Guest list
Bruce LaBruce, Abel Ferrara, Luca Guadagnino, Claire Denis, Jean- Baptiste Mondino, Erwan Frotin, Gregory Crewdson, Jeff Burton, Delphine Roche, François Simon, Éric Dahan, Olivier Joyard Ils collaborent à Numéro Homme.
En 1996, Hustler White débarquait dans les salles de cinéma en Europe et révélait toute la vigueur de Bruce LaBruce, cinéaste gay, artisan de la scène LGBTQ+ et de la contre- culture nordaméricaine. Pour qui a le coeur bien accroché et les idées pas trop bourgeoises, il est toujours plus qu’indispensable de voir ses films, mêlant zombies, skinheads et scènes explicites de sexe, pour dynamiter la bien-pensance collective et questionner radicalement les valeurs de nos sociétés. En 2015, soit près de trente ans après les débuts de cet artiste essentiel de notre époque, le MoMA, à New York, lui consacrait d’ailleurs une rétrospective. Bruce LaBruce a mis en scène et photographié pour nous de jeunes hommes dans les rues de Toronto, ville qui l’a vu éclore ( p. 105).
Longtemps, son cinéma a emprunté la voie d’une intensité sombre, comme s’il y avait urgence, pour un Italo-Américain de New York, à révéler la Grosse Pomme en mère de tous les damnés de la terre. Auteur de films cultes tels que King of New York, Bad Lieutenant (ressorti sur les écrans cette année), The Addiction ou Nos funérailles, Abel Ferrara a depuis arrêté de consommer des drogues dures sans délaisser tout à fait son pessimisme existentiel. Toujours en proie à des questionnements profonds, il a récemment braqué sa caméra sur le drame des migrants, en Italie, dans son documentaire Piazza Vittorio. Poursuivant sur cette ligne, le réalisateur est revenu sur la piazza Victor- Emmanuel II pour mettre en vedette la population locale dans une série de photos ( p. 146).
Trois nominations aux Golden Globes, quatre aux Oscars et, au bout du compte, la statuette remportée pour le meilleur scénario adapté. C’est peu de dire que Call Me by Your Name, de Luca Guadagnino, a tout renversé sur son passage en 2018. Après ses films précédents, Amore et A Bigger Splash, qui ont suffi à construire autour de lui une armée mondiale de fans inconditionnels, le réalisateur italien y portait à un degré de rare incandescence son esthétique à la fois hédoniste et sombre. Cet automne, il sublime de nouveau, dans Suspiria, l’actrice au charme étrange Tilda Swinton. Dans la même veine, il réalise pour cette édition consacrée au cinéma une série mode qui met à l’honneur deux jeunes comédiens dans un univers indécryptable, à la limite du fantastique ( p. 164).
Faisant fi des clichés sur les femmes et le prétendu “regard féminin”, la cinéaste Claire Denis a construit une oeuvre traversée par des désirs francs et brutaux, parfois même anthropophages. Au fil de ses longs-métrages, tels que White Material, Trouble Every Day, Nénette et Boni, et aujourd’hui High Life – qui a défrayé la chronique au dernier Festival de Toronto –, la Française a toujours suivi sa propre voie sans jamais céder au politiquement correct. Cette grande réalisatrice, assurément l’une des plus importantes de son époque, a choisi de répondre à notre commande avec l’exigence qu’on lui connaît, mais en restant toujours fidèle à elle-même. Elle explore donc une nouvelle zone trouble, celle de l’adolescence, dans une très belle série d’images réalisée à Paris ( p. 180).