Numéro Homme

Du baume au coeur.

Par Simon Liberati, photo Nicolas Menu, réalisatio­n Jean Michel Clerc

- par Simon Liberati, photo Nicolas Menu, réalisatio­n Jean Michel Clerc

S’enduire de crème hydratante est un geste assez commun pour certains d’entre nous. Pour l’écrivain Simon Liberati, c’est une aventure romanesque qui s’amorce lors de son premier contact avec le Baume Cica-Réparateur 1967 de Dior.

“Tes crèmes sont arrivées !”

Clara Benador, ma si jolie belle-fille, partage notre vie depuis plusieurs mois, elle ne dort jamais, elle est là, cette girafe merveilleu­se, tendant ses longs doigts vers le sac Dior qu’éclaire le soleil du matin.

Le paquet blanc et doré contient un tube de crème blanc et noir barré d’une date argentée : Baume Cica-Réparateur 1967… Moi qui ne mets jamais le moindre produit sur ma vieille peau de crocodile, en 1967, j’avais 7 ans, l’âge de raison, et l’Aston Martin de James Bond téléguidée.

Je vis en short depuis des mois – depuis le jour de mes 60 ans en mai –, je me balade en short et en espadrille­s à Nice, Saint-Tropez,

Bonnieux, Biarritz, Comporta, Cap-Ferret… Toujours avec mes vieilles espadrille­s brodées aux armes de l’hôtel Cheval Blanc Randheli des Maldives. On dirait le chanteur Antoine, ou Bukowski, je suis en train de tourner clochard bronzé… Et avec tout cela ma peau souffre, se fendille, craquelle, mes pieds desséchés ressemblen­t à ceux d’un personnage de

Tim Burton.

Alors, avant de décrire pour les besoins de mon nouveau roman une scène lesbiennem­arijuana-SM se déroulant circa 1975 au Chelsea Hotel de New York, je m’enduis les jambes, la tête, les mains, le sexe et tout ce que je trouve de moi avec le Baume Cica-Réparateur 1967, et là – waouh ! – c’est l’extase. J’ai l’impression d’avoir la peau douce comme une de mes maîtresses asiatiques d’autrefois. Je me sens femme et homme à la fois, je suis heureux, prêt pour une bonne séance d’écriture avant la première bière de la journée.

Une tête blonde passe par la porte : “Tu peux me passer ta crème ? Tu ne fais jamais rien pour moi… Tu peux au moins me passer ta crème !”

Je ne verrai plus le pauvre tube blanc, il est englouti dans les trésors d’Eva Ionesco, dans un amoncellem­ent hasardeux quelque part au premier étage. Je garde le shopping bag,

il servira pour ranger les factures et les lettres d’huissier.

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Baume Cica-Réparateur 1967, Dior, 50

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