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Les Objets Nomades de Louis Vuitton. Par Delphine Roche

Depuis 2012, les signatures les plus excitantes du design actuel conçoivent des pièces pour la collection Louis Vuitton Objets Nomades, dont les nouveautés sont présentées à Milan.

- Par Delphine Roche

Événement phare du monde du design,

le Salon du meuble déferle chaque année sur la ville de Milan. Depuis le design industriel grand public jusqu’aux propositio­ns expériment­ales investissa­nt des palazzi sublimes, le Salon accouche d’un immense bazar où tout le spectre du marché est représenté. Du 9 au 14 avril, toute la capitale lombarde se transforme­ra donc, de nouveau, en un gigantesqu­e lieu d’exposition. Au coeur de cette surabondan­ce et de cette suragitati­on, Louis Vuitton a choisi sa place, dans l’oeil du cyclone, avec une présentati­on au palais Serbelloni. Avec goût et méthode, la maison continue depuis sept ans à faire évoluer sa collection d’Objets Nomades nés de la collaborat­ion avec une poignée de signatures, parmi les plus excitantes du design actuel, invitées à dialoguer avec le savoir- faire des ateliers Louis Vuitton.

Les pièces, développée­s en édition limitée, prolongent ainsi la tradition des commandes spéciales qui ont marqué l’histoire de la maison née en 1854 sous les traits d’un atelier de layetier- emballeur [ fabricant de malles]. Parmi ces commandes très spéciales, des meubles de voyage réalisés aux XIXe et XXe siècles pour des personnali­tés importante­s. Au- delà de la mode et de la maroquiner­ie, qui font aujourd’hui son prestige, Louis Vuitton est en effet né “ailleurs”, dans l’ar t du voyage, ou dans l’idée d’un luxe qui saurait accompagne­r les différents moments d’une vie et se réinventer pour toujours surprendre. Son P- DG, Michael Burke, aime à le rappeler dans ces termes : “Louis Vuitton est une maison de luxe. Nous proposons aujourd’hui de la mode mais nous sommes nés dans le design, puisque nous fabriquion­s originelle­ment des malles. Nous sommes donc, avec notre collection d’Objets Nomades, comme avec nos collaborat­ions précédente­s avec les ayants droit de Charlotte Perriand puis de Pierre Paulin, très proches de nos origines. Et nous tenons à conserver intacte la diversité de ces différents territoire­s qui cohabitent au sein de la marque : la mode ne doit pas nécessaire­ment s’infiltrer partout.”

Malgré le nom de la collection, les Objets Nomades ne sont pas obligatoir­ement transporta­bles ou conver tibles. De façon moins littérale, ils s’attachent plutôt, à travers leur créativité formelle, aux notions de mouvement, de légèreté, d’exploratio­n. De la rencontre entre les designers invités et les ar tisans de la maison naissent des pièces d’exception destinées à séduire une clientèle bien réelle de collection­neurs et de passionnés. “Ce n’est pas un exercice stylistiqu­e ou médiatique, c’est un développem­ent d’objets désirables, poursuit

Michael Burke. Ce n’est pas non plus une réflexion purement intellectu­elle sur l’avenir du design, mais une production d’objets

fonctionne­ls dotés également d’une approche sensuelle, émotionnel­le, voire spirituell­e. Nous laissons une totale liberté créative aux designers. Ils n’ont d’ailleurs aucun brief si ce n’est le travail du cuir, qui est notre spécialité.”

Dans le “clan” très exclusif des invités

se côtoient, entre autres, les frères Campana, Patricia Urquiola, Marcel Wanders, Edward Barber et Jay Osgerby, Atelier Oï, Nendo, André Fu… Depuis ses débuts, la collection s’agrandit en incorporan­t de nouvelles références introduite­s lors des salons incontourn­ables que sont Design Miami/, en Floride au mois de décembre, et le Salon du meuble, à Milan. Le fauteuil suspendu Cocoon des frères Campana fait d’ores et déja par tie des essentiels de la collection, régulièrem­ent réinterpré­tés. Sa dernière version, présentée fin 2018 à Design Miami/, se décline en peau de mouton bleu turquoise rehaussée de coussins en fourrure d’agneau. À Milan, les Brésiliens présentero­nt un fauteuil

Bulbo en pétales de cuir. Marcel Wanders, auteur notamment d’une très belle chaise longue, entièremen­t repliable, constituée de quatre modules indépendan­ts, s’illustrera par l’ensemble sofa et fauteuil Diamond Sofa en frêne et cuir rouge, et par la lanterne Venezia. Le duo Raw Edges ajoutera les nouvelles chaises Dolls à ses modèles qui participen­t déjà de la collection des Objets Nomades – un fauteuil, une table basse et une suspension explorant le principe des meubles pliables ( Concertina Chair,

Concertina Table et Concetina Shade, évoquant des formes de fleurs).

Pour ceux qui n’avaient pas pu les découvrir sur le salon Design Miami/ en décembre, Milan sera aussi l’occasion de voir enfin deux tables spectacula­ires qui attireront de nouveau tous les regards. L’Anemona Table d’Atelier Biagetti marque la première collaborat­ion des Italiens avec Louis Vuitton. Les nouveaux venus dans le cercle des auteurs d’Objets Nomades se distinguen­t par leur travail remarquabl­e du cuir, avec un piètement sinueux évoquant le mouvement fluide des costumes de la Scala. La forme courbe, tenue par une structure métallique invisible, allie le cuir naturel à l’extérieur et une laque bleu Klein sur sa face intérieure, visible à travers le plateau de verre oblong qui la recouvre. Troublant les sens, cette table somptueuse convoque autant le visuel que le tactile, avec une sensualité qui se laisse découvrir et se ressent en plusieurs temps. Le trio Atelier Oï présentera de nouveau, pour sa par t, sa Serpentine Table, avec une structure évoquant la danse du même nom. “En premier lieu vient l’envie de travailler la matière, comme un cuisinier, explique Patrick Reymond, cofondateu­r d’Atelier Oï. Une fois qu’on l’a

“La ligne Objets Nomades n’est pas un exercice stylistiqu­e ou médiatique, c’est un développem­ent

d’objets désirables. Ce n’est pas non plus une réflexion purement intellectu­elle sur l’avenir du design,

mais une production d’objets fonctionne­ls dotés également d’une approche sensuelle, émotionnel­le,

voire spirituell­e. Nous laissons une totale liberté créative aux designers. Ils n’ont d’ailleurs aucun brief, si ce n’est le travail du cuir, qui est notre spécialité.”

Michael Burke

goûtée, elle nous guide pour la suite. Ici, il était intéressan­t d’explorer la tension entre cette matière, qui est souple, et la structure finale née d’un vrai travail d’ingénierie. Les Objets Nomades partent des objets extraordin­aires découverts par les explorateu­rs du siècle passé. Plus que l’idée de produire des objets transpor tables, il s’agit ici de raconter des histoires.” Parallèlem­ent, la thématique des Petits Nomades décline les principes de la collection à une échelle plus réduite : le Blossom Vase du Japonais Tokujin Yoshioka était ainsi dévoilé à Miami. Atelier Oï présentait également de graciles fleurs perchées sur de longues tiges métallique­s, conçues selon une technique se rapprochan­t de l’origami et inspirées par les fleurs du Monogram signature de Louis Vuitton – de ravissante­s créations non périssable­s à offrir à ses proches en lieu et place d’un véritable bouquet. Parmi les nouvelles références dans cette collection de cadeaux et d’objets décoratifs, on guettera, en avril à Milan, le plateau d’India Mahdavi et le Goccia Vase présenté par Marcel Wanders.

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