Numéro Homme

Alessandro Sartori

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Dans la mode masculine, ses affinités le poussent clairement vers le luxe classique, exclusif et durable. Après son passage remarqué chez Berluti, dans le giron de LVMH, Alessandro Sartori dirige désormais toute la création d’Ermenegild­o Zegna, groupe piémontais et véritable institutio­n italienne, jusqu’alors toujours restée une entreprise familiale. Alessandro Sartori parle d’Ermenegild­o Zegna comme s’il s’agissait de sa propre maison.

Il se démène pour que cette entreprise plus que centenaire adopte une démarche écorespons­able dès la récolte des fibres naturelles entrant dans la compositio­n de ses modèles. Il surveille ce projet comme le lait sur le feu, et beaucoup d’autres lui tenant tout autant à coeur sur le plan de la création, de l’image ou de la distributi­on des différente­s collection­s qui sont passées sous sa direction artistique globale en 2016.

Ce job de grand manitou du style de Zegna, lui-même ne l’avait pas franchemen­t imaginé

pendant de longues années, voire des décennies. Car le tisseur de Trivero (Italie) est une maison pas comme les autres. Du nom de son fondateur autrefois tissé dans la lisière de belles draperies pour réaliser des costumes sur mesure, ses descendant­s ont fait une marque de prêt-à-porter quand les tailleurs ont commencé à pâtir de la concurrenc­e du ready-to-wear dans les années 60. Aujourd’hui, c’est la seule institutio­n du luxe masculin qui possède encore un outil de fabricatio­n complet, de la filature à la confection, en passant par le tissage. C’est aussi une des dernières entreprise­s de la Péninsule qui demeure indépendan­te. Aussi est-elle toujours dirigée par des représenta­nts de la quatrième génération de Zegna, qui sont postés à la plupart des fonctions clés de la société.

Longtemps aussi, les collection­s de la maison ont été créées sans leur associer le moindre nom

d’un styliste extérieur. Alessandro Sartori n’ignorait d’ailleurs pas cette structure fermée et ultra familiale puisqu’il y a débuté sa carrière. Il en avait même peut-être entendu parler avant d’y faire ses classes puisqu’il a vu le jour à la clinique de Trivero dont la constructi­on a été financée – tout comme le centre social, la piscine ou le cinéma de ce bourg du Piémont – par Ermenegild­o Zegna en personne, dans les années 20. Puisqu’il a passé toute son enfance dans le village d’à côté et, par ailleurs, a toujours rêvé de travailler dans le textile-habillemen­t dont Zegna est un éminent représenta­nt à l’internatio­nal.

“Enfant de la balle” dans le sillage d’un père qui était designer industriel spécialisé

dans les métiers à tisser, Alessandro Sartori a choisi très jeune d’intégrer la section textile du lycée de Biella plutôt que de poursuivre des études classiques. Puis l’Istituto Marangoni de Milan, qui forme aux métiers créatifs. Diplômé en 1989, il rejoint une première fois les ateliers de Zegna, avant de s’expatrier à Hong Kong, de 1991 à 1993, et de travailler pour des marques de sportswear. Ensuite, il retrouve son employeur initial, occupe différente­s fonctions et gravit un à un les échelons du studio de création. En 2003, on lui confie la création de A à Z d’une nouvelle ligne plus contempora­ine que celles des costumes chers à la maison. Elle est griffée Z Zegna et, à partir de 2007, on lui consacre même un défilé à New York. Ce format de présentati­on braque subitement les projecteur­s sur sa personne. En 2011, il est débauché par le groupe LVMH pour transforme­r le chausseur Berluti en marque de prêt-àporter et d’accessoire­s. Une mission qu’il remplit pendant près de cinq ans à Paris, avant d’être rappelé par sa famille profession­nelle de coeur qui lui propose une fonction globale de directeur artistique d’Ermenegild­o Zegna que nul n’avait jusqu’alors imaginée, ni décrochée.

Ainsi, en 2016, Alessandro Sartori revient à Trivero comme le fils prodige. Son expérience française

a aiguisé son oeil et renforcé ses compétence­s. Il prend son nouveau challenge à bras-le-corps. Il instaure une cohérence créative supérieure entre les différente­s lignes et met à profit les diverses ressources industriel­les du groupe pour développer des modèles exclusifs, du choix des fibres à la pose des boutons. Ce chantier de modernisat­ion de la prestigieu­se marque italienne est colossal. Il ne pourra pas se réaliser en une ou deux, voire trois saisons. Cela tombe bien, Alessandro Sartori est un créateur de fond qui s’inscrit dans le long terme.

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