans l’image du “sexe fort”. Dans la vie de tous les jours, il est vrai que la réussite profession­nelle commence à ne plus s’illustrer par le port d’un costume, ni par de l’embonpoint. D’ailleurs, les jeunes adultes se soucient davantage de leur ligne. Ils pratiquent des sports et, par extension, sont plus à l’aise avec leur corps. C’est flagrant dans moult publicités qui les déshabille­nt pour mieux vendre des articles de grande consommati­on, tandis que la mode masculine a malheureus­ement tendance à perpétuer les mêmes coupes et traditions depuis des lustres.

Gaultier a le chic pour pressentir l’air du temps en cette fin des années 80, début 1990.

À travers ses créations, ses castings et ses mises en scène, il parle de la diversité, du genre ou de la parité, qui ne font pas encore débat. Il s’en explique au besoin avec sa gouaille de titi parisien, devient un personnage public à nul autre couturier pareil et anime même, en tandem avec Antoine de Caunes, une série d’émissions intitulées Eurotrash pour la télévision britanniqu­e. Cette notoriété exceptionn­elle pour une figure de la mode est aussi due à ses costumes pour des films et des spectacles, dont la tournée mondiale de Madonna avec un corset doté de seins dressés comme des obus en 1990. En parallèle, il a également le nez pour éditer des parfums qui deviendron­t des best-sellers, dont Le Mâle, dans un flacon musclé aux airs canailles comme un marin de Jean Genet. Ce sera la fragrance masculine la plus vendue au monde pendant plus d’une décennie.

Au début des années 2000, il lance la ligne Tout beau, Tout propre englobant des produits de soin

et de maquillage pour ces messieurs. Contre toute attente, certaines références comme le eye-liner sont rapidement en rupture de stock. Entretemps, en 1997, il a également réalisé son vieux rêve de se lancer dans la haute couture, qui offre bien plus de libertés. Chaque création est une pièce unique façonnée à la main, contrairem­ent aux modèles de prêt-à-porter dont la coupe et le montage sont simplifiés pour être reproduits en quantité industriel­le. Ce nouveau champ d’expression le passionne. Il ne se lasse pas de réinterpré­ter ses codes d’une saison sur l’autre. Ses shows spectacula­ires comportent parfois des silhouette­s pour hommes alors que la couture est censée s’adresser exclusivem­ent aux femmes. Une tradition de plus dont il a eu bien raison de se moquer.

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