Mon histoire.
“Quand j’ai appris que j’attendais des jumeaux, j’ai prononcé plein de phrases idiotes !”
“Deux ? Vraiment ?” Quand j’ai appris que j’attendais des jumeaux, j’ai prononcé plein de phrases idiotes.
Avec le futur papa, on est partis dans un concours de balivernes! A nous deux, on a été très forts : “En une seule fois, c'est fait !”, ou encore “les jumeaux, ça rime avec rigolo”. J'avais l'air joyeuse. Est-ce que je l'étais ? Difficile à dire. J'étais anesthésiée.
C’était neutre: c’était ce qu’on s’était dit, d’accord, et ça marchait suivant notre plan.
Je n’ai pas abordé la nouvelle frontalement, puisqu’au départ je ne voulais pas d’enfant. C’était un sujet assez problématique entre mon mari et moi, même si j’avais été claire dès le départ. Ça faisait dix ans que nous étions ensemble et, le temps passant, mon refus était devenu pour lui une vraie souffrance. J’ai réfléchi, pour lui, sur moi. J’ai cherché à savoir d’où venait cette absence totale d’horloge biologique. Et un jour, par amour pour lui, je me suis décidée à faire un enfant. Je n’avais pas envie d’être maman. Je l’ai fait pour mon mari, et pour l’idée du petit être à qui j’allais offrir la possibilité d’une vie.
(… ) L’important, à ce moment-là, était que j’étais encore libre. Je n'avais pas compris ou pris la mesure du chamboulement que ma maternité allait représenter.
Et ils sont arrivés: Tancrède et Trystan. Deux larves et la panique, au premier regard. Petites merveilles et immense amour, au deuxième. Mais il a fallu vivre ce basculement. Une naissance gémellaire n’est pas un détail, mais être maman n’est pas non plus une révélation absolue pour tout le monde: on ne naît pas maman. Ça nous tombe dessus autrement, et chacune le vit à sa façon et à son rythme. Quand j’ai vu leurs deux petits corps arriver dans ma chambre, j’ai pensé un gros mot (qui commence par “pu” et finit par “ain”): ce n’est pas politiquement correct de l’avouer, mais ce moment a été anxiogène. Et puis, j’ai plongé mes yeux dans ceux d’un de mes fils. Là, j’ai compris l’aspect surnaturel de l’aventure, dans le sens où on ne contrôle rien, où on ne décide pas. C’est indépendant de la volonté, on a beau faire des plans, la vie s’arrange heureusement pour que ça se passe parfois autrement.
Le retour à la maison a été le début de la fin: un doigt dans l’engrenage, et j’ai été happée.
Je ne pouvais plus reculer et je devais pédaler, sauf à me casser la figure dans le cercle infernal où tout s’enchaînait, sans pause, sans aide. J’avais fait mes enfants par amour, portée par la promesse de mon mari d’être présent, à mes côtés. Or, quand les enfants sont arrivés, mon mari est parti six mois à New York. Là, s’est construite une thématique majeure de notre couple : la trahison initiale. Le contrat de confiance était rompu. Il avait pourtant dit: « Je serai là. » J’ai repris le travail, mais la déprime s’est intensifiée. Ma priorité dans la vie avait été déplacée et j’avais changé de perspective sur les choses et l’existence: du coup, je trouvais mon métier vide de sens, à me battre comme un gladiateur pour vendre de l’espace publicitaire, alors qu’on vit sur une planète qui crève. Je me dégoûtais. Je ne trouvais plus de sens à nourrir ce cercle malsain.
Mon mari est rentré de New York et nous sommes partis vivre à Mexico. J’étais enthousiaste. Je suis fille d’expatrié et je connais bien ces automatismes de vie : le seul problème pour moi n’était pas de quitter la France, c’était de devenir femme au foyer avec la frustration, l’interrogation perpétuelle, le petit vélo dans la tête: « Est-ce que je vais vraiment être rien ? »
“Je ne m'étendrai pas sur la période de la grossesse, si ce n'est pour raconter, tentation oblige, qu'au bout d'un moment, il n'est pas évident d'enfiler ses chaussures…”