Opera Magazine

VANNINA SANTONI

Debussy : C’est l’extase La Mer)

- Thierry Guyenne

Orchestre Philharmon­ique de Radio France, dir. Mikko Franck

1 CD Alpha Classics ALPHA 981

Les dix mélodies de Debussy, toutes sur des poèmes de Verlaine, qui constituen­t la partie vocale de ce disque de studio, enregistré en septembre 2022 – La Mer occupe l’autre moitié –, apparaisse­nt sous une forme bien particuliè­re.

Le recueil des Ariettes oubliées, daté de 1885-1887, en est l’élément principal, mais largement réorganisé. Robin Holloway (né en 1943), après les trois premières pièces (C’est l’extase langoureus­e, Il pleure dans mon coeur, L’Ombre des arbres), change l’ordre des trois dernières (Chevaux de bois, Green, Spleen), en y intercalan­t les Trois Mélodies de 1891 (Le Son du cor s’afflige,

L’Échelonnem­ent des haies, La Mer est plus belle), ainsi que la célèbre Mandoline de 1882.

Le compositeu­r britanniqu­e est, ici, arrangeur dans tous les sens du terme. Auteur de l’agencement des pièces, il en est aussi l’orchestrat­eur. Entre elles, il a placé de brefs interludes – sans pour autant créer un véritable continuum, puisque chaque mélodie s’arrête bien à sa conclusion –, et a ajouté un Épilogue instrument­al de sa main. En résulte un cycle original, un peu à la manière de Chausson – c’est à lui, ou à Duparc, plutôt qu’à Debussy, que le travail des timbres fait penser.

Les mélodies en sortent-elles magnifiées ? Pas sûr, car la diversité de leurs saveurs et de leurs couleurs, si sensible quand elles sont accompagné­es au piano, s’évapore un peu dans l’opération. Quelques-unes y laissent, même, une bonne part de leur individual­ité, à l’instar d’Il pleure dans mon coeur, qui perd tout le côté liquide et l’effet de gouttes de son écriture.

L’ensemble sonne trop homogène, trop nappé (C’est l’extase langoureus­e, Green), souvent un peu épais, en un mot, assez monotone – terme, il est vrai, très verlainien ! Peut-être la direction de Mikko Franck, chef que l’on a connu bien plus transparen­t et souple, y est-elle pour quelque chose – une exécution de La Mer solide, mais aux irisations limitées, semble le confirmer. Nous ne connaissio­ns pas Vannina Santoni dans la mélodie, genre qu’elle ne fréquente guère. Elle y déploie des qualités certaines : un timbre plein de charme, surtout dans un aigu rayonnant ; une ligne souple, et ne manquant pas de grâce, même si on l’aimerait, parfois, plus tendue de courbe et débarrassé­e, ici ou là, de quelques portamenti pas très heureux. La diction, elle, est tout juste suffisante. Dans ces pièces, où se dessine déjà, nettement, le style debussyste, la soprano française, Mélisande reconnue pourtant, ne place pas au premier plan les mots, leurs couleurs, leur imaginaire. Mais on regrette, surtout, une tendance à survoler le détail des nuances dynamiques, en particulie­r dans ces moments caractéris­tiques, où le compositeu­r passe du piano au pianissimo. Dommage, car Vannina Santoni se prive, ainsi, de l’une des clés de la magie de Debussy mélodiste. Un disque dont on pouvait, réellement, espérer davantage.

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