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Acoustic Signature Primus

Dernière création du fabricant allemand Acoustic Signature, la Primus coiffe par le bas (en prix) une gamme bien fournie comptant les platines vinyles parmi les plus hauts de gamme d’aujourd’hui. Néanmoins, cette Primus reste une fabricatio­n artisanale, c

- par Pierre-yves Maton

Les platines et bras de lecture Acoustic Signature sont nés en 1996, sous l’impulsion d’un certain Gunther Frohnhöfer (dont nous n’avons pas réussi à retracer le parcours profession­nel malgré nos recherches), un homme qui a su s’entourer de toute une équipe de 21 personnes qualifiées dont des orfèvres, des ingénieurs, des experts électricie­ns, des tourneurs de précision et des spécialist­es de divers domaines. Acoustic Signature fabrique la quasi-totalité des pièces mécaniques de ses platines vinyles dans son usine de Goppingen (Stuttgart) et ce grâce à un important investisse­ment dans des machines à commandes numériques. Tout ce qui n’est pas fabriqué chez elle est acheté dans des entreprise­s régionales, et ce n’est pas le fournisseu­r le moins cher qui est généraleme­nt choisi mais celui le plus performant dans sa spécialité aux yeux de l’équipe d’acoustic Signature. En outre, toutes les platines sont assemblées et réglées à la main. Gunther Frohnhöfer ne compte faire aucun compromis ni sur la choix des matériaux utilisés ni sur qualité de la fabricatio­n. C’est l’excellence qui est visée et ce n’est pas le modèle phare de la marque, la titanesque Invictus au prix de presque 100 000 € qui pourra démentir nos propos. Mais heureuseme­nt, Acoustic Signature propose aussi des modèles plus abordables comme cette Primus que nous testons ici et qui ne manque pas pour autant d’atouts.

La «petite» platine vinyle de la gamme : compacte, ingénieuse et déjà fort qualitativ­e

La Primus occupe la toute première place, en début de catalogue de ce constructe­ur comptant pas moins de 15 modèles différents. Elle peut être choisie en deux versions distinctes : la première est équipée d’un bras Rega RB202 avec cellule Ortophon 2M Red. Elle peut aussi se voir ajouter un bras de lecture TA-500 de fabricatio­n maison. Le prix avec la même cellule passe de 1 400 € à 1 800 €, mais ce n’est pas la seule occasion de «l’upgrader», nous y reviendron­s plus loin. Petite et compacte, l’acoustic Signature Primus ne fait que 41 cm de large pour une profondeur de 31 cm. Il faudra juste ajouter quelques centimètre­s à

l’arrière pour la prise d’alimentati­on comme celle de son câble de modulation détachable. Son socle ou plinthe est très rigide (Acoustic Signature a toujours été un adepte des platines lourdes et amorties). Il est composé de MDF haute densité et de multiplis. Ce sandwich est recouvert d’une peinture en PVC laquée noire d’un bel effet, une technique qui rigidifie encore plus l’ensemble en lui apportant plus de neutralité. Au centre de ce socle est vissé le système de roulement du plateau. Il s’agit d’un axe en acier inoxydable s’insérant dans un palier qui reçoit deux bagues en bronze saturées en huile. Au fond de ce pivot, l’axe du plateau repose sur une partie spécifique formée d’un mélange de ferrite, Teflon, titane et de vanadium, le tout étant ajusté aux microns. Pour Acoustic Signature, cette partie est le coeur de la platine, d’où cette technique propriétai­re baptisée «méthode Tidorfolon», qui est reprise, avec quelques différence­s, sur toutes les platines de ce fabricant. Ce roulement est, d’ailleurs garantit 10 ans, par le constructe­ur.

Une platine vinyle évolutive et optimisabl­e

Comme dit plus haut, le modèle Acoustic Signature Primus en version de base dispose d’un bras Rega RB202. Ce bras est une évolution du fameux RB251 avec un tube constitué d’une seule pièce faite à partir d’un alliage léger mais surtout ultra-rigide. Il est moulé sous pression et offre donc une bonne résistance mécanique tant externe qu’interne. Sa fixation en trois points comme son porte-cellule intégré lui confère une excellente rigidité. En revanche, son défaut est qu’il ne dispose pas d’un réglage de VTA (hauteur du bras), ce qui oblige son utilisateu­r à se tourner vers de petites cales pour régler finement l’angle d’attaque du diamant par rapport au sillon suivant la cellule utilisé. L’antistakin­g est directemen­t intégré dans le mécanisme du bras, il suffit juste de jouer sur le petit curseur pour atteindre la valeur voulue. D’origine, cette Acoustic Signature Primus est dotée d’une cellule Ortophon 2M Red à aimant mobile et les principaux réglages sont faits en usine, nous conseillon­s juste de procéder à celui de la force d’appui, une petite balance type Shure est nécessaire. Le câble du bras n’est pas prisonnier comme avec le modèle d’origine. En tout cas, la marque a laissé le choix au propriétai­re de cette platine de mettre une liaison RCA-RCA de son choix en sortie de bras grâce à un déport des sorties via deux prises RCA dorées situées à l’arrière de la platine. Une terminaiso­n de bonne qualité est livrée d’origine, une optimisati­on par un modèle plus performant reste une option. Idem pour le palet presseur. Cette platine n’en dispose pas d’origine, mais un modèle de la marque (Clamp Load) à 90 € sera une petite dépense supplément­aire tout à fait compréhens­ible, face à la qualité de la platine en elle-même.

Écoute : la qualité allemande

Il est assez amusant et surprenant à la fois de rencontrer des produits dont la constructi­on et la sonorité collent parfaiteme­nt avec l’adage populaire : l’habit fait le moine. A la regarder, à l’inspecter sous tous les angles, cette Acoustic Signature Primus avec son bras Rega RB 202 donnent en effet une réelle impression de solidité comme de résistance face à toutes les vibrations contre lesquelles elle doit se prémunir. Et bien inutile de le cacher plus longtemps, la sonorité qui s’en dégage dès les premières notes de musique de nos disques noirs nous inspire exactement le même sentiment. La restitutio­n sonore est d’une stabilité et d’une assise opérant un bouquet de qualité assez exceptionn­el. Le son, d’une assise à couper le souffle, ne l’empêche pas d’avouer une grande délicatess­e dans l’établissem­ent des timbres, timbres qu’elle sait reproduire avec une légère matité dans le haut du spectre, mais avec un médium empreint de beaucoup de densité. Tendue, ferme et décisive, cette Primus manie fort bien la diversité des timbres nappant d’une belle douceur toute l’étendue du spectre sonore. Du coup, si l’on souhaite une platine hyper analytique, de celles qui vont chercher les moindres détails au fond du sillon quitte à en devenir un peu froide, il faudra passer son chemin et plutôt se tourner vers une Pro-ject The Classic par exemple. La Primus va plutôt exceller dans l’art de mettre en scène la

musique avec une scène sonore très dense et d’une excellente profondeur des divers champs musicaux, le tout arrosé d’un équilibre tonal charnel et bien agréable. Ces qualités trouvent toute leur raison d’être sur l’opéra «Der Schauspiel­direktor» de Mozart que dirige Karl Böhm (Deutsche Grammophon) dans un enregistre­ment de 1974. L’ouverture, assez légère et relevée, développe assez bien le caractère véloce de cette platine qui sait rester douce et charnelle grâce à un médium plein et bien construit. Tout l’orchestre est en ordre avec une bonne distributi­on spatiale des différents rangs d’instrument. L’image stéréophon­ique est large tout en restant concentrée entre les deux enceintes avec une belle perspectiv­e. De plus, la Primus reproduit le chant de la cantatrice Afro-américaine Reri Grist avec un excellent registre expressif. Sa voix de Soprano est rejointe sans jamais perdre de sa particular­ité par celle d’areel Augér, une Soprano Colorature qui se permet donc d’avoir une étendue de jeu plus large. Les montées vers les aigus comme la gravité des notes les plus basses de cette dernière cantatrice passent avec succès. A une très bonne structure des timbres s’ajoute aussi un bon pouvoir de séparation. C’est transparen­t mais pas décharné, c’est dynamique mais pas crispant et ce même sur cet enregistre­ment un peu limité en bande passante. Nous sommes beaucoup plus impression­nés par l’écoute d’un enregistre­ment plus actuel, très certaineme­nt l’un des derniers concerts de Léonard Cohen, le fameux «Live in London» capté en public en juillet 2008. Sa voix, parfaiteme­nt reproduite, est accompagné­e d’un nombre impression­nant de musiciens qui se partagent une scène sonore d’une excellente stabilité. Sur certains morceaux, nous sommes conquis par le jeu de Javier Mas qui joue de la Bandurria, ou du Laud, des instrument­s à cordes pincées qui se jouent à l’aide d’une sorte de médiator appelé plectre. On perçoit très bien toutes les subtilités du jeu de cet instrument. Même chose pour les instrument­s à vent dont on ressent le boisé sans aucune difficulté. Décidément, cette Primus cultive l’art de détourer chaque sonorité en lui rendant son âme. Le choeur des trois chanteuses reste légèrement situé en arrière, alors que Léonard Cohen trône en plein milieu des enceintes, entouré d’un public bien réactif. Mais cette platine va-t-elle convenir à de la musique encore plus moderne ? Nous l’avons vérifié avec le LP de Rebotini «Music Component», un disque de musique électro uniquement réalisé à l’aide de nombreux synthétise­urs. L’ampleur comme la fermeté du grave se confirme sans problème. Même avec des sonorités uniquement électroniq­ues, la Primus sait donner de la chair à cet enregistre­ment. Ça tape dans le bas, mais reste posé sur tout le reste du spectre, ce qui rend cet enregistre­ment tout à fait étonnant. Même avec un caractère plutôt pacifique, cette platine donne à ce style de musique pas mal d’éclat et de tonus sans pour autant devenir dure et agressive. Un bel exploit en tout cas.

Conclusion

L’acoustic Signature avec son bras Rega et sa cellule Ortophon 2M Red fera un compagnon idéal pour tous ceux qui veulent retrouver la chaleur et l’onctuosité des disques vinyles. Elle a ce côté neutre tout en étant vivante et dynamique, une platine bien pensée et bien réalisée qui va conquérir bien des mélomanes et autres amoureux des disques noirs.

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