MARTIN ENGSTROEM, DE STOCKHOLM À VERBIER
Entretiens avec Bertrand Dermoncourt
Actes Sud/Verbier Festival. 192 p. 23 €
Il n’est, sans doute, pas connu du grand public, mais le Suédois Martin Engstroem (né en 1953) a occupé une place des plus notables dans la vie musicale internationale des trente dernières années – notamment par sa direction artistique de la firme Deutsche Grammophon, de 1999 à 2005, et la fondation, puis la direction, du Verbier Festival, en Suisse, à partir de 1994.
Son champ d’action, principalement comme agent artistique, n’a cessé de s’élargir, à partir de débuts modestes, avec l’aide efficace de son parrain, Antal Dorati. Au fil de ces entretiens, exemplairement
conduits et mis en forme par Bertrand Dermoncourt, c’est toute la période qui revit à nos yeux, au fil d’un discours mené en toute franchise et simplicité, et ponctué d’autant d’anecdotes souvent drôles, mais aussi très révélatrices de la personnalité des principaux intéressés.
On y découvrira toutes les facettes de la difficile, et souvent très acrobatique, vie d’agent, d’organisateur de concerts et de fondateur de festival, naviguant entre les exigences (financières, notamment), les peurs ou les caprices des artistes, et les différents soutiens nécessaires de ces entreprises : mécènes, banquiers, patrons d’industrie, autorités politiques et administratives... Nonobstant les aléas de la vie personnelle, pour celui qui a été, de 1981 à 1994, le mari de Barbara Hendricks, et revendique aussi, avec force, sa judaïcité (p. 25). Beaucoup d’amitiés, une grande empathie pour les artistes, les plus jeunes, en particulier, et peu de jugements négatifs, malgré des relations parfois tendues (exception notable : le pianiste Lang Lang, dont il est jugé que ses excentricités et l’amour excessif de l’argent l’ont définitivement perdu pour l’art, p. 164 !).
Passionnant de bout en bout donc, même si les deux derniers chapitres, consacrés à l’histoire de Verbier et à son avenir incertain, intéresseront, d’abord, les habitués du Festival. Les cinq chapitres, illustrés par un cahier de clichés personnels, sont rythmés, aussi, par cinq portraits de première main : Dietrich Fischer-Dieskau, Martha Argerich, James Levine, Mstislav Rostropovitch, pour conclure par celui du déroutant Carlos Kleiber, qu’illustre une belle photo dédicacée. Regrettons, seulement, l’absence d’un index, qui aurait permis de revenir plus facilement à ce riche contenu.