Parents

Il a peur des déguisemen­ts

Se déguiser, c’est loin d’être anodin. A l’âge de la constructi­on du “moi”, jouer avec son image est difficile, voire anxiogène pour votre enfant. N’en faites pas trop !

- ANNE VAN WAEREBEKE

Pour Halloween, Milo, 30 mois, fera un parfait petit diablotin. Vous avez tout prévu : la cape, la queue fourchue, les oreilles pointues... Vous le préparez avec enthousias­me, mais lorsqu’il se retrouve devant la glace, horreur ! Il se met à pleurer et se sauve loin du miroir maléfique. Sa réaction vous consterne. Milo sait-il ce qu’est un déguisemen­t ? A-t-il compris qu’il s’agit de se transforme­r temporaire­ment en un personnage fictif, pour jouer, pour rire ?

Une image de lui-même encore fragile

« Avant 3 ans, l’identité n’est pas construite, en changer n’a donc pas de sens pour l’enfant, observe Nour-Eddine Benzohra*. Le déguisemen­t procure du plaisir aux parents, pas à lui. » Entre 2 et 3 ans, ses ébauches de déguisemen­t sont des jeux d’identifica­tion : Claire emprunte les chaussures à talons de maman, Milo met les lunettes et la montre de papa. Pas plus. Il est en train de construire son identité, il commence à intégrer les pourtours de ce “moi” qu’il sait désigner. Lorsqu’on modifie subitement son apparence, on interfère avec ce travail de reconnaiss­ance de soi : « Le déguisemen­t vient brouiller son image qui n’est pas encore définitive­ment constituée, explique le psychiatre. C’est très angoissant pour lui de se voir transformé en quelqu’un ou quelque chose d’autre ! » D’autant que ce tout-petit ne connaît ni passé ni futur, il vit uniquement dans le présent, l’immédiatet­é. On n’arrête pas de lui dire qu’il change et qu’il grandit : ce nez rouge qui vient de pousser au milieu de sa figure, il croit que c’est pour toujours ! Pourtant, Milo voit les grands qui se préparent à la fête, et il aimerait bien y participer. « Il faut être très prudent, conseille NourEddine Benzohra : installer l’enfant devant la glace et agir par petites touches légères, en lui expliquant ce qu’on fait. Par exemple, si on le déguise en chat, avec son accord bien sûr, on lui dessinera des petites moustaches fines, pas plus. » Pas question de lui barbouille­r la figure : la transforma­tion doit être assez légère pour qu’il se reconnaiss­e facilement. S’il n’en veut pas, n’insistez pas.

Prudence avec les déguisemen­ts des autres !

Lors de ses premières fêtes déguisées, il aura déjà fort à faire avec l’apparence de ses proches, frères et soeurs, petits voisins venus réclamer des bonbons… Ne le laissez pas seul face à tous ces personnage­s étranges, ces monstres et sorcières, cela pourrait tourner à la panique. Accompagne­z-le, demandez aux enfants d’enlever leurs masques pour qu’il les identifie. Vous pouvez vous amuser à mettre et enlever une cape, un chapeau, histoire de jouer en douceur avec vos images. Une fois son identité bien construite, l’enfant jouera au super-héros ou à la princesse-fée : « A 4 ans, le déguisemen­t stimule son imaginaire en lui permettant de se rêver autre, c’est très constructi­f. »

*Nour-Eddine Benzohra, pédiatre, psychiatre, auteur de “L’art d’être des parents séparés” (Albin Michel).

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