Mise en lumière.
Avec son inimitable noir et blanc léché, le Studio Harcourt a inventé une signature photographique inspirée de l’esthétique du film noir classique. Un style si remarquable qu’il a fixé à jamais l’allure des plus grands acteurs, mais aussi sublimé, par la magie de son art, la moindre starlette et même le quidam. Une fois n’est pas coutume, le studio parisien applique ici son savoir-faire unique aux accessoires phares de la saison, pour révéler leur lumière intérieure. Par Antoine Ruiz, photos Studio Harcourt Paris, réalisation Jean Michel Clerc
Avec son inimitable noir et blanc ultra léché, le Studio Harcourt a inventé une signature photographique inspirée de l’esthétique du film noir classique. Un style si remarquable qu’il a fixé à jamais l’allure des plus grands acteurs, mais aussi sublimé, par la magie de son art, la moindre starlette et même le quidam. Une fois n’est pas coutume, le studio parisien applique ici son savoir-faire unique aux accessoires phares de la saison, pour révéler leur lumière intérieure.
La première pierre de la légende est posée en 1934 au
11 bis de la rue Christophe- Colomb, dans le VIIIe arrondissement de Paris. Ils ne sont alors que quatre : Jacques et Jean Lacroix, des hommes de presse, Robert Ricci, fils de la couturière Nina Ricci et fondateur de l’agence de publicité Pro- Publicité, et la photographe Germaine Hirschfeld, alias Cosette Harcourt, ancienne responsable commerciale du studio des frères Manuel ( le studio G. L. Manuel frères). C’est ce quatuor créatif qui va avoir l’ingénieuse idée de concocter une esthétique photographique singulière ; une signature sans pareil, reconnaissable au même titre que le it- bag clinquant d’une célèbre marque de luxe au bras d’une fashion victim.
Finis, les portraits à la papa, avec sourire et attitude
guindée. Place à la mise en scène et à la dramaturgie. Le Studio Harcourt invente ce qui devient sa véritable marque de fabrique : les fameux portraits en noir et blanc, distingués par un halo clair- obscur on ne peut plus dramatique émanant des éclairages au tungstène ou HMI utilisés au cinéma pour les films noirs. Pour ce faire, le Studio Harcourt fédère un bon nombre de photographes dont le savoir-faire individuel disparaît au profit d’une identité commune et unique. Ils osent le plan poitrine – si intime –, qui met le sujet photographié dans une posture de confession sur fond uni. Maquilleuses, éclairagistes, tireurs, retoucheuses… comme au cinéma, le Studio Harcourt ne lésine pas sur les moyens. Ses équipes sont pléthoriques, comptant près de 80 personnes.
Le modèle est chouchouté comme une véritable star.
La magie opère, suscitant une véritable Harcourtmania. Écrivains, comédiens, danseurs, chanteurs, peintres ou même hommes politiques… le Tout- Paris défile dans le studio. Rapidement relayés par l’Agence France- Presse, des portraits d’actrices et d’acteurs sont alors placardés sur les devantures de cinémas et de théâtres. Line Renaud, Danielle Darrieux, Gérard Philipe…
les vedettes participent à l’écriture de la légende Harcourt, et
vice versa. “On n’est pas acteur si l’on n’a pas été photographié par les Studios d’Harcourt”, analyse même le philosophe
Roland Barthes dans ses Mythologies en 1957.
L’ascension est fulgurante. Après la bourgeoisie parisienne
et le star- système français, les soldats allemands à leur tour veulent leur petit morceau de légende pendant l’Occupation, suivis, à la Libération, par les GI. Le phénomène Harcourt s’exporte alors à l’étranger, inaugurant un âge d’or qui durera jusqu’à la décennie 1970.
Mais les temps changent. De nouveaux désirs naissent
de nouvelles modes. Les premiers appareils reflex sont commercialisés, démocratisant le média. Des photographes originaux surgissent, faisant basculer dans le passé les statutaires clichés du légendaire studio parisien. Au début des années 80, le show- business se presse désormais devant l’objectif de Pierre et Gilles, dont l’esthétique kitsch et colorée fait fureur, sonnant le glas du formalisme d’Harcourt. Karl Lagerfeld, Cate Blanchett, Roger Federer, Jean Dujardin… Si quelques célébrités prennent encore la pose, ce sont surtout les matelas Tréca (notamment) qui, dans les années 2010, trustent l’objectif mythique à l’occasion de leurs campagnes publicitaires.
Le coeur du studio bat toujours, aujourd’hui niché dans un
hôtel particulier de 1 000 m2 de l’étroite rue de Lota, dans le très chic XVIe arrondissement de Paris. Les nostalgiques peuvent espérer s’offrir une part du rêve, et se laisser tenter par le “Portrait Instant”, un plan américain, cadré à mi- cuisse, en format 18 x 24 cm sur papier d’exposition, tiré après une séance de maquillage et une phase de mise en scène d’une heure. Les plus dépensiers pourront aller jusqu’à s’offrir un “Portrait Prestige”, un plan serré matérialisé par un tirage 24 x 30 cm sur papier baryté d’exposition, réalisé, lui, en deux heures, maquillage et mise en scène compris également.