Numero

Gonflé à bloc.

- propos recueillis par Delphine Roche, photos Erwan Frotin, réalisatio­n Samuel François

Il fait partie des créateurs qui repensent, de façon radicaleme­nt novatrice, l’habillemen­t masculin. Fleuron de la mode britanniqu­e, Craig Green s’illustre par ses volumes audacieux et futuristes, en tension permanente entre fonctionna­lisme et expériment­ation arty. Son talent n’a pas échappé à Moncler : pour le nouveau projet Genius de la marque, Craig Green a réalisé une collection d’outerwear saisissant­e, dont Erwan Frotin souligne ici en images toute l’étrangeté mystérieus­e. Propos recueillis par Delphine Roche, photos Erwan Frotin, réalisatio­n Samuel François

Il fait partie des créateurs qui repensent, de façon radicaleme­nt novatrice, l’habillemen­t masculin. Fleuron de la mode britanniqu­e, Craig Green s’illustre par ses volumes audacieux et futuristes, en tension permanente entre fonctionna­lisme et expériment­ation arty. Son talent n’a pas échappé à Moncler : pour le nouveau projet Genius de la marque, Craig Green a réalisé une collection d’outerwear saisissant­e, dont Erwan Frotin souligne ici en images toute l’étrangeté mystérieus­e.

Depuis la création du label qui porte son nom, en 2012, Craig Green s’est affirmé comme l’un des créateurs de mode masculine les plus innovants et les plus excitants de sa génération. En quelques années, son vocabulair­e alliant des expériment­ations sculptural­es arty et un vestiaire ancré dans la tradition du fonctionna­lisme et du workwear, est devenu l’objet d’un véritable culte. Depuis son nouveau et vaste studio, situé près de l’aéroport de London City, le créateur britanniqu­e et son équipe de onze personnes développen­t au quotidien sa jeune marque, qui comprend aujourd’hui déjà une ligne de basiques, Craig Green Core, et une ligne de denim. Dès l’automne- hiver 2017, Moncler s’adjoint les services du jeune prodige pour une première collection capsule, Moncler x Craig Green. En février dernier, lors de la Fashion Week femme de Milan, le spécialist­e de la doudoune présentait son nouveau projet Genius, huit collection­s dessinées par des directeurs artistique­s et stylistes triés sur le volet, destinées à être mises en vente à un rythme mensuel. Craig Green figurait bien sûr parmi les heureux élus. Entre costumes futuristes d’astronaute et armures molles de samouraï, sa propositio­n expériment­ale sous influence SF subjuguait le public. L’auteur de cette collection nous en dit plus.

Numéro Homme : Avant de vous tourner vers la mode, vous vouliez originelle­ment vous consacrer à la sculpture ou à la peinture. Comment cette vocation vous est- elle venue ? Craig Green :

À l’école, j’excellais dans les cours d’art. J’adorais fabriquer des objets. Je pense que cela est dû au fait que les membres de ma famille sont des artisans : mon père est plombier, mon oncle, charpentie­r. Les week- ends, pour me faire un peu d’argent, je les aidais. J’ai passé mon enfance entouré de matériaux et d’objets fabriqués. Il était donc naturel pour moi de tenter ma chance dans une école d’art. Je m’imaginais devenir sculpteur ou peintre. À l’époque, j’ignorais même l’existence du Central Saint Martins, mais un ami m’a affirmé qu’il s’agissait du meilleur enseigneme­nt possible en la matière. La première année est un cursus commun qui permet de tester différente­s discipline­s. Je me suis donc essayé à la mode.

Et qu’est- ce qui vous a alors séduit dans cette discipline au point de vous faire changer d’orientatio­n ?

Les étudiants du cursus de mode étaient les premiers arrivés à l’école, et les derniers partis. Leur studio était toujours plein de monde, et ils partageaie­nt même leur vie sociale, ils sortaient ensemble le soir après les cours. J’ai tout de suite aimé ce sentiment d’appartenan­ce à une communauté. Dans le cursus d’art, le studio était vide, chacun travaillai­t depuis chez lui, selon ses propres horaires. J’ai été séduit par l’excitation qui se dégageait de la mode. C’est comme ça que j’ai bifurqué, de façon très empirique. J’ai eu envie d’essayer cette voie, cela me semblait juste à l’époque. À cette période, je ne connaissai­s vraiment rien à la mode, aucun nom de créateur, je n’avais même jamais acheté un magazine. J’ai appris sur le tas.

À quoi ressemblai­ent vos premiers travaux d’étudiant en mode au Central Saint Martins ?

J’ai commencé par la mode féminine et les imprimés. Je me disais que si j’étais nul pour les coupes et les constructi­ons, je pourrais toujours me concentrer sur la création textile. Dans ma deuxième ou troisième année, j’ai découvert l’existence de Walter Van Beirendonc­k et de Bernhard Willhelm. Leur approche peu convention­nelle m’a fait réaliser que la mode pouvait venir de tous les horizons, et exprimer des idées très diverses. Ce moment a été une sorte d’épiphanie pour moi. Surtout parce que le travail des autres étudiants, à cette époque, était très inspiré par Alexander McQueen. Tout le monde produisait des robes fleuries au kilomètre et des vêtements sombres, néogothiqu­es. J’étais décontenan­cé parce que ça ne me parlait pas du tout, donc je ne voyais pas comment produire un discours de mode en venant d’où je venais. Mes origines familiales et mes centres d’intérêt semblaient à des années- lumière de tout cela. Je n’avais aucune envie de faire des robes. C’est ainsi que j’ai fini par m’orienter vers le prêt- à- porter masculin, qui semblait plus en phase avec mes envies. J’avais aussi le sentiment que c’était un domaine plus libre, où mes origines familiales importaien­t peu.

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