LA MEILLEURE AFFAIRE DE CREW
320 km/h pour 45000 euros ! Les Bentley Continental GT de la génération sortante ont tout de la bonne affaire, à condition de bien la choisir…
320 km/h pour 45 000 euros. Oui, c’est possible
Avant de commencer, place aux statistiques, et forcément, elles sont aussi impressionnantes que la Bentley Continental GT ellemême : un poids lourd ultrarapide équipé d’un immense moteur 12 cylindres biturbo qui coûtait une fortune, neuve. Elle a fait les gros titres en 2003, une année par ailleurs riche pour l’industrie automobile britannique, puisqu’elle a vu la naissance de l’aston Martin DB9 et de la Jaguar XJ modèle X350.
Mais si la Continental GT leur a volé la vedette, c’est aussi pour le tournant qu’elle marque dans l’histoire de Bentley, passé dans le giron du groupe Volkswagen en 1998. Elle se révèle donc sous les traits d’un luxueux coupé sportif d’un peu moins de 2,4 tonnes et capable d’atteindre 320 km/h. Vendue 164 000 euros, elle rencontre un immense succès, dépassant aisément l’objectif de production de 6000 exemplaires par an. Un sacré changement pour une entreprise qui, jusqu’alors, assemblait à la main quelques centaines de mastodontes.
La vérité, c’est que ce missile britannique est une création germanique. Une plateforme de Volkswagen Phaeton, des suspensions pneumatiques d’audi, et une version biturbo du W12 de 6 litres développé par le groupe. Avec ses 560 ch à 6 100 tr/min, ce dernier permet à la Continental GT de passer de 0 à 100 km/h en 4’’7, le tout dans un confort impeccable. La bande-son, tout à fait crédible au demeurant, ne se fait entendre que sur demande.
Encore quelques chiffres ? Sachez par exemple que les 650 Nm de couple sont disponibles dès 1 600 tr/min et jusqu’à 6 000 tr/min, ou presque. Ou encore que si vous chatouillez l’accélérateur à 80 km/h, vous aurez atteint 120 km/h à peine 3’’3 plus tard. Retenez également que les disques de freins de 405 mm de diamètre étaient, à l’époque, les plus gros jamais montés sur une voiture de série. Il n’en fallait pas moins pour stopper cette lourde GT lancée à 320 km/h. Enfin, apprenez qu’il a fallu 18 heures et six personnes pour recouvrir le volant de cuir. Ah, et notez que vous aurez du mal à passer sous les 25 l/100 km si jamais vous vous amusez un peu.
« Jamais le luxe n’avait été aussi enthousiasmant », pouvait-on lire dans la presse lors du lancement à l’été 2003. « Jamais un luxe aussi enthousiasmant n’a été si abordable » faudrait-il écrire aujourd’hui. Une supercar, aussi performante que luxueuse pour 45 000 euros (et parfois même moins), voilà qui donne à réfléchir.
Avec le lancement de sa remplaçante, l’incroyable rapport prix/prestations que représente cette génération de Continental n’en est que plus flagrant. Si en concession, vous trouvez encore des exemplaires neufs, avec des tarifs à plus de 300 000 euros pour le cabriolet Supersports fort de 710 ch, c’est plutôt le marché de l’occasion qui va nous intéresser. Pour les plus courageux qui ne craignent pas les kilométrages élevés, il est possible de dénicher des coupés W12 issus des premiers millésimes juste en dessous de 40 000 euros. À partir de 50 000 euros, vous trouverez une bonne sélection de véhicules à l’historique correct totalisant moins de 100 000 km. Les premières Speed, aux performances accrues, se situent quant à elles, aux alentours de 65 000 euros. La seconde génération (post 2011), sans être tout à fait une autre voiture, apporte un nombre considé-
Vendue 164 000 euros, elle rencontre un immense succès, dépassant aisément l’objectif de production
rable de mises à jour. Extérieurement, elle est reconnaissable à ses optiques avant plus petites, ainsi qu’à la découpe biseautée du logement de plaque à l’arrière. L’intérieur est également rajeuni, mais rassurez-vous, il est toujours aussi agréable (qu’on soit passager ou conducteur) et compte toujours autant de cuir et de boiseries. Comptez 80 000 euros pour les exemplaires dotés du W12 et 120 000 euros pour ceux équipés du V8, plus sonore et (un peu) plus économe. Les versions Speed et Supersports de cette génération se trouvent, quant à elles, aux environs de 130 000 euros.
Pour être complet, n’oublions pas de mentionner le cabriolet, dénommé GTC, lancé en 2006, qui peut se trouver dès 70 000 euros.
Intéressons-nous maintenant au quotidien d’un propriétaire. Jimmy Medcalf est le président du Bentley Drivers Club, et il possède la Continental GT qui fut exposée au Salon de l’automobile de Londres en 2003. Elle côtoie, dans son garage, un trio de Bentley anciennes, ainsi qu’un moteur 4 cylindres des années 20 installé sur un chevalet métallique.
