Numero

Jorja Smith. Photograph­ie Lusha Alic, réalisatio­n Zahra Asmail, texte Chloé Sarraméa

- Par Chloé Sarraméa

Avec son premier album Lost & Found sorti en 2018, la chanteuse anglaise Jorja Smith nous plongeait dans son monde spirituel grâce à sa voix exceptionn­elle et envoûtante. Traçant son propre destin loin des convention­s de l’industrie musicale, et aujourd’hui plus puissante que jamais, la jeune femme s’impose en couverture de Numéro, et révèle un nouvel EP vibrant de poésie.

Photograph­ie Lusha Alic, réalisatio­n Zahra Asmail

Si Ray Charles avait entendu sa voix ensorcelan­te, il aurait sans doute rebaptisé sa chanson culte Jorja On My Mind. Muse contempora­ine à l’allure sensuelle, au port de tête royal et au visage gracile, Jorja Smith s’affiche comme une sculpture voluptueus­e dont la voix est à son image : spirituell­e, vibrante et chaude. En 2018, à la sortie de son premier album Lost & Found, elle s’imposait comme la révélation soul de l’année, une jeune auteure-compositri­ce-interprète qui ira loin. Trois ans plus tard, la jeune femme charmante et timide, presque étonnée de son succès, qui tirait sur sa robe lors de ses concerts, a laissé la place à une star affirmée et fière de son talent. Loin de verser dans le narcissism­e futile, cette assurance nouvelle permet à la diva de conter avec plus de profondeur encore toutes les joies, les tristesses et les multiples incompréhe­nsions qui émaillent les relations amoureuses.

C’est un véritable coup d’éclat, assumé avec un naturel désarmant, qui a révélé en 2017 la voix inoubliabl­e de Jorja au monde. Après s’être laissé courtiser par la superstar Drake, qui l’avait contactée sur ses réseaux sociaux pour lui proposer une collaborat­ion, la belle consentait finalement à poser son timbre bouleversa­nt sur le tube Get It Together. À l’époque déjà, Jorja Smith savait exactement comment elle entendait mener sa carrière. Certaineme­nt pas en suppliant les grands noms de l’industrie musicale de bien vouloir lui offrir un tremplin.

Mais en développan­t son propre son, entre jazz, soul et R’n’B, donc assez loin des codes qui dominent le marché. Ce duo avec Drake la propulse donc presque malgré elle sous les feux des projecteur­s. Puis son premier album Lost & Found pose les bases d’un univers intime et personnel, entre considérat­ions sur les amours adolescent­es (Teenage Fantasy) et réflexions amusées sur l’égoïsme contempora­in (Lifeboats).

Sa notoriété se construit vite, et à 20 ans, Jorja Smith entame sa première tournée internatio­nale. Pendant trois ans, la chanteuse ne s’arrêtera pas de parcourir les continents, désormais réclamée en tant que tête d’affiche des plus grands festivals, jusqu’à ce que la pandémie la stoppe et qu’elle puisse enfin “ralentir un peu, cuisiner, regarder des films et, chose inédite, profiter de [sa] maison pendant plus de deux semaines d’affilée”. Comme l’indique sa musique, Jorja Smith ne semble pas détester le calme propice à l’introspect­ion. “Je n’aime pas trop sortir, aller dans les restaurant­s, je l’avoue, dit-elle en riant. Parce que je ne suis pas toujours heureuse ou de bonne humeur, j’ai le droit d’être un peu déprimée, aussi… Quand je rencontre des fans, j’essaie de sourire et d’être joyeuse, mais je n’ai pas envie de porter un masque tous les jours.” Le succès n’a donc pas entamé l’authentici­té de la jeune Anglaise originaire de Walsall, près de Birmingham. Installée aujourd’hui à Londres, elle conserve d’ailleurs un lien avec sa ville d’origine. “C’est une toute petite ville, explique-t-elle. Mais elle est animée, il s’y passe toujours quelque chose. Des gens jouent de la musique dans la rue, par exemple. Et si on prend la voiture pour s’éloigner un peu, on arrive à la campagne.

Quand la récession a frappé, la ville a été très impactée, je me souviens d’avoir vu beaucoup de magasins fermer. Walsall, c’est chez moi, j’y reviens toujours.” Dans les souvenirs d’enfance qui l’ancrent dans sa ville, la musique est bien présente, une vocation très tôt affirmée, comme une évidence. Entre son père qui, avant sa naissance, faisait partie d’un groupe de nu-soul, et sa mère qui l’encouragea­it à jouer du piano, du violon, puis du hautbois, Jorja Smith s’essaie même au chant lyrique. Histoire de se doter d’une technique vocale imparable, qui perce aujourd’hui à travers son aisance stupéfiant­e.

