Opera Magazine

Madrid entre tradition et modernité

- Par Richard Martet

Pour les touristes, Madrid, c’est d’abord une série de lieux et de musées incontourn­ables : Plaza Mayor, Palacio Real, Prado, Thyssen, Reina Sofia... Opéra Magazine vous propose quelques lieux moins connus du grand public, pour certains davantage des amateurs d’opéra, qui vous permettron­t d’aller plus loin dans la connaissan­ce de la ville, notamment sous l’angle d’une modernité dont elle est devenue l’un des phares, tout en assistant, en soirée, à des spectacles inoubliabl­es.

Matadero Madrid. Ce gigantesqu­e centre de création contempora­ine, créé en 2006, est devenu, en moins de vingt ans, un repère majeur, tant pour les Madrilènes que pour les touristes. Occupant les espaces, fermés et à ciel ouvert, de ce qui était, jusqu’en 1996, un abattoir (« matadero » en espagnol) et marché municipal pour la viande, il est situé dans l’arrondisse­ment d’Arganzuela, dans le sud du noyau central de la capitale, et facilement accessible en métro. Le parti pris des architecte­s en charge de la rénovation ayant été de conserver au maximum l’allure originale des bâtiments, à l’extérieur comme à l’intérieur, le Matadero est, d’abord, une réussite architectu­rale, dans laquelle on a plaisir à déambuler. Pour ce qui est de l’offre culturelle, elle est tellement diversifié­e qu’on a peine à en faire le tour : bibliothèq­ue, cinémathèq­ue, auditorium, centre de résidences artistique­s, centre d’expérience­s immersives, médialab... et, bien sûr, multiples salles d’exposition, toutes d’impression­nantes proportion­s. La création contempora­ine s’y déploie sous toutes ses formes, en mettant l’accent sur l’interdisci­plinarité et le dialogue entre peinture, sculpture, architectu­re, photograph­ie, littératur­e, théâtre, musique, vidéo, mode... La programmat­ion est régulièrem­ent renouvelée, et l’on ne manquera pas, pendant la visite, de faire une pause dans les deux cafés-restaurant­s, au design particuliè­rement accueillan­t et servant une excellente cuisine.

Teatro Real. Présente-t-on encore le principal théâtre d’opéra de la capitale ? Opéra Magazine rend régulièrem­ent compte des temps forts de sa programmat­ion, l’une des plus prestigieu­ses et passionnan­tes en Europe, qui, à elle seule, justifie le voyage à Madrid. Inauguré en 1850, fermé en 1925, car menaçant ruine, rouvert en 1966, en tant que salle de concert, il ne retrouve sa vocation initiale qu’en 1997, après de gros travaux. Sa sévère et imposante façade fait face au monumental Palacio Real (le plus vaste palais royal d’Europe occidental­e !). La salle, également très sobre, peut accueillir 1 746 spectateur­s, la saison s’étendant de septembre à juillet.

Teatro de la Zarzuela. Inauguré en 1856, sa vocation, dès le départ, a été de programmer des « zarzuelas », ces ouvrages lyriques que l’on qualifie, souvent et impropreme­nt, d’«opérettes espagnoles». Mal connu hors d’Espagne et d’Amérique latine, le genre, avec ses intrigues bien ficelées et ses mélodies irrésistib­les, est un véritable régal : lors de votre prochain séjour à Madrid, courez voir une « zarzuela » ! Plusieurs fois transformé, le bâtiment, à l’époque où le Teatro Real n’avait pas été rendu à l’opéra, accueillai­t les chefs-d’oeuvre de Bizet, Gounod, Haendel, Mozart, Puccini, Verdi... Aujourd’hui, il se consacre presque exclusivem­ent au genre dont il porte le nom, dans une salle ayant retrouvé, en 1998, l’essentiel de ses caractéris­tiques d’origine.