« J’ai contacté Bentley peu de temps après le lancement, explique-t-il. La liste d’attente était longue, mais on m’a proposé la voiture exposée au salon. Je n’ai pas hésité longtemps. C’est la première à porter cette teinte. » Il faut reconnaître que pour se démarquer sur un salon, ce bleu métallisé combiné à l’intérieur crème est idéal. Conformément à la tradition chez Bentley (héritée de Rolls-royce), la planche de bord mélange le bois précieux et les détails métalliques soignés, auxquels viennent s’ajouter des touches plus contemporaines comme un écran tactile ou une climatisation automatique. Les sièges (chauffants et massants) aux grands dossiers enveloppants ont beau avoir une assise surélevée par rapport à la moyenne, ils font malgré tout adopter une position de conduite plus sportive que dans les Bentley précédentes. D’un ton sûr mais discret, le W12 s’ébroue et nous voilà en route. D’entrée de jeu, les moindres aspérités de la chaussée sont gommées par l’impressionnante masse de la Bentley. Jimmy a-t-il rencontré des pannes depuis qu’il en est propriétaire ? « Aucune. Elle vient de passer le cap des 100 000 km, et je l’ai emmenée partout : à Monaco, en Écosse… C’est très facile de la mener à un rythme soutenu. Elle n’est jamais épuisante, même sur de longs trajets. En dehors des opérations de routine, je n’ai rien eu de particulier à faire pour assurer son bon fonctionnement. Certes, la consommation n’est pas son point fort, mais il m’arrive de passer sous les 15 l/100 km. Allez, mettez-la en mode Sport et accélérez un bon coup. » Je m’exécute, en tombant un rapport sur la boîte Tiptronic tout en prenant soin de durcir d’un cran la suspension adaptative. Le couple débarque comme un raz-de-marée, ramasse la Bentley et la catapulte
Le W12 est sonore sans qu’on puisse le qualifier de bruyant, et sa tonalité claire a plus en commun avec celle d’une Ferrari que d’une Mercedes, plus étouffée
vers l’avant. Le W12 est sonore sans qu’on puisse le qualifier de bruyant, et sa tonalité claire a plus en commun avec celle d’une Ferrari que d’une Mercedes, plus étouffée. Bien que la direction ne soit pas spécialement communicative, la Bentley surprend par son comportement en virage. Bien sûr, elle prend un peu de roulis, mais les quatre roues motrices permettent de diriger le couple là où il sera le plus utile, avec pour conséquence des vitesses de passage en courbe assez inattendues.
Des bizarreries à signaler ? « Pas vraiment, répond Medcalf. J’ai entendu dire qu’il fallait déposer l’aile pour remplacer les ampoules à l’avant, mais la rumeur dit aussi qu’elles n’ont jamais besoin d’être changées… » Évidemment, mieux vaut savoir dans quoi vous vous lancez au moment d’acheter une voiture aussi performante et complexe, surtout si le tarif est alléchant. « Bien entretenues, elles sont indestructibles, explique notre spécialiste Nigel Sandell. Les modèles d’après 2007 sont les meilleurs. Ils ont reçu pas mal de petits changements, quelques bugs ont été corrigés et ils sont globalement mieux assemblés. Évidemment, les voitures les moins chères sont souvent les plus anciennes, et il convient dans ce cas de creuser leur historique. Ne vous arrêtez pas au carnet d’entretien tamponné : il faut lire les factures pour savoir ce qui a été fait. »
Ce qu’il faut dénicher, c’est une voiture qui a été entretenue proportionnellement à son prix d’achat et non à sa cote actuelle. Remplacer un démarreur ou un alternateur nécessite, par exemple, de déposer le moteur… « Nombre de celles que vous croisez n’ont pas les bons pneus, ajoute Sandell. Pirelli a mis au point une monte spécifique pour accompagner cet engin de 2,5 tonnes jusqu’à 320 km/h. Leur absence est souvent le signe d’autres négligences. Assurez-vous que la voiture a été stationnée à l’abri, en particulier les premiers millésimes : leur étanchéité est perfectible et l’eau ne fait pas bon ménage avec les 40 processeurs à bord. Il est de toute façon inconcevable de faire des économies de bout de chandelle quand le moindre feu arrière coûte plus de 1 000 euros. »
Sans surprise, une Continental GT mène la vie dure à ses freins et à ses silentblocs, alors méfiez-vous des vibrations que vous pourriez ressentir lors d’un essai. Les amortisseurs pneumatiques peuvent s’affaisser et coûtent 1 800 euros pièce, auxquels il faudra ajouter la main-d’oeuvre. « Elles ont la fâcheuse habitude de vider leur batterie, ajoute Sandell. Une fois à plat, il faudra réinitialiser toute l’électronique de gestion. D’une manière générale, évitez les voitures qui ne roulent pas. »
Bentley n’ayant pas publié les spécifications complètes du modèle, les gros travaux sur le moteur ou la transmission demeurent la chasse gardée du réseau. « Ce n’est en aucun cas une voiture à entretenir soi-même. Si elle vous a tapé dans l’oeil, n’hésitez pas à faire appel à un spécialiste avant de vous lancer. »
Une option à considérer serait d’acheter une occasion certifiée auprès du réseau Bentley. Avec un peu de chance, vous pourriez même bénéficier d’une garantie constructeur, y compris pour des voitures qui vont fêter leurs dix ans sur la route. Rares sont les autres supercars à bénéficier d’un tel régime.