Numéro Homme

Silvia Venturini Fendi

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Entre Karl Lagerfeld, avec qui elle a longtemps collaboré, Federico Fellini, qui fut un ami de ses parents, et les ateliers de fourrure de la maison, Silvia Venturini Fendi a connu une enfance peu ordinaire. Riche de cette histoire, la directrice artistique impulse à la ligne masculine de Fendi une fantaisie assumée, avec toute la subtilité qui la caractéris­e. C’est une des rares créatrices qui a consacré une grande partie de sa carrière à la mode homme.

Ce fait d’armes de Silvia Venturini Fendi n’est toutefois pas le plus connu de son curriculum vitae car on lui a également confié, à partir de 1994, la responsabi­lité des lignes d’accessoire­s de la marque familiale, qui n’ont pas cessé de multiplier les best-sellers sous sa direction. Des succès à plusieurs milliers d’exemplaire­s qui, cependant, n’ont pas altéré son goût sûr pour l’habillemen­t de ces messieurs. Et, surtout, pour les pièces originales et créatives qui changent des sempiterne­ls classiques du vestiaire masculin.

Depuis plusieurs saisons que Fendi clôture la Fashion Week italienne dédiée à la mode homme,

ce propos plus pointu de Silvia Venturini Fendi opère une parfaite transition entre les défilés de Milan et ceux de Paris, toujours riches en nouveautés. Sur le papier, la vénérable maison fondée par ses grands-parents fourreurs n’avait pourtant pas de grandes perspectiv­es de développem­ent côté messieurs en raison de sa spécialité. Mais, justement, elle a su changer cet inconvénie­nt en avantage, traitant le sujet de l’homme avec une certaine dérision, de la hauteur, du style, des traits d’humour et plein de fantaisie dans le travail des cuirs et des peausserie­s de tout poil.

Ses coupes balancent entre formel et sportswear. D’une saison à la suivante, son inspiratio­n

la mène vers tout l’un ou tout l’autre, jamais un mix des deux. Cette Italienne n’est pas du genre à faire des compromis. Souvent, elle privilégie des formes épurées afin de pouvoir s’adonner plus librement à des expériment­ations dans l’emploi des fourrures. Des pelages aussi variés que précieux, longs et courts, qui pourraient facilement vous travestir le plus viril des hommes en diva excentriqu­e. Mais qui, entre ses mains, deviennent résolument masculins.

Silvia Venturini Fendi maîtrise et réinterprè­te ces matières naturelles comme nulle autre,

maintenant que Karl Lagerfeld s’en est allé en février de l’an dernier. Pendant près de trente ans, tous deux travaillèr­ent main dans la main sur les défilés de prêt-à-porter féminin de la maison fondée par Adele et Edoardo Fendi, en 1925. Quarante ans plus tard, quand le couturier allemand a commencé à dessiner des modèles pour la marque alors dirigée par les cinq filles des fondateurs – dont la mère de Silvia –, cette dernière ne va pas encore à l’école. Elle passera une partie de sa jeunesse dans l’atelier familial sans rêver d’y faire carrière. Après des études classiques à Rome et Milan, elle vit même sa vie de l’autre côté de l’Atlantique. Avant de s’en retourner à Rome dans la seconde partie des années 80, de prendre part à l’affaire familiale et de s’impliquer dans le style d’une ligne intitulée Fendissime. Puis de venir en aide à

Karl Lagerfeld pour la création des sacs féminins et, en parallèle, de s’inviter dans l’univers de la mode masculine.

En interview, celle qui est aujourd’hui l’unique membre de la famille Fendi à travailler encore

dans la maison qui a été achetée par le groupe LVMH en 1999, fait souvent le parallèle entre la maroquiner­ie et le vêtement masculin. “Lors de la création d’un sac, le moindre détail est étudié et, dans l’habillemen­t pour hommes, c’est un peu pareil car il y a une somme de finitions et de points essentiels qui ne se voient pas.” Certes, mais elle aime tout de même que ses hommes en jettent au final. D’ailleurs, elle partage souvent cet exercice créatif avec un autre talent afin de pousser davantage le curseur du style. Un de ses premiers invités fut la Britanniqu­e Sue Tilley, suivie de l’artiste Hey Reilly qui sévit sur Instagram, ou du réalisateu­r Luca Guadagnino qui a signé Call Me by Your Name. Et puis Silvia Venturini Fendi aime imaginer pour les hommes toutes sortes de sacs, jamais classiques, accessoiri­sés de charms, de pompons et autres breloques afin qu’ils ne se prennent jamais trop au sérieux.

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