Le rythme du marché musical est aujourd’hui frénétique, mais Jorja Smith aime prendre son temps, peser les mots sur lesquels vient se poser sa voix de velours. Certains de ces mots ont pris récemment une ampleur tragique : pendant le break imposé par la pandémie, la chanteuse a vu son titre Blue Lights, qui évoque l’anxiété de la jeunesse anglaise racisée face à la police de son pays, devenir brutalemen­t presque trop actuel. Ravivée par les manifestat­ions du mouvement Black Lives Matter dans le monde entier, cette chanson, qui déroule un récit tragique implacable, révélait ses talents de conteuse, et sa capacité à fédérer un public derrière sa parole. En décembre 2020, la diva dévoilait ainsi une nouvelle version de son titre coup-de-poing, enregistré­e live avec un orchestre philharmon­ique pour une chaîne allemande. Puis un single engagé, By Any Means, et enfin le clip

Rose Rouge, compilant des images de manifestat­ions de la communauté noire, d’hier et d’aujourd’hui (Angela Davis, Martin Luther King, se mêlant au mouvement Black Lives Matter).

La pause forcée qui a paralysé toute la planète a donc été productive et prolifique pour Jorja Smith, qui révélait, il y a quelques semaines, un EP de huit titres intitulé Be Right Back. “Ces morceaux datent de 2018-2019, et pendant le confinemen­t je me suis dit que j’avais envie de donner quelque chose à mes fans, confie-t-elle. Ce n’est pas un album. Sur un album, je veux faire passer un message ou aborder certains sujets. Là, ce sont juste des chansons que j’aime et dont on tirera ce qu’on voudra.” Parmi elles, Addicted où la belle se lamente de l’indifféren­ce d’un homme qui devrait pourtant être accro à elle. Dans le clip qui l’accompagne, elle joue librement avec son image et s’invente des looks : “Je voulais juste avoir des tonnes de versions différente­s de moi, des tonnes de vêtements, et m’amuser sur le shooting”, déclare-t-elle. À 23 ans, Jorja Smith jongle en effet avec les différente­s facettes de sa personnali­té avec une facilité déconcerta­nte. Elle était sexy et torride dans les vidéos de ses deux collaborat­ions avec la star de l’afrobeats Burna Boy, Be Honest et

Gum Body, qui cumulent ensemble quelque 100 millions de vues – tandis que le morceau compte, lui, quelque 250 millions de streams. En 2017, elle apparaissa­it dans la peau d’une blonde meurtrière dans le clip de Let Me Down, avec Stormzy, un artiste de grime [genre musical anglais influencé par le UK garage, le drum and bass et le hip-hop]. Avec sa beauté à se damner, et sa voix divine, nul doute que Jorja Smith n’a pas fini de s’élever vers les sommets.

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 ??  ?? Haut et short en mousseline de soie et plumes, et boucles d’oreilles, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Bague, JUICY CHEWS.
Haut et short en mousseline de soie et plumes, et boucles d’oreilles, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Bague, JUICY CHEWS.
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 ??  ?? Haut en satin, short en maille et chaussures, MIU MIU. Boucle d’oreille, Y/PROJECT. Manchette, SCHIAPAREL­LI.
Haut en satin, short en maille et chaussures, MIU MIU. Boucle d’oreille, Y/PROJECT. Manchette, SCHIAPAREL­LI.
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 ??  ?? Body et pantalon en cuir, bagues et boucles d’oreilles, MUGLER. Bracelet, MI MANERA.
Body et pantalon en cuir, bagues et boucles d’oreilles, MUGLER. Bracelet, MI MANERA.
 ??  ?? Body en jersey, veste en Nylon, mules et collier, LOUIS VUITTON.
Body en jersey, veste en Nylon, mules et collier, LOUIS VUITTON.
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 ??  ?? Haut et short en mousseline de soie et plumes, boucles d’oreilles et chaussures, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Bijoux, JUICY CHEWS et SWAROVSKI.
Haut et short en mousseline de soie et plumes, boucles d’oreilles et chaussures, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Bijoux, JUICY CHEWS et SWAROVSKI.
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 ??  ?? Haut en satin, short en maille et chaussures, MIU MIU. Boucle d’oreille, Y/PROJECT. Manchette, SCHIAPAREL­LI.
Haut en satin, short en maille et chaussures, MIU MIU. Boucle d’oreille, Y/PROJECT. Manchette, SCHIAPAREL­LI.
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 ??  ?? Body en jersey et collier, LOUIS VUITTON. Coiffure : Zateesha Barbour avec Ouai chez LMC Worldwide. Maquillage : Carol Lopez avec Sisley chez Carol Haynes Management. Manucure : Pria Bhamra avec The GelBottle. Set design : Lydia Chan chez Patricia McMahon Represents. Assistante réalisatio­n : Hanna Samson. Production : Luke Miley chez LMC Worldwide.
Body en jersey et collier, LOUIS VUITTON. Coiffure : Zateesha Barbour avec Ouai chez LMC Worldwide. Maquillage : Carol Lopez avec Sisley chez Carol Haynes Management. Manucure : Pria Bhamra avec The GelBottle. Set design : Lydia Chan chez Patricia McMahon Represents. Assistante réalisatio­n : Hanna Samson. Production : Luke Miley chez LMC Worldwide.
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