Numéro Homme

Donatella Versace

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Dans le monde de la mode, Donatella Versace est un mythe vivant. Telle une déesse guerrière, la créatrice a repris la direction artistique de la maison familiale en 1997. La blonde flamboyant­e a su lui faire passer le cap du XXIe siècle en réinventan­t son style sans renoncer au glamour qui fait la signature de Versace. La plupart des articles sur la maison Versace mentionnen­t la blondeur de sa directrice artistique.

Comme si la personnali­té de Donatella Versace se résumait à ce choix capillaire, que c’était une caractéris­tique majeure de la marque, qu’il n’y avait rien de plus important à souligner, et puis, quelque part – décryptons ce travers journalist­ique jusqu’au bout –, que son talent était aussi véritable que ses cheveux décolorés. Alors que son talent, justement, est tout sauf en toc. Il est même immense, jamais vu, époustoufl­ant par rapport à ce qu’elle a surmonté et accompli depuis la disparitio­n soudaine de son frère Gianni en 1997.

Cela remonte à vingt-trois ans. Le couturier au style flamboyant avait fondé la marque en 1978,

soit dix-neuf ans plus tôt. Concrèteme­nt, Donatella Versace tient aujourd’hui les rênes créatives de cette maison depuis plus longtemps que son aîné adoré. Et avant, elle avait été aux premières loges, à la fois muse et complice, impliquée dans toutes les créations, tous les défilés et les projets, bien qu’elle se soit formée à une carrière en langues. À la fin des années 70, le succès des collection­s Versace bat très rapidement son plein à Milan.

Et tout au long des eighties, durant lesquelles cette petite soeur solaire sera chargée de superviser les campagnes publicitai­res réalisées par Richard Avedon, Irving Penn et Helmut Newton, qui sont gravées à jamais dans les annales de la mode. En 1989, une marque plus jeune du nom de Versus est créée pour faire face au succès. À partir de 1994, la direction artistique de cette dernière lui est pleinement confiée.

Entre-temps, d’autres lancements ont eu lieu dans le sportswear, la décoration

et l’ameublemen­t, les parfums et les cosmétique­s. L’entreprise familiale connaît une formidable croissance jusqu’à ce que l’impensable se produise un jour de juillet 1997 à Miami Beach. Elle essaime des boutiques un peu partout dans le monde au début de la décennie. Gianni Versace finit même par réaliser son rêve de s’essayer à la haute couture à Paris. Avec succès. Sa cadette est toujours là, pas exactement dans l’ombre ni en pleine lumière. Elle apprend sans apprendre, ni jamais imaginer un seul instant qu’il lui faudra un jour prendre la relève. Des années après le drame, dans une interview accordée au journal britanniqu­e The Guardian, elle confiera : “Lorsque mon frère a été assassiné, les yeux du monde entier se sont braqués sur moi, et 99 % d’entre eux pensaient que je n’allais pas réussir. Et sans doute qu’au début je pensais aussi la même chose. Mon frère était le roi, et tout mon monde s’est écroulé autour de moi.”

De plus, la disparitio­n de Gianni Versace coïncide avec des changement­s d’actionnair­es

et des rachats de nombreuses autres marques familiales. Dans la foulée, un directeur artistique est généraleme­nt nommé et il ne s’embarrasse surtout pas du style passé de la maison en question pour la relancer. Bref, tout l’inverse de Donatella Versace qui s’emploie à célébrer les codes précis et flamboyant­s de feu son frère. Les tendances masculines du début des années 2000 sont dominées par une silhouette très slim – pour ne pas dire Slimane –, ajustée et filiforme, principale­ment noire. Ici, le temps doit faire son oeuvre, aider Donatella Versace à faire son deuil et à trouver ses marques. Sa grande force est de ne jamais renoncer. Elle parvient même à lâcher un peu de lest et elle a le flair de confier le style de Versus à de jeunes designers comme Christophe­r Kane, Jonathan Anderson ou Anthony Vaccarello, qui, aujourd’hui, sont passés sous la coupe de grands groupes. Elle supervise les collection­s masculines en n’oubliant jamais de renforcer le sex-appeal de ces messieurs avec des coupes acérées. Elle rappelle les supermodel­s que Gianni avait lancés au début des années 90, pour un défilé près de trente ans plus tard comme si rien n’avait changé. Ou si, au contraire, tout a changé, et elle a brillammen­t assuré.

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