SPÉCIAL RÉTROMOBILE
La neige a perturbé Rétromobile, mais la semaine parisienne a tenu ses promesses. Octane a parcouru les allées du salon pour en découvrir les secrets et les dernières actualités.
Mardi, Porte de Versailles, Pavillon 1
RÉTROMOBILE n’ouvrira pas ses portes avant ce soir et les stands sont toujours en montage. Dehors, il ne neige pas encore, mais dans les pavillons dépeuplés il fait pour l’instant bien frais. François Melcion, Directeur de Rétromobile et cofondateur du salon en 1976, nous accueille dans son bureau, chauffé. En 42 ans l’évolution du salon a été spectaculaire: de 4 000 m2 à la Bastille à ses débuts, il est passé à 69 500 m2 d’exposition à la Porte de Versailles. En 2011, François Melcion réduit la durée du salon de 10 à 5 jours. « Cela a fait revenir les grands marchands et les constructeurs tout en réduisant les coûts. »
Les modèles exposés ont-ils changé depuis le début ? « Les années des voitures ont évolué. Au début, ce n’étaient que des Avant-guerre, maintenant on va de la Renault de 1888 à la Mclaren F1 qui a remporté les 24H du Mans 1995. » La nouveauté de cette année est un espace où l’on peut exposer et vendre sa voiture, à condition qu’elle ait plus de 30 ans et soit proposée à moins de 25 000 euros : « Cela permet de montrer que l’automobile ancienne n’est pas réservée à une élite. Et même les plus grands collectionneurs ont dans leur garage des voitures abordables ».
Comment s’articulent les expositions organisées par Rétromobile. « Nous voulons montrer des choses qu’on ne voit pas ailleurs, à l’exemple de l’expo Wimille. Mais aussi proposer un spectre large pour faire plaisir à tout le monde, avec des utilitaires ou des véhicules militaires. » Aujourd’hui, Rétromobile accueille 600 exposants et est « le plus beau et le plus international » des salons de voitures anciennes. Le bon moment pour passer la main : le prochain salon sera organisé par Denis Huille, ancien responsable de Citroën Héritage.
Pavillon 2, stand Artcurial
L’heure est aux premières visites pour les futurs enchérisseurs et tous les lots de la vacation Artcurial sont exposés dans l’immense espace alloué à la maison de vente. Tous, sauf un : à deux semaines de l’échéance, les héritiers de Pierre Bardinon ont retiré la Ferrari 250/275 P qui devait en être le clou et, peut-être, atteindre les sommets. Comment Matthieu Lamoure, le directeur d’artcurial Motorcars, gère-t-il pareille situation? « C’est sans précédent dans l’histoire des ventes. Evidemment, c’est une forte déception, mais notre vente est déjà riche en lots prestigieux. Je suis un garçon positif, je n’y pense plus : c’est déjà le passé. »
Devant l’immense panel de voitures présentes, on se demande comment la vente s’articule. « La numérotation des lots se construit avec une logique. D’abord les Avant-guerre, puis les lots importants entre 17 et 19h, ce qui permet de contacter les clients américains de la Côte Ouest des USA pendant la vente. Le plus important c’est que tout soit bien orchestré, comme une symphonie. Il faut que le marteau ait du rythme ! »
Rétromobile est la vente la plus importante de l’année pour Artcurial Motorcars. A-t-il une préparation particulière ? « On monte sur scène comme un acteur de théâtre (mais lui connaît déjà le montant de la recette !). Il faut tenir la salle en haleine, gérer les prix de réserve, de vente… Je m’y prépare 4 mois à l’avance, comme Johnny avant une tournée! Je reprends le sport de manière assez intense et fais attention à ce que je mange ! » Et la voix ? « La voix, ça va ! » Avant de nous séparer, il nous glisse son incompréhension sur la présence, dans des ventes de confrères, de voitures ayant appartenu à Johnny Hallyday, dont il était proche (voir Octane n° 36) « J’ai refusé de surfer sur ce commerce post-mortem si triste, par respect pour ses proches. Oui, nous avons proposé l’année dernière des voitures à lui, mais c’était lui le vendeur ! »
Pavillon 2, stand Tetwo
De magnifiques Toyota Land Cruiser en réduction attirent notre attention : il s’agit de superbes voitures à pédales en aluminium, réalisées par la société Tesevn Autobody, spécialisée dans la fabrication de pièces de carrosserie des mêmes FJ40 à l’échelle 1. Les finitions sont incroyables, tout comme les déclinaisons : châssis court ou long (ce dernier pouvant même accueillir un adulte), tôlé ou bâché, transmission à pédales, électrique, ou… inexistante pour la version caisse à savon. Et Tetwo envisage la production d’autres modèles, comme le Land Rover, ou autres sur demande…
Mercredi, Pavillon 1, stand Jaguar Land Rover Classic
