Parents

« Mes enfants portent des prénoms de Vikings. Je suis très fière de mon héritage. »

Elles viennent d’un autre pays, mais c’est en France qu’elles élèvent leurs enfants. Avec un regard imprégné d’une autre culture. Grossesse, éducation, vie quotidienn­e… elles comparent et nous racontent. Récits de mamans d’ici et d’ailleurs.

- l ANNA PAMULA ET DOROTHÉE SAADA

« Sans un bruit, mon père fait semblant de m’attaquer par derrière. Je me défends comme il me l’a appris et me retourne vivement. L’air grave, il me regarde dans les yeux et me rappelle : “Si un jour quelqu’un te dit que la femme est inférieure à l’homme, réponds-lui que c’est faux !” » J’ai reçu une éducation qui a mis en avant l’indépendan­ce de la femme et sa force. J’ai reproduit cela avec mes enfants, à qui j’ai donné des prénoms islandais de Vikings et de Walkyries, les guerrières puissantes de la mythologie nordique. Je suis très fière de mon héritage. Ma fille porte bien son nom, je la sens solide. L’enfant islandais s’endurcit et devient vite autonome. A 6 ans, il va à l’école seul, même s’il y a une tempête de neige. Et à 9 ans, il reste seul à la maison si nécessaire. Nous vivons sur un modèle de parité totale. Le père se lève la nuit même si la mère allaite. Il l’accompagne, et cela me paraît évident. Mon père s’est autant occupé de mon frère, de ma soeur et de moi que ma mère, qui travaillai­t tout comme lui. Je me souviens qu’elle avait repris des cours du soir quand nous étions petits, et il nous assumait sans problème.

Une fois dans ma vie, j’ai perdu cette force de Walkyrie : au moment de l’accoucheme­nt. J’ai eu peur. Quand j’ai réclamé la péridurale, les sages-femmes et les médecins ont fait comme s’ils n’avaient pas entendu. « Vous êtes sûre ? », m’ont-ils finalement demandé, l’air étonné.

L’anesthésie est quasiment inexistant­e là-bas, car on préfère d’autres techniques comme les douches, les bains, les sièges à bascule, l’acupunctur­e, etc. Tout de suite après l’accoucheme­nt, on nous transfère dans une pièce de l’hôpital appelée “le nid” (hreidrid).

Ce sont de grandes chambres, composées d’un lit double pour les jeunes parents, du lit du bébé et du coin pour le changer et le laver. La famille est réunie dès le départ. Les sages-femmes sont là pour tout nous montrer. On rentre vite à la maison, mais elles viennent à domicile pendant la première semaine et s’assurent que nous n’avons aucun problème. En Islande, on donne le sein à la demande, et partout. On trouve même des coins calmes dédiés aux mères dans les lieux publics. Récemment, une femme politique, Unnur Brá Konráðsdót­tir, a même allaité son enfant au Parlement. Nous ne sommes pas un peuple pudique. Les parents prennent longtemps le bain et la douche avec leurs enfants, jusqu’à la puberté.

On vit beaucoup dehors, alors les jeunes mamans sortent toutes une semaine après l’accoucheme­nt. Plus on est à l’air, meilleure sera la santé du bébé. On leur met des vêtements spéciaux, des combinaiso­ns très chaudes, des moufles et des bonnets. Les petits dorment dehors pour les siestes du matin et de l’aprèsmidi. À Reykjavik, la capitale, on voit des alignement­s de poussettes devant les cafés – les parents au chaud et les bébés dehors, en train de dormir. Ils ont des couverture­s très épaisses faites dans la laine du pays, et pas de gigoteuse.

On fait très attention à ce que l’on mange : peu de viande, peu de produits industrial­isés, essentiell­ement des fruits et des légumes. La diversific­ation alimentair­e débute à 6 mois par notre fameux hafragraut­ur, qui est aussi le petit-déjeuner traditionn­el. C’est une bouillie de flocons d’avoine, d’orge ou de blé, cuits dans du lait, ou de l’eau, avec des fruits. On a aussi des bonbons, mais “du samedi”, c’est même écrit sur le paquet. Il est donc facile de les refuser à nos enfants, en leur disant : « Mais quel jour sommes-nous ? »

Pour un parent islandais, il est très important de développer l’imaginaire de son enfant. Le soir, on adore leur raconter des histoires d’elfes. La majorité de la population croit en l’existence de ces créatures. Notre rapport à la nature et aux éléments – le vent, l’air, la terre – est aussi très fort. C’est pour ça que, dès 4 mois, on amène nos bébés à la piscine, puis, à partir d’un an, dans les sources chaudes. Sans avoir peur des tempêtes ni du brouillard, les petits Islandais apprennent vite à nager et à se débrouille­r seuls. Nous leur faisons confiance.

 ??  ?? Eva, 37 ans, est maman de Maximos-Gisli, 13 ans, Nokkvi-Knox, 7 ans, et AlexandraF­reyja, 4 ans.
Eva, 37 ans, est maman de Maximos-Gisli, 13 ans, Nokkvi-Knox, 7 ans, et AlexandraF­reyja, 4 ans.
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