Octane (France)

ERIK COMAS

Le pilote

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Trois ans ! Un peu plus de mille jours consacrés à un objectif unique, sans jamais relâcher l’effort. Et voilà, c’est fait. La Lancia Stratos a conquis un nouveau titre européen en rallye, le quatrième. D’une chronique à l’autre, je pense, amis lecteurs, que vous avez compris la véritable passion que je voue à cette auto, et l’envie qui me poursuit depuis longtemps : prouver à quel point elle représente une forme de chef-d’oeuvre, la quintessen­ce d’une voiture de rallye. Promesse tenue. La saison a été longue, difficile. La concurrenc­e était rude. Il a fallu beaucoup de travail, un peu de chance, et une succession de belles rencontres. Mais nous y sommes arrivés ! “Nous”, parce que c’est d’abord une victoire d’équipe. L’an dernier, nous avions signé quelques belles “perfs”, mais la fiabilité avait souvent fait défaut. Et, au fond, c’est logique : une auto âgée de 40 ans exige de toute façon des soins attentifs. Alors, quand il s’agit de la pousser dans ses derniers retranchem­ents, et d’attaquer aussi intensémen­t que du temps de sa première jeunesse, il va de soi qu’il faut lui apporter une attention de tous les instants. Cette attention, cette expertise, ce sens de la mécanique, le tout accompagné d’une sacrée dose de débrouilla­rdise et d’un dévouement permanent, j’ai eu la chance de trouver tout cela

à Biella chez mon préparateu­r, Andrea Chiavenuto. Andrea et son équipe sont incroyable­s! D’autant plus, d’ailleurs, qu’ils ne sont pas spécialist­es de la Stratos, ni même des rallyes historique­s: c’était la première fois qu’ils travaillai­ent sur ce modèle, et le coeur de leur activité est plutôt la préparatio­n de voitures pour les rallyes “modernes” et le Trophée Andros. Pourtant, ils ont instantané­ment compris ce dont a besoin une vieille auto équipée de carburateu­rs et qui a été conçue dans un tel souci d’allégement des matériaux que la résistance de ceux-ci doit être surveillée comme le lait sur le feu. Ils se sont consacrés corps et âme à notre projet, dès le début de notre rencontre. C’était après le premier rallye de la saison, le Costa Brava. La voiture tournait mal, nous avions limité les dégâts en terminant deuxièmes, mais le championna­t ne s’annonçait pas bien. En cinq jours et cinq nuits de travail ininterrom­pu, Andrea et ses gars ont rendu toute sa santé à la Stratos, avant de rouler pour l’aligner in extremis en République Tchèque, où nous avons gagné. C’est à ce moment-là que je me suis dit que nous avions une chance…

… À condition que je puisse piloter l’esprit libre, à 100 % de mes capacités. Si j’ai pu le faire, c’est grâce à Yannick Roche, mon copilote. J’ai toujours pensé que le rallye était un sport collectif, en particulie­r à cause de cette relation de confiance vitale, qui permet de se lancer sur une route sinueuse, humide, bosselée, avec la certitude que le “gauche à fond dans 100 mètres” sera bien là. Avec Yannick, la confiance est totale, et plus encore. D’abord parce qu’avec le temps nous avons parfaiteme­nt mis au point notre système de notes, et ensuite parce que Yannick est unique dans la voiture, mais aussi en dehors. La logistique ? C’est lui. L’organisati­on des reconnaiss­ances? C’est lui. La conso, la pression des pneus ? Toujours lui ! Avec Yannick, je n’ai plus qu’à piloter et mettre au point l’auto. Lors du dernier rallye de la saison, celui de l’île d’elbe, où notre victoire a décidé du titre, je suis convaincu d’avoir été partout au maximum de mes capacités et de celles de la Stratos. Pas d’erreurs, pas de “chaleurs”, les bons choix… Sans Yannick, je ne pense pas qu’une course pareille aurait été possible, ni d’aller décrocher le titre devant des pilotes comme “Lucky” ou Da Zanche ni de battre à la régulière les Integrale, les 037, les Subaru Legacy, ou encore les Ford Sierra Cosworth. Des autos plus jeunes de 15 ans que la Stratos, et qui sont encore plus puissantes aujourd’hui qu’elles n’étaient autrefois. Bien sûr, nous savions que nous avions de très fortes chances de remporter la catégorie des 1971/1976 ; mais aller chercher la première place absolue, et l’obtenir, a été un plaisir énorme, et une des grandes joies de ma carrière.

D’autant que je ne crois pas aux chiffres, mais quand même… Il y a 40 ans, Bernard Darniche donnait son deuxième titre européen à la Stratos. À 27 ans, je décrochais le titre de champion internatio­nal de F3000, et 27 ans plus tard j’obtiens un nouveau titre internatio­nal. Enfin, il aura fallu 3 ans pour obtenir ce titre, qui est l’ultime objectif que je m’étais fixé avec cette voiture dont je suis amoureux depuis l’époque où je débutais en karting ! Une boucle est en quelque sorte bouclée. Alors, l’année prochaine? On verra. Pour l’heure, je savoure ce moment qui a mobilisé beaucoup d’énergies, et qui représente tant pour moi.

“IL AURA FALLU 3 ANS POUR OBTENIR CE TITRE, QUI EST L’ULTIME OBJECTIF QUE JE M’ÉTAIS FIXÉ AVEC LA STRATOS”

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 ??  ?? Ce n’est pas tous les jours qu’une auto de 40 ans remporte un titre FIA à la barbe de ses cadettes. Ni qu’une rédaction compte dans ses rangs un champion d’europe en titre. Bravo Erik !
Ce n’est pas tous les jours qu’une auto de 40 ans remporte un titre FIA à la barbe de ses cadettes. Ni qu’une rédaction compte dans ses rangs un champion d’europe en titre. Bravo Erik !
 ?? Propos recueillis par Stéphane Geffray ?? ERIK COMAS Volant Elf en 1984, Erik Comas gravit ensuite très vite les échelons de la monoplace : champion internatio­nal de Formule 3000 en 1990, il dispute 63 grands prix de F1 de 1991 à 1994, avant de se tourner vers l’endurance et le GT au Japon,...
Propos recueillis par Stéphane Geffray ERIK COMAS Volant Elf en 1984, Erik Comas gravit ensuite très vite les échelons de la monoplace : champion internatio­nal de Formule 3000 en 1990, il dispute 63 grands prix de F1 de 1991 à 1994, avant de se tourner vers l’endurance et le GT au Japon,...
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