L’un des événements majeurs de Rétromobile est la présentation en première mondiale de la version continuation de la Type D. À l’époque, seuls 75 des 100 exemplaires prévus furent produits, la nouvelle série comblera ce vide en assemblant les 25 restants. Tim Hanning, directeur de JLR Classic, nous en dit plus sur cette incroyable renaissance. Mais tout d’abord, pourquoi la présenter ici ? « La Type D est la Jaguar de course la plus célèbre, elle a fait sa gloire au Mans, alors en France elle est un peu chez elle ! Et Rétromobile est un salon fantastique. Il y en a peu de ce niveau. »
Il nous explique que JLR n’a pas foncièrement l’intention de proposer une gamme classique. « Le programme continuation représente le meilleur de notre savoir-faire, il nous permet d’activer ce savoir dormant pour ensuite l’utiliser sur la restauration de voitures. »
Le client de la D pourra choisir entre les versions à nez long, « la plus emblématique » ou à nez court. Et concernant la couleur ? « Notre philosophie est de proposer la palette d’époque, la plupart des gens s’y conforment, sinon nous déconseillons juste certaines teintes. Un de nos clients possède une Type D originale et il nous a demandé une réplique conforme de la sienne ! » Pourquoi avoir choisi le gris pour la voiture présentée aujourd’hui ? « C’est une couleur Jaguar d’époque, mais qui n’a jamais été appliquée sur une Type D à long nez. C’est une façon d’identifier ce premier prototype. »
Y a-t-il eu des difficultés particulières avec cette voiture ? « Chaque pièce a été difficile ! Le pare-brise a été la plus complexe, parce qu’il doit être parfaitement aligné avec les vitres latérales. Celles-ci sont fixées directement sur les portières, formées à la main. Il suffit que leur courbure varie très légèrement pour que l’alignement ne se fasse plus. » Comme les autres continuations, cette type D ne sera pas homologuée pour un usage routier, contrairement à la voiture d’origine « même si cela est possible dans certains pays ». Et n’espérez pas qu’il dévoile le tarif de cette nouvelle D : « Un nombre à 7 chiffres ! ».
Pavillon 1, stand Aston Martin Works
Aston Martin présente une DB6 à l’étrange teinte Bahama Yellow, qui inspirera la DBS utilisée par Roger Moore dans Amicalement Vôtre. Un représentant du constructeur nous indique que ce sont les deux seules Aston à avoir jamais reçu cette couleur à l’usine. Nous croisons sur le stand un ami venu de Suisse, qui hoche la tête de désapprobation. « Il y a eu trois DB6 Bahama, elles ont été commandées par trois gentlemen qui avaient fait un pari, dont le gage était d’acheter une Aston jaune. Ce qu’ils ont fait tous les trois. » Au moins deux de ces DB6 sont toujours en circulation. Quelqu’un ici doit réviser ses classiques…
Mercredi, Pavillon 1, stand Lamborghini Polo Storico
Deux voitures, ou plutôt une voiture et demie, sur le stand Polo Storico, et pourtant, on y passerait des heures à les détailler. À droite, la Miura P400 verde senape qui a remporté le Best of Show lors du premier Concours d’élégance Lamborghini&design, organisé cet automne à Neuchâtel. À gauche, la coque (et le châssis) d’une Countach Periscopo en cours de restauration flotte au-dessus du sol : une véritable sculpture d’art moderne !
Enrico Maffeo, le responsable de Polo Storico nous explique la difficulté de restaurer ce modèle : « Quand ils ont créé la Countach, ils n’ont jamais pensé qu’elle pourrait prendre de la valeur et qu’il faudrait un jour la restaurer. La coque est fixée au châssis par des liens en fibre de verre et la plupart des ateliers ne les retirent pas et ne séparent donc pas le châssis de la coque, car le risque est de mal remonter la voiture ensuite. Ils ne peuvent donc pas réparer la rouille au niveau des points de fixation, alors que Polo Storico peut ensuite traiter le châssis séparément par électrophorèse ».
Les activités de Polo Storico sont nombreuses et ne concernent pas que la restauration. Il y a la gestion et la mise à disposition progressive des archives, mais aussi la réalisation des certificats d’origine. Polo Storico s’attelle également à refabriquer les culasses des V12 4,0 l, devenues rares. « Nous utilisons la même technologie qu’à l’époque : avec un moulage au sable. Nous pourrions avoir une meilleure finition, mais ça ne serait pas authentique ! »
Pavillon 1, stand Charade Heroes
Nos amis de la Classic Racing School (qui organisent des stages de pilotage en Formule Ford vintage sur le circuit de Charade, voir Octane n° 35) exposent l’une de leurs monoplaces. Et préparent 2018 : bientôt leurs stages accueilleront une Crosslé 9S, barquette de sport biplace conçue en 1965, à nouveau produite autour d’un Ford Zetec 2,0 l développant 220 ch en position centrale arrière. Bientôt dans nos pages ?
Place Vauban, vente RM Sotheby’s
En 24 heures, 17 cm de neige sont tombés sur Paris, du jamais vu depuis 30 ans. Ce qui pose un problème à RM Sotheby’s qui, comme chaque année, prend place sous les tentes montées pour le Festival Automobile International, qui a fermé trois jours plus tôt. La neige a rendu le passage impossible entre deux des trois tentes, obligeant les visiteurs à faire un long détour par l’extérieur. Nous discutons avec Gord Duff, responsable des ventes de la maison. Comment choisit-il les lots pour la semaine parisienne, un événement qualifié de « marché aux puces » dans Shift, la revue de la maison ? « L’origine de la voiture joue, comme le calendrier. C’est aussi une question de choix. Prenez la Ferrari 166 MM Soider: il n’y en a pas d’autres en vente. Ici, c’est la star de la vacation, mais ça ne serait pas forcément le cas ailleurs. »
Grand Palais, vente Bonhams
Philip Kantor, directeur du département Automobile de Collection Europe, nous accueille sous la grande verrière. Nous évoquons l’importance de Rétromobile: « C’est l’ouverture de la saison, la première occasion de reprendre contact avec les collectionneurs ». Apprécie-t-il le salon ? « C’est un événement de très grande qualité, plus intéressant que d’autres. Il a su rester comme un grand club. Et Paris est une ville où les gens aiment venir. Demandez donc à votre femme de vous accompagner au Techno Classica, à Essen ! » Le public de la vente est-il français ou étranger ? « Complètement international. La plupart des voitures ne resteront pas en France… C’est un pays compliqué pour la collection de haut niveau, à cause de la fiscalité, des normes de pollution ou limitations de vitesse, et du fait que les autos ne sont pas bien vues par tout le monde. »
Qu’est-ce qui fait une bonne vente ? « Il faut qu’il y ait de l’ambiance dans la salle, rien de pire quand il n’y a que des spectateurs ou des curieux, comme on l’a vécu à Chantilly en 2017. Une bataille d’enchérisseurs, c’est très sympa et c’est la meilleure façon de défendre nos vendeurs. Puis, bien sûr, le pourcentage de lots vendus. À la vente du Zoute, nous sommes à 85-90 % tous les ans. Ici, l’objectif c’est d’être à 75 %. Si j’y arrive, je serai très content. » Il jette un oeil à la recréation de l’aston Martin DB4 GT en couverture de notre numéro de janvier-février et s’exclame: « Ça, je suis contre ! Des numéros de châssis vieux de 50 ans, vendus par des gens qui construisent des autos modernes… comme pour les Jaguar Type-e LWT je comprendrais qu’on refasse des numéros de châssis “B” pour utilisation en course historique, réservés aux propriétaires de l’originale. On ne repeint pas la Mona Lisa ! »
Au moment de quitter le pavillon Poppy Mckenzie Smith, l’attachée de presse de Bonhams nous fait signe: « Revenez demain, nous dévoilerons une surprise : nous annoncerons la voiture anglaise à l’estimation la plus haute jamais proposée en Europe ». La voiture est là, cachée, et le secret est bien gardé. Une Jaguar Type D ? Une Aston de course ? Poppy détourne le regard et n’en dira pas plus.
Jeudi, Pavillon 1, stand Girardo & Co
Le vendeur londonien présente une sélection de voitures exceptionnelles : une Lancia Delta S4 d’usine, une Alfa Romeo T33/2, Une Ferrari 365 GTB/4 Daytona et une Lamborghini Miura P400 S fraîchement restaurée, dans une incroyable teinte Verde Metallizata. On croirait la SV que Polo Storico a restaurée en 2016. « Oui tout le monde nous demande si c’est elle » s’amuse Max Girardo. Que pense-t-il du salon? « C’est probablement le meilleur, avec les meilleures voitures, et l’occasion de rencontrer les clients internationaux en début de saison. »
Pavillon 1, stand FCA Heritage 1
FCA présente sa nouvelle initiative: Reloaded by Creators. Un département classique qui, non content de restaurer les Fiat, Alfa et Lancia anciennes conformément à l’origine, les rend disponibles à la vente. L’un des premiers spécimens de ce programme était exposé à Porte de Versailles, une Alfa Romeo SZ “Mostro” de 1989. Ancienne auto de développement dotée de détails uniques, elle est passée par les ateliers Classiche pour une remise à neuf. FCA reste discret sur la valeur de telles réalisations, cependant pouvoir acheter une ancienne en état neuf avec certifications et garanties constructeur justifiera sans doute leurs tarifs. Si vous cherchiez une SZ en parfait état, une Lancia Fulvia Coupe Monte Carlo ou encore une Lancia Appia Coupé, rendez-vous sur fcaheritage.com pour passer commande.
Grand Palais, vente Bonhams
La surprise du chef a été dévoilée. “2VEV” vient de se placer aux côtés d’une autre icône déjà exposée au Grand Palais depuis le début de la semaine, la Mclaren MP4/8A avec laquelle Senna s’est imposée au GP de Monaco 1993 et qui sera proposée à la vente “Les Grandes Marques à Monaco” le 11 mai prochain. 2VEV, ou peut-être l’aston Martin DB4 GT Zagato la plus connue, ex-jim Clark, ex-24h du Mans et Goodwood TT. À elle de faire, encore une fois, l’histoire. Pour cela, rendez-vous le 13 juillet prochain lors de la vacation du Goodwood Festival of Speed.