Art diary : chronique d’un reporter infiltré. Par Nicolas Trembley, photo Jessica Craig- Martin
DE NEW YORK À VENISE
Histoires de foires : une semaine avant l’Armory Show de New York, qui se tient en mars sur les anciennes jetées de la ville – les fameux piers –, une commission de sécurité régionale en a interdit l’accès pour cause de risques d’effondrement. Comment reloger tant de galeries ? Plus loin, il existe d’autres jetées qui peuvent les accueillir, mais la foire parallèle Volta, qui a lieu elle aussi sur un pier, a dû tout annuler alors que presque toutes les oeuvres qu’elle devait exposer étaient déjà arrivées aux États- Unis. Un plan B de dernière minute est sorti du chapeau du collectionneur Peter Hort, qui s’est associé pour l’occasion à David Zwirner, lequel a accueilli une partie des exposants dans sa galerie ( incroyable mais vrai, une foire payante dans une galerie), les autres ayant trouvé place dans un entrepôt de Chelsea mis à disposition par un généreux mécène anonyme. RAS concernant Frieze Los Angeles, l’essai s’est avéré concluant et toute la ville et ses stars embarquent pour un nouvel épisode l’année prochaine dans les studios de la Paramount.
Histoires de boycott : à peine annoncée
la liste des participants à la prochaine Biennale du Whitney, que l’un des ar tistes, Michael Rakowitz, a indiqué qu’il se retirait en raison de la polémique, qui ne cesse d’enfler, concernant l’argent donné à l’institution par Warren B. Kanders, le vice- président du conseil d’administration du musée. Cet homme possède en effet une société, Safariland, qui produit les gaz lacrymogènes utilisés contre les migrants à la frontière avec le Mexique. Le collectif artistique Decolonize This Place, un mouvement militant engagé dans diverses luttes comme la libération des Noirs, de la Palestine, des travailleurs salariés dans le monde et également opposé à la gentrification, demande son éviction. De nombreuses revendications émergent sur la question de la “propreté” de l’argent qui circule dans les institutions. Nan Goldin, par exemple, est à la tête d’une virulente campagne visant les musées qui acceptent des financements de compagnies pétrolières comme BP, ou ceux de la famille Sackler, qui produit et commercialise l’OxyContin, un puissant opioïde addictif dont les effets secondaires peuvent être mor tels. Cer tains appellent les institutions
à ne recevoir que de l’argent public, mais en même temps, le plus gros client de gaz lacrymogène est l’État américain.
Success story : en 2018, le musée du
Louvre a battu son record de fréquentation en accueillant 10,2 millions de visiteurs, soit une hausse de 25 % par rapport à 2017. C’est le musée le plus visité au monde. Connaissezvous l’Atelier des Lumières, dans le XIe arrondissement de Paris ? C’est la success
story d’un lieu qui ne propose pas d’oeuvres, mais un environnement immersif conçu à base de vidéos d’oeuvres, comme celle de Van Gogh par exemple. Avec plus de cent projecteurs, ses “expositions” attirent près de 600 000 visiteurs par an, de quoi commencer à rivaliser avec le MuCEM de Marseille, le Louvre de Lens ou le Centre Pompidou- Metz.
Nouvelle histoire : le pavillon le plus attendu de la prochaine Biennale de Venise est une première. Il s’agit de celui du Ghana, qui accueillera, entre autres, les nouvelles stars des institutions et du marché comme John Akomfrah, El Anatsui, Ibrahim Mahama ou encore Lynette Yiadom- Boakye dans une architecture de sir David Adjaye, le commissaire consultant étant Okwui Enwezor. L’autre pavillon qui fait parler, c’est Taïwan, avec l’artiste Shu Lea Cheang et dont le curateur est Paul B. Preciado.