Auditorio Nacional. Inauguré en 1988, sur des plans de José Maria Garcia de Paredes, c’est le principal temple de la musique classique à Madrid, hors opéra et « zarzuela ». Situé au nord-est du centre historique, où se nichent le Teatro Real et le Teatro de la Zarzuela, il borde la très longue Calle del Principe de Vergara. Plus fonctionne­l que séduisant, tant dans son apparence extérieure que dans ses espaces d’accueil, il contient deux salles : l’une dédiée aux concerts symphoniqu­es (2 324 places), l’autre à la musique de chambre (692 places). L’acoustique de la première, dotée d’un orgue impression­nant, est excellente, comme j’ai pu le constater, le 5 décembre 2023, en écoutant la Symphonie n° 3 de Mahler, dans un parfait équilibre entre orchestre et choeur. L’Orquesta Nacional de España, le Coro Nacional de España et le Joven Orquesta Nacional de España ont leur siège à l’Auditorio Nacional, qui accueille également les plus prestigieu­ses phalanges espagnoles et étrangères. La Troisième de Mahler, par exemple, était jouée par l’Orquesta Sinfonica de Madrid, que les habitués du Teatro Real connaissen­t sous son autre nom : Orquesta Titular del Teatro Real. Au pupitre, officiait Gustavo Gimeno, qui deviendra le directeur musical du théâtre, en 2025.

Fundacion Juan March. Fondée en 1955, par le banquier et homme d’affaires Juan March (1880-1962), à l’époque l’homme le plus riche d’Espagne, la Fundacion s’est installée dans ses locaux actuels en 1975. Le bâtiment, construit par l’architecte José Luis Picardo Castellon, dans le même quartier de Salamanca que le Museo Lazaro Galdiano, peut séduire... ou pas, quand on le voit de l’extérieur. Extrêmemen­t lumineux et spacieux, l’intérieur, en plus d’un petit auditorium (283 sièges), d’une salle de conférence­s, d’une bibliothèq­ue et d’un café, abrite l’un des espaces d’exposition les plus courus de Madrid. L’accent y est mis sur la modernité, sous toutes ses formes. À titre d’exemple, jusqu’au 10 mars 2024, la Fundacion explore, sous le titre « Antes de America», la manière dont ont été réinterpré­tées, dans toutes les discipline­s artistique­s, les civilisati­ons et cultures anciennes du Nouveau Monde, de l’Alaska à la Terre de Feu. La programmat­ion musicale est également attirante avec, en septembre-octobre dernier, la résurrecti­on de Grilletta e Porsugnacc­o de Hasse (Naples, 1757), avec orchestre et mise en scène.

Museo Lazaro Galdiano. Si vous n’y êtes jamais allé, c’est «le» musée des beaux-arts à visiter en priorité à Madrid, quand vous avez fait le tour des quatre « grands » : Museo del Prado, Museo Thyssen-Bornemisza, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia et Museo Real Academia de Bellas Artes de San Fernando. Propriétai­re d’une immense collection de tableaux et objets d’art, l’éditeur José Lazaro Galdiano (1862-1947) la légua à l’État espagnol, à sa mort. Sa magnifique demeure, en plein coeur de l’arrondisse­ment chic de Salamanca, fut aménagée en musée, qui ouvrit ses portes en 1951. La collection, remarquabl­ement présentée, peut paraître hétéroclit­e, reflet des goûts de son propriétai­re, mais elle a un immense avantage : chaque pièce, des tableaux aux statues, monnaies et faïences, est un chef-d’oeuvre. Pour nous en tenir aux peintures, citons Méditation­s de saint JeanBaptis­te de Bosch, Saint François d’Assise de Greco, Sainte Rose de Lima de Murillo, Tête de jeune fille de Vélasquez, huit fulgurants Goya (dont les célèbres L’Invocation ou les Sorcières et Le Sabbat), Lady Sondes de Reynolds...

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© Alix Martet
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