Elle se trouve trop grosse…
A l’entendre, elle doit arrêter de manger bonbons et gâteaux, sinon elle ne pourra plus mettre de robes. Mais d’où lui vient une idée aussi saugrenue, à son âge ? Surtout qu’elle n’a aucun problème de poids !
es campagnes de prévention autour de l’équilibre alimentaire sont une bonne chose, mais n’en fait-on pas un peu trop, surtout à destination des enfants », regrette la maman de Lili. La petite fille a beau n’être qu’en CP, ses connaissances en la matière feraient le bonheur des nutritionnistes ! Qu’il est loin le temps où elle se régalait sans se poser de question d’un bon pain au chocolat en sortant de l’école. A présent, c’est une pomme ou rien. Le message “5 fruits et légumes par jour” semble être bel et bien passé…
RELATIVISER LES MESSAGES DE PRÉVENTION
« A 5-7 ans, les enfants entrent dans ce que l’on appelait avant l’âge de raison, rappelle le psychologue Jean-Luc Aubert*. Alors qu’ils n’étaient jusqu’à présent que dans l’action, ils sont davantage dans la réflexion. » Et là où il n’y a encore que quelques mois, ils cédaient joyeusement à une gourmandise naturelle, ils pensent maintenant aux conséquences. En noircissant le tableau ! Car s’ils sont en mesure de retenir les grandes règles de la diététique, il est encore difficile pour eux de les nuancer. Comment, à cet âge, comprendre que l’on peut manger du pain et du chocolat avant d’aller se défouler au parc ? Mais qu’il ne faut pas piocher dans le paquet de céréales devant les dessins animés ? Les messages de mise en garde peuvent d’autant plus être pris au pied de la lettre qu’ils sont souvent émis à l’école, par une maîtresse dont les consignes sont paroles d’évangile.
La défiance vis-à-vis d’aliments considérés comme mauvais pour la ligne est encore plus grande quand l’entourage fait lui-même attention à son poids. Une petite fille dont la maman cherche en permanence à perdre ces maudits 3 kg en trop aura davantage tendance à scruter son reflet dans la glace et à vouloir monter sur la balance. Surtout que ses modèles de féminité – poupées et chanteuses préférées – ont une plastique toujours plus parfaite. La comparaison est déjà difficile à tenir pour une écolière sans problème de poids. Alors pour peu qu’elle soit physiologi- quement un peu plus ronde que la moyenne et qu’elle ait déjà essuyé des remarques de ses copines ou d’un adulte…
LA COURBE DE CORPULENCE, UN BON INDICATEUR
La priorité ? Protéger son estime de soi, en pleine construction et encore très fragile. « Quand un enfant est victime de moqueries, il faut toujours lui rappeler que ce n’est pas lui qui a un problème mais ceux qui les lui adressent, conseille Jean-Luc Aubert. Après tout, s’ils allaient bien, s’ils avaient assez de copains, ils ne perdraient pas leur temps à l’embêter. » Attention aussi à ne pas rire de sa soudaine fixette sur sa silhouette. Tout au plus, pouvez-vous tenter de lui expliquer que si elle pèse 3 kg de plus que sa meilleure amie, elle est aussi plus grande qu’elle. Que ses petites rondeurs soient réelles ou le fruit de son imagination, le mieux est d’en parler avec son médecin. Son avis fera plus facilement figure d’autorité face à une fillette inquiète. De toute manière, ni elle ni vous n’êtes en mesure de dire qu’elle a ou non besoin de faire attention. Autant il est relativement facile en regardant un adulte de pouvoir affirmer qu’il a ou non quelques kilos en trop, autant on ne peut pas chez un enfant s’appuyer sur une notion aussi subjective. Seule l’observation de sa courbe de corpulence figurant à la fin de son carnet de santé est un indicateur fiable. Son IMC sort bel et bien de la norme ? En suivant les conseils d’hygiène de vie du médecin, tout rentrera rapidement dans l’ordre. Tout va bien ? Discutez avec elle de cette nouvelle obsession pour son image. Peut-être est-elle déjà influencée par la vision de mannequins ? Repérez ensemble les zones retouchées dans les magazines, ça l’aidera à relativiser. Et surtout, efforcez-vous d’aimer votre reflet dans le miroir, c’est le plus grand service à lui rendre ! * Auteur de “Les Sept Piliers de l’éducation. Quels repères donner à nos enfants ?”, éd. Albin Michel.