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L’ARTISTE DU MOIS KANDIS WILLIAMS

Dans ses collages et ses performanc­es, cette artiste afro-américaine convoque les symboles de la pop culture, la mythologie, et interroge les codes et les rapports de pouvoir dans notre société. Elle a notamment été invitée à collaborer avec Virgil Abloh

- Propos recueillis par Nicolas Trembley

L’écriture, le poids des mots sont au centre de la pratique artistique de Kandis Williams, qui a fondé la maison d’édition Cassandra Press, une plateforme éducative et activiste gérée par des artistes. La mythologie l’intéresse et elle en utilise l’imagerie dans ses nombreux collages anthropolo­giques. Née au milieu des années 80 à Baltimore, aux États-Unis, Kandis Williams est passée par l’Europe avant de récemment s’établir entre Los Angeles et Trinidad. Transdisci­plinaire – elle réalise aussi bien des films que des installati­ons –, Kandis Williams se concentre sur le corps comme lieu d’expérience. Dans ses performanc­es ou ses chorégraph­ies, elle explore le mélange des interactio­ns sociales, qu’elles soient forcées ou désirées, consciente­s ou pas, comme par exemple “être une jeune femme artiste noire aujourd’hui”, et fait dialoguer ces concepts avec des images de la culture pop dominante. Elle a récemment mis en oeuvre la dramaturgi­e et la scénograph­ie du défilé homme automnehiv­er 2021-2022 de Louis Vuitton par Virgil Abloh, et, avec sa maison d’édition, va bientôt réalisé un projet à Luma Westbau. Elle sera l’artiste qui inaugurera la nouvelle galerie de David Zwirner à New York, dont le programme et l’équipe seront uniquement composés de femmes et d’hommes noirs. Mais c’est à Paris que nous la verrons bientôt puisqu’elle vient d’intégrer la liste d’artistes de la nouvelle galerie Fitzpatric­k. Pour Numéro, elle a décidé de répondre à nos questions en se servant de citations d’autres artistes ou de personnali­tés politiques. Une façon pour elle d’aborder la réflexion conceptuel­le qu’est l’interview en produisant un collage de citations qui fait écho à sa propre pratique.

NUMÉRO : Quel a été votre parcours ? JOAN DIDION [écrivaine et romancière américaine née en 1934] : “L’éducation nous inculque le principe moral selon lequel les autres, n’importe quel autre, tous les autres, sont par définition plus intéressan­ts que nous le sommes. On nous apprend à manquer d’assurance, à basculer impercepti­blement sur ce versant-là de l’auto-effacement. (‘Vous êtes la personne la moins importante dans cette pièce, tâchez de ne pas l’oublier’, voilà ce que la gouvernant­e de Jessica Mitford lui sifflait à l’oreille en préambule à tout événement social ; j’ai recopié cette phrase dans mon carnet, parce que ce n’est que récemment que j’ai moi-même été capable d’entrer dans une pièce sans entendre une petite voix intérieure me glisser au creux de l’oreille un message du même ordre.)”

Comment avez-vous su que vous vouliez devenir artiste ?

HENRI MATISSE [1869-1954] : “À partir du moment où j’ai eu cette boîte de couleurs entre les mains, j’ai senti que c’était là qu’était ma vie. Comme une bête qui va à ce qu’elle aime, je me suis plongé là-dedans.”

DAVID HAMMONS [artiste américain né en 1943] : “Je suis né comme ça. C’est la raison pour laquelle je ne l’ai pas appris à l’école. Toutes les écoles d’art m’ont viré, d’ailleurs, en m’orientant vers l’enseigneme­nt profession­nel. Un jour, je me suis dit : ‘Bon, je commence à être trop vieux pour continuer à fuir comme ça devant ce don que je possède’, et j’ai décidé d’avancer, de faire avec. Si j’ai toujours eu cette rage de l’art, c’est aussi parce qu’il n’a jamais eu trop d’importance

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