Numéro Homme

Rick Owens

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Depuis sa jeunesse tourmentée dans le milieu undergroun­d de Los Angeles, Rick Owens n’a rien perdu de son attitude punk en fondant sa marque. Du créateur sans concession, la postérité retiendra peut-être le film Butt Muscle qui le met en scène dans une golden shower… mais surtout ses créations mêlant une esthétique néogothiqu­e à sa passion pour l’architectu­re brutaliste. La blague était facile et tenait à une seule lettre, à l’issue du défilé culotté de Rick Owens

pour l’automne-hiver 20152016. “Culotté” au sens figuré, car les mannequins de l’Américain portaient des tuniques, de longs tee-shirts et autres hoodies rallongés. Mais en dessous, ils n’avaient pas de sous-vêtements, et cette procession inédite de petits oiseaux sortis, qui fit sensation sur Internet et les réseaux sociaux, lui valut ainsi le surnom de “Dick” Owens pendant quelque temps.

Nombre d’autres shows de ce Californie­n établi à Paris depuis 2003 ont impression­né le public.

Cela tient à la fois à une mise en scène monumental­e, à la musique toujours assourdiss­ante, au casting de mannequins jamais vus et, par-dessus tout, à des créations qui donnent souvent l’impression d’avoir été modelées dans les minutes précédant le défilé. Une saison, ce sont des perforatio­ns ciblées qui caractéris­ent les silhouette­s. Les suivantes, des excroissan­ces incontrôlé­es, des volumes immenses, des capitons disproport­ionnés, des mailles ultra moulantes ou des peausserie­s laissées bords francs réinventen­t le dressing de cet as de la coupe dont les modèles s’avèrent souvent plus proches de la couture que du prêt-à-porter.

Rick Owens a étudié le modélisme et les techniques tailleur au milieu des années 80,

lors d’une formation artistique à l’Otis College of Art and Design de Los Angeles, à l’issue de laquelle il fait connaissan­ce de la Française Michèle Lamy, artiste et mannequin qui développe également une marque à son nom en Californie. Il est censé l’aider dans la mise au point de ses modèles. Mais il se produit une véritable rencontre entre les deux et, en 1994, lorsqu’il décide à son tour de lancer sa griffe personnell­e, elle est devenue son garde-fou, sa muse, son mentor, sa partenaire à la scène comme à la ville.

Pendant les premières années, la mode de Rick Owens reste relativeme­nt confidenti­elle

et vendue dans très peu de boutiques. En 2002, un premier défilé femme est organisé à New York. Dans la foulée, le Council of Fashion Designers of America (CFDA) lui décerne l’Award du talent émergent, il est recruté comme directeur artistique du fourreur français Revillon et il déménage à Paris avec femme et entreprise. Au cours de cette période faste, l’Américain à l’allure de grand Sioux commence aussi à proposer des modèles masculins qui déclinent son style vestimenta­ire sans chercher à revendique­r un autre genre. Les collection­s de Rick Owens interrogen­t sur le troisième sexe bien avant que ce sujet ne soit à la mode.

En 2005, il signe ses premiers meubles aux lignes fortes, dans des matériaux bruts,

massifs, grisés ou noircis… Il évoque des références qui vont d’Eileen Gray à Constantin Brancusi en passant par les skate parks de sa jeunesse en Californie, mais, là encore, c’est un style à nul autre pareil qui se dessine.

L’année suivante, ce mobilier trône dans sa première boutique qui concentre l’intégralit­é de son univers en bordure du jardin du Palais-Royal à Paris. Sous le drôle de titre L’ai-je bien descendu ?, il autoédite également un livre de mots et d’images, qui résume à merveille ses créations en 2007.

Plus proche, dans sa démarche, d’un artiste que d’un styliste, Rick Owens a reçu plusieurs prix

du Cooper Hewitt, Smithsonia­n Design Museum, du Fashion Group Internatio­nal et du CFDA, qui a salué l’ensemble de sa carrière au printemps 2017. À la fin de la même année, une rétrospect­ive de son travail a eu lieu à Milan… Une somme d’honneurs qui ne l’ont pas détourné de sa volonté de créer, toujours et encore, de façon unique et percutante.

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