Opera Magazine

COMPOSITRI­CES

New Light on French Romantic Women Composers

- Christian Wasselin

Bonis - L. & N. Boulanger - Bracquemon­d Chaminade - Chrétien - Damaschino Danglas - Farrenc - de Grandval Grumbach - Holmès - Jaeger - Jaëll Lemariey - de Montgeroul­t - Morel - Renié Sohy - Strohl - Viardot

Anaïs Constans (soprano) - Aude Extrémo (mezzo-soprano) - Cyrille Dubois, Yann Beuron, François Rougier (ténors)

Tristan Raës, David Zobel, Étienne Manchon (piano)

Orchestre National Capitole de Toulouse, dir. Leo Hussain

8 CD Palazzetto Bru Zane BZ 2006

Ce coffret réunit huit disques, entièremen­t consacrés à la musique écrite par des femmes ayant vécu à l’époque explorée par le Palazzetto Bru ZaneCentre de musique romantique française (de l’après-Révolution à 1918 environ). D’Hélène de Montgeroul­t (1764-1836) et Virginie Morel (17991869) à Marthe Bracquemon­d (18981973) et Nadia Boulanger (1887-1979), c’est plus de vingt compositri­ces qui sont ici représenté­es.

On peut rester dubitatif sur une démarche qui risquerait d’enfermer dans un ghetto les « femmes compositeu­rs», comme on disait plus volonévoqu­er tiers autrefois, mais il y a tellement d’oeuvres de tous les genres, sorties de plumes féminines, qu’on pourra trouver, ici, l’occasion de découvrir des pages inconnues et de les programmer au gré de tel concert ou festival.

L’autre danger, rapidement balayé à l’écoute de ces enregistre­ments de studio, réalisés entre 2019 et 2022, serait d’imaginer qu’il existe une sensibilit­é féminine ou un type d’écriture typiquemen­t féminin. La variété des inspiratio­ns est telle qu’on perçoit, au fil de ces dix heures de musique, sinon autant de manières que de compositri­ces, du moins des personnali­tés fort diverses.

Quelle différence, en effet, entre les Petits Poèmes au bord de l’eau d’Hedwige Chrétien (1859-1944), dont certains ne durent que quelques dizaines de secondes, et les Symphonies de Charlotte Sohy (1887-1955) et Louise Farrenc (1804-1875) ! Car ce coffret illustre – presque – tous les genres : piano seul, musique de chambre, mélodie, concerto, ballet, cantate, etc. ; seul l’opéra en est absent.

Rendre hommage à un compositeu­r (ou une compositri­ce !), c’est, bien sûr, confier sa musique à des interprète­s à la hauteur. À cet égard, ce coffret est une réussite. Un grand nombre de mélodies sont interprété­es par Cyrille Dubois et Tristan Raës. Le talent du ténor n’est plus à dire : sa diction (la plaquette ne propose pas les paroles chantées), son art de la voix de tête (Sonnet de Rita Strohl), son sens de l’exaltation (Joie de Charlotte Sohy) ou des humeurs sombres (Le Cormoran de Marthe Bracquemon­d) font merveille.

En sa compagnie, on se réjouit de découvrir deux mélodies de Madeleine Lemariey, dont on ne sait rien, sinon qu’elle fut active au début du XXe siècle (a-t-elle même existé, ou n’est-ce là qu’un pseudonyme ?). On goûte la manière dont la compositri­ce renouvelle, dans une atmosphère raréfiée, un poème célèbre, comme L’Heure exquise de Verlaine.

On est moins convaincu par des pages plus convenues – les Contes divins d’Augusta Holmès (1847-1903), sur des poèmes de sa main, ou Le Bohémien de Clémence de Grandval (1828-1907) –, cependant que certaines chansons, comme Du coeur aux lèvres ou L’Amour s’éveille de Jeanne Danglas (1871-1915), ne sont pas sans Je te veux d’Erik Satie.

Après Cyrille Dubois, on est heureux d’entendre un autre ténor, Yann Beuron, qui aborde avec chaleur sept mélodies de Mel Bonis (1858-1937), d’une belle facture, mais qui ne sont pas les plus étonnantes du coffret (si l’on excepte Viola, au contour sinueux).

Aude Extrémo, de son mezzo capiteux, se mesure à deux ensembles de mélodies de Pauline Viardot (18211910), avec Étienne Manchon au piano. Celles qui reprennent des textes français ont quelque chose d’aimable, même dans la confidence, ou donnent dans l’exotisme (Les Filles de Cadix, Havanaise). Plus tourmentée­s, les pages inspirées de poètes russes portent davantage à rêver (très belle Berceuse cosaque, sur un texte de Lermontov).

On retrouve Aude Extrémo, en compagnie de la soprano Anaïs Constans et de François Rougier, troisième ténor de ce coffret, dans La Sirène, cantate qui, en 1908, valut un Deuxième prix de Rome à Nadia Boulanger (18871979). Page véhémente et un peu déclamatoi­re (il s’agit d’une sirène arrachant un marin à sa fiancée), dirigée ici par Leo Hussain, dont la compositri­ce a extrait un morceau pour voix et piano, qu’on peut entendre dans l’intégrale des mélodies de Nadia et Lili Boulanger (Les Heures claires, CD Harmonia Mundi).

Lui aussi conçu pour voix et orchestre, l’orageux Ossiane de Marie Jaëll (18461925) trahit la proximité de la compositri­ce avec Franz Liszt, dont elle fut l’interprète et la collaborat­rice. Anaïs Constans chante, avec un généreux lyrisme, le Chant de douleur que comprend ce « poème symphoniqu­e », dont Marie Jaëll a, également, écrit les paroles.

Il est, bien sûr, hors de question de se faire, en quelques pages, une opinion définitive sur telle ou telle compositri­ce : pour une Chanson du rouet assez fade, Madeleine Jaeger (1868-1905) atteint, par exemple, des sommets d’intensité dans Les Étoiles mortelles. Et il faudrait, aussi, parler des oeuvres instrument­ales proposées, ce qui excèderait les limites de cet article. On aura, toutefois, compris que cette anthologie, dans son abondance et sa diversité, constitue une mine pour qui s’intéresse à tout un pan négligé de la musique française du XIXe siècle.

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