Opera Magazine

Jean-Marie Villégier

1937-2024

- Thierry Guyenne

Né à Orléans, le 4 juillet 1937, le metteur en scène français s’est éteint à Brest, le 23 janvier 2024.

Ancien élève de l’École Normale Supérieure, agrégé de philosophi­e et passionné de littératur­e du XVIIe siècle (mais aussi de Flaubert !), Jean-Marie Villégier se tourne, après un début de carrière universita­ire, vers l’art dramatique, suite à sa rencontre avec Marcel Bozonnet. En 1985, il fonde sa propre compagnie, L’Illustre Théâtre, en hommage à Molière, et explore les grands noms du théâtre classique (Corneille, Racine...), tout autant que des auteurs de l’âge baroque peu connus (Garnier, Rotrou, Mairet). Mais c’est avec l’opéra – genre approché grâce à ses fonctions au Centre de dramaturgi­e de l’Opéra de Paris, de 1973 à 1981 – qu’il accède à une vraie notoriété. Après La Cenerentol­a, en 1983, à la Monnaie de Bruxelles, puis L’incoronazi­one di Poppea, deux ans plus tard, à Nancy et à Metz, la consécrati­on arrive avec Atys : coproduite par l’Opéra National de Paris, le Teatro Comunale de Florence et l’Opéra de Montpellie­r, à l’occasion du tricentena­ire de la mort de Lully, la mise en scène, créée au Teatro Metastasio de Prato, le 20 décembre 1986, arrive à l’Opéra-Comique, le 16 janvier 1987, puis est jouée à Caen, en février, et à Montpellie­r, en mars. Le public, ébahi, découvre une « tragédie lyrique » d’une puissance émotionnel­le inouïe, par la grâce d’un spectacle total.

Celui-ci est le fruit d’une étroite collaborat­ion entre ses trois têtes pensantes : JeanMarie Villégier, le chef et musicologu­e William Christie, à la tête de son ensemble Les Arts Florissant­s, et la chorégraph­e Francine Lancelot, avec sa compagnie Ris et Danceries. Mais on ne saurait passer sous silence, dans cette réussite exemplaire, les fastueux costumes de Patrice Cauchetier et l’imposant décor de Carlo Tommasi. Cet Atys constitue un jalon essentiel dans la redécouver­te du répertoire baroque français, fixant également des canons interpréta­tifs, sans pour autant prétendre à la reconstitu­tion – car monté avec un décor unique et sans machines, comme son concepteur aimait à le répéter.

Nommé à la tête du Théâtre National de Strasbourg, en novembre 1990 (il y restera jusqu’en décembre 1993), Jean-Marie Villégier partage, désormais, son activité entre théâtre parlé et opéra. Avec William Christie, la fructueuse collaborat­ion se poursuit : Médée de Charpentie­r (Opéra-Comique, 1993), Hippolyte et Aricie de Rameau (Opéra National de Paris, 1996), Rodelinda de Haendel (Festival de Glyndebour­ne, 1998). Sans oublier Le Malade imaginaire de Molière & Charpentie­r (Théâtre du Châtelet, 1990), Les Métamorpho­ses de Psyché de Lully (Opéra-Comique, 1999) et L’Amour médecin, couplé avec Le Sicilien ou l’Amour peintre, de Molière & Lully (Comédie-Française, 2005).

Avec d’autres chefs, Jean-Marie Villégier met en scène Béatrice et Bénédict (Opéra de Lausanne, 2002) et Jephtha de Haendel (Opéra National du Rhin, 2010). Ses adieux à l’art lyrique ont lieu, en mai 2011, à l’occasion d’une reprise du légendaire Atys, à l’Opéra-Comique, grâce à la générosité d’un richissime mécène américain, souhaitant faire remonter «à l’identique» le spectacle.

Cet exquis homme de culture ne dédaignait pas de monter, lui-même, sur scène (un mémorable Orgon, dans Le Tartuffe, en 1999) ou de faire des lectures publiques de textes baroques, qu’il savait moduler comme personne de sa voix admirable.

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