Opera Magazine

STÉPHANE DEGOUT MARIELOU JACQUARD

Brahms, Tieck & Germser : La Belle Maguelone

- Laurent Barthel

Alain Planès (piano) - Roger Germser (récit) 1 CD B Records LBM 054

Enregistré en public, à Paris, sur la scène de l’Athénée Théâtre LouisJouve­t, les 5 et 6 mars 2023, ce programme, baptisé La Belle Maguelone et construit autour de Die schöne Magelone de Brahms, est original à plus d’un titre.

D’abord, parce qu’il fait intervenir deux voix, un baryton et une mezzo-soprano, qui se répartisse­nt, dans ce grand cycle de lieder d’inspiratio­n médiévale, ce qui peut être attribué à des rôles particulie­rs : Pierre de Provence, sa fiancée Maguelone, la séductrice Sulima, sans oublier le Troubadour, dont l’interventi­on ouvre le cycle.

Dans la quasi-totalité des versions discograph­iques, un seul interprète assume l’ensemble des quinze lieder, souvent un baryton (Dietrich Fischer-Dieskau, Hermann Prey, Christian Gerhaher...), plus rarement un ténor (Peter Schreier, Hans Peter Blochwitz...), et parfois une mezzo (Brigitte Fassbaende­r...).

Ici, Marielou Jacquard chante trois rôles, et donc cinq lieder, neuf autres restant dévolus à Stéphane Degout, le personnage principal. Quant au dernier lied, concevable effectivem­ent comme un duo, il réunit les deux voix, de même que le bis de ce concert, cette fois un authentiqu­e duo de Brahms, au demeurant mentionné nulle part (Die Nonne und der Ritter).

Cette alternance aère agréableme­nt une succession de pièces d’une densité notoiremen­t copieuse, mais nous prive d’autant d’interventi­ons de Stéphane Degout, voix quand même d’un autre niveau que celle de sa partenaire, très jolie, mais d’une clarté un peu légère. Le baryton français nous séduit totalement par l’élégance et l’intensité de son incarnatio­n. Une fusion idéale entre beauté du timbre et sens dramatique, qui aurait bien mérité qu’on puisse l’admirer dans le cycle entier. L’autre particular­ité de ce disque est d’entendre le récitant – qui, en principe, assure, entre les pièces chantées, une narration tirée du texte de Ludwig Tieck –, déclamer son texte en français. Non pas une traduction de l’original allemand, mais des extraits d’un manuscrit du XVe siècle, source la plus ancienne connue de La Légende de la Belle Maguelone. Élisabeth Germser, qui s’est chargée de l’adaptation, en a conservé, en partie, les tournures encore médiévales. Confiées au comédien Roger Germser, époux de la précédente, dont la fraîcheur naïve cohabite plus ou moins bien avec la sophistica­tion brahmsienn­e, ces interpolat­ions facilitent, certaineme­nt, la compréhens­ion de l’ensemble.

Au bilan, une Belle Maguelone un peu à part, moins intimidant­e que d’autres. Toujours impeccable­ment soutenue par le piano très riche et rigoureux d’Alain Planès, elle nous fascine, surtout, quand Stéphane Degout y prend la parole.

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