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Interview vérité – Bret Easton Ellis

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et à par tir de là, le reste suit. Je trace les contours, et sur la base de ces contours, j’estime la durée totale, puis je me mets à l’écriture. Ce narrateur qui émerge est donc fondamenta­lement un avatar de vous- même ? Depuis toujours, et pour chacun de mes six romans. D’une façon un peu bizarre, ils constituen­t en quelque sor te mon autobiogra­phie. N’avez-vous pas pourtant déclaré que le personnage de Patrick Bateman, dans American Psycho, s’inspirait de votre père abusif ? D’une certaine manière, c’était lui dans la peau d’un homme d’affaires jeune et branché. Il travaillai­t dans l’immobilier, et il n’était pas heureux. Il me semble qu’en effet, j’ai mis beaucoup de mon père dans le personnage de Patrick Bateman. Mais en définitive, je pense que j’avais très peur d’avouer à quel point le livre parlait aussi de moi. Ensuite, c’est pendant la tournée promotionn­elle de Suite( s) impériale( s), il y a une dizaine d’années, que j’ai finalement réussi à dire : “Voilà, c’était un livre très autobiogra­phique, qui parlait en réalité de ma désespéran­ce juvénile – à New York, dans les années 80, sous Reagan et à la grande époque des yuppies.” Je me souviens avoir lu dans le New York Times un ar ticle homérique intitulé “Voilà ce qui se passe lorsque vous mettez Lindsay Lohan à l’affiche de votre film”. Étiez- vous sur le plateau pour le tournage de The Canyons, le film dont vous avez signé le scénario en 2013 ? J’y suis allé pendant quelques jours, en effet. Il y avait juste Paul Schrader [ le réalisateu­r] et moi. J’ai écrit le scénario pour lui, on a tourné très vite – et ça a été une expérience fantastiqu­e. L’article donne l’impression d’un tournage apocalypti­que, mais ça n’a pas été le cas. Lindsay a eu du retard une fois ou deux, car elle avait des problèmes personnels, mais le New York

Times laisse penser que c’était une expérience atroce, mais non : c’était super. Paul et moi avons tous les deux été très contents du résultat.

Vous regardez le Lindsay Lohan Beach Club, son émission de téléréalit­é sur MTV ?

Absolument. Je crois que j’en suis au dernier épisode en date. Pourquoi avez- vous pris la décision de quitter New York pour revenir vivre à Los Angeles en 2006 ? Depuis 2003, je passais beaucoup de temps à L. A., j’y ai même vécu à plein temps pendant toute l’année 2004 et au début de 2005, lorsque je terminais Lunar Park. En rentrant à New York quelques mois, j’ai compris que la fête était finie. J’y avais passé deux décennies de débauche, et c’était absolument génial, mais à un moment donné, la fête se termine, et elle ne se finit pas au même moment pour tout le monde. J’avais un compagnon [ le sculpteur Michael Wade Kaplan] et il est mort subitement d’une hémorragie cérébrale. Nous avions passé sept ans ensemble, et il me hantait. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis par ti à Los Angeles.

Quelle est votre opinion sur le mouvement # MeToo ? Franchemen­t, on m’a posé la question hier, et je l’ai esquivée, car il s’agit ni plus ni moins d’un piège tendu par les journalist­es pour vous foutre dans la merde. Si vous formulez une critique, on vous taxe de misogynie rampante. Si vous dites que vous êtes pour, ça peut se retourner contre vous. Je peux juste dire que les intentions sont louables, c’est tout.

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