Parents

Vive la slow grossesse! La grossesse n’est pas une maladie, certes. Pour autant, vivre ces 9 mois “comme si de rien n’était” pourrait priver les femmes d’une parenthèse dont elles ont besoin. Benoît Le Goëdec, sage-femme, nous explique pourquoi il est cru

- PROPOS RECUEILLIS PAR KATRIN ACOU-BOUAZIZ

Parents : Travailler, sortir, faire du sport, voyager… La société nous intime de continuer à vivre comme avant, puisque la grossesse n’est pas une maladie. Est-ce vraiment possible?

Benoît Le Goëdec : C’est vrai, la grossesse n’est pas une maladie, mais ça reste un état physiologi­que particulie­r dont les symptômes laisseraie­nt sans voix le plus brillant des Dr House ! Tous les bouleverse­ments hormonaux, physiques, psychologi­ques qui s’opèrent mettent les femmes dans une autre allure de la vie. S’y attarder et prendre le temps de la