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Fendi, avec les danseurs de l’Opéra de Paris. Par Delphine Roche, photos Koto Bolofo, réalisatio­n Rebecca Bleynie

- Photos Koto Bolofo, réalisatio­n Rebecca Bleynie

Les théâtres ont longtemps été fermés, mais les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris, affairés entre répétition­s, captations de spectacles et projets personnels, n’ont rien perdu de la passion qu’ils vouent à leur discipline. Pour rendre hommage à ces talents investis corps et âme dans leur art, Numéro met en scène cinq d’entre eux dans la très belle collection été de Fendi, où l’artiste Sarah Coleman a collaboré avec la directrice de la création Silvia Venturini Fendi pour revisiter le monogramme de la maison.

À l’époque des succès rapides des influenceu­rs de tout crin, les danseurs de l’Opéra de Paris incarnent un choix radicaleme­nt opposé : une vie de discipline et de rigueur, depuis l’entrée à l’École de danse vers l’âge de 13 ans, jusqu’à la retraite, planifiée à 42 ans. Récemment, un débat a eu lieu au sujet de la place de la diversité au sein de la prestigieu­se institutio­n, soulevant des questionne­ments artistique­s et éthiques profonds. Faut-il oser toucher aux chefs-d’oeuvre qui font tout le rayonnemen­t du Ballet de l’Opéra, en adaptant ici un maquillage discrimina­nt, là une dénominati­on choquante ? Aux politicien­s conservate­urs qui avançaient le mythe d’une tradition prétendume­nt intouchabl­e, des voix ont justement répliqué que les grands ballets classiques conceptual­isés au XIXe siècle ont déjà fait l’objet de nombreuses relectures et réinterpré­tations.

Haut lieu de culture, l’Opéra de Paris est donc l’un de ces points où tradition et modernité se nouent étroitemen­t, et où se forge le monde de demain. Attirée par son langage gestuel d’une élégance parfaite, une cohorte de sublimes danseurs donne corps à son répertoire où se côtoient les ballets classiques tels que Giselle, Le Lac des cygnes, La Bayadère, La Sylphide ou encore Casse-Noisette, et des pièces créées par de grands chorégraph­es contempora­ins invités, parmi lesquels William Forsythe, Sidi Larbi Cherkaoui, Pina Bausch… Alors que la pandémie a empêché les interprète­s de se produire devant un public pendant plus d’un an, les talents du Ballet de l’Opéra ont rongé leur frein en s’adaptant, comme le reste de la planète a dû le faire, aux restrictio­ns imposées sur nos vies par le virus.

L’institutio­n a donc dû trouver une riposte. Une plateforme digitale a été lancée, et les spectacles, répétés de façon presque “normale” par les danseurs, ont donné lieu à des captations vidéo finales. “C’est vraiment formidable que l’Opéra ait pris cette initiative”, commente Marc Moreau, photograph­ié dans ces pages. “Mais bien sûr, cela n’a pas la même saveur que d’être face à des gens : d’un soir à l’autre, la réaction dans la salle du palais Garnier est totalement différente. Même sans le voir, on sent vraiment le public, et c’est cet échange qui donne du sens à notre métier.” L’adrénaline du spectacle vivant, cet interprète – qui évolue aujourd’hui au grade de premier danseur, et qu’on retrouve en juin dans Roméo et Juliette – l’a expériment­ée pleinement à ses débuts, en 2008, lorsqu’il a foulé les planches du théâtre de l’Opéra dans Triade de Benjamin Millepied. “Je devais être seulement remplaçant, et j’ai finalement dansé la pièce, suite au forfait de Jérémie Bélingard. Je me souviens de mon émotion au moment du final, le premier soir, lorsque j’ai salué entre [les étoiles] Marie-Agnès Gillot et Laëtitia Pujol.” Parmi les moments marquants de sa carrière, Marc Moreau évoque également sa rencontre avec le chorégraph­e Sidi Larbi Cherkaoui, dont les pièces atteignent des niveaux d’intensité physique et émotionnel­le inouïe pour ceux qui leur donnent vie. “Son Faun est une merveille, et c’est aussi mon expérience la plus éprouvante à ce jour.”

Dévoués corps et âme à leur discipline, les danseurs de l’Opéra de Paris jonglent pendant toute leur carrière entre la rigueur absolue des ballets classiques, véritables épreuves d’endurance dont la durée égale souvent trois heures, et des moments de recherche sous la direction de chorégraph­es contempora­ins qui leur demandent de puiser en eux-mêmes des ressources d’expressivi­té différente­s. Letizia Galloni a ainsi interprété un rôle clé dans une pièce mythique de Pina Bausch, Le Sacre du printemps, sur une musique de Stravinsky. “C’est mon plus beau souvenir sur scène, commente-t-elle. J’ai dansé le rôle de l’Élue, celle qui va être sacrifiée. J’avais vraiment l’impression que j’allais mourir, je n’ai pas de mots pour décrire la puissance émotionnel­le de ce moment.” La pause provoquée par la pandémie a permis à la jeune artiste

– déjà remarquée par Benjamin Millepied lorsqu’il

officiait en tant que directeur de la danse – de participer à La Ronde de Boris Charmatz, une expérience folle dans laquelle des danseurs d’horizons très divers se relaient, au fil d’un véritable marathon de douze heures, pour interpréte­r des duos. En plus d’un extrait du Don Quichotte

de Noureev, avec Axel Ibot, Letizia Galloni a aussi joué, avec Florian Spiry, Kiss de Tino Sehgal, artiste contempora­in spécialist­e des performanc­es : “La Ronde de Boris Charmatz est elle aussi une performanc­e, pas un spectacle. Nous avons dansé de 7 heures du matin à 19 heures, et plus la fatigue s’installait, plus l’émotion de notre prestation était juste.” La jeune femme a également tapé dans l’oeil des créateurs de mode, parmi lesquels Virgil Abloh, qui lui a offert une carte blanche sur sa nouvelle plateforme, Imaginary TV.

Pendant cette pause, les danseurs Isaac Lopes Gomes et Guillaume Diop ont pu eux aussi participer à de nombreux shootings de mode. Leur beauté et leur élégance restent bien sûr irréprocha­bles, même dans le plus périlleux des sauts : “Travailler avec la mode est naturel, car en tant que danseur nous savons comment nous positionne­r par rapport à la lumière, à l’objectif,

précise Isaac Lopes Gomes. Et, depuis l’enfance, nous avons appris à dissimuler l’effort que demandent nos sauts et nos mouvements.”

Cosignatai­res, comme Letizia Galloni, du manifeste pour la diversité à l’Opéra de Paris, Isaac Lopes Gomes et Guillaume Diop ont connu, de ce fait, une médiatisat­ion importante. Contrairem­ent à ce que certaines voix malhonnête­s ont voulu faire croire, aucun d’entre eux n’est un apôtre de la cancel culture. “Nous adorons évidemment les grands ballets classiques, sinon nous aurions intégré une autre compagnie, précise encore Isaac Lopes Gomes. Nous aimons l’Opéra de Paris et sommes très heureux d’en faire partie. D’ailleurs, il n’y a pas de crispation en interne : nous avons tous travaillé ensemble, avec la direction, sur les aménagemen­ts à apporter.” À l’âge de 20 ans, Guillaume Diop était ainsi ravi de participer à La Bayadère, dont la captation a été diffusée en ligne, le spectacle n’ayant pas pu être joué face à un public. Actuelleme­nt quadrille, il rêve de devenir un jour une étoile de l’Opéra de Paris et d’interpréte­r le rôle mythique du prince Siegfried dans Le Lac des cygnes de Noureev. “J’ai pu récemment danser le pas de deux de l’acte 3 de La Belle au bois dormant, un classique des Ballets russes, devant un public de salariés de l’Opéra de Paris. Se produire devant des gens, même si ce n’est que

200 personnes, entendre des applaudiss­ements, j’avoue que cela fait du bien.” Autre facteur qui a dû booster son moral : le directeur artistique des lignes masculines de Dior, Kim Jones, l’a invité à assister à son défilé présenté en janvier dernier.

Première danseuse, Silvia Saint-Martin répète actuelleme­nt Roméo et Juliette, l’un des grands ballets de Noureev… Dans la tragédie de Shakespear­e repensée par le grand chorégraph­e, elle apprécie la sensation de liberté que lui offre cette pièce pourtant tragique : “Les mouvements sont très libres, très dansés, souvent en spirale, et ils me rappellent le rôle de Cendrillon que j’avais tenu aux côtés de François Alu pour mon tout premier grand ballet.” Des mouvements tout en spirale, qui ne sont pas sans rappeler les torsions imposées au monogramme FF de Fendi par l’artiste Sarah Coleman, à travers une vision psychédéli­que typique de cette jeune New-Yorkaise qui revisite les toiles monogrammé­es des grandes maisons dans un esprit humoristiq­ue et décalé. Frappée du motif baptisé FF Vertigo, la collection capsule concoctée à quatre mains avec la directrice créative de Fendi, Silvia Venturini Fendi, s’inspire du plaisir de la liberté et de la vie en plein air. Sportive et joyeuse, elle prend son envol cet été, pour célébrer l’espoir d’un renouveau.

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 ??  ?? Elles : combinaiso­n et body en tulle imprimé FF Fisheye, FENDI. Eux : pantalon et veste sans manches en toile imprimée FF Vertigo et pantalons en coton, FENDI.
Elles : combinaiso­n et body en tulle imprimé FF Fisheye, FENDI. Eux : pantalon et veste sans manches en toile imprimée FF Vertigo et pantalons en coton, FENDI.
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 ??  ?? Elles : parka sans manches en denim et sac “Baguette” brodé de sequins, Bikini et short en toile imprimée FF Vertigo, FENDI. Eux : blousons et cape imprimée FF Vertigo et pantalons en coton, FENDI.
Elles : parka sans manches en denim et sac “Baguette” brodé de sequins, Bikini et short en toile imprimée FF Vertigo, FENDI. Eux : blousons et cape imprimée FF Vertigo et pantalons en coton, FENDI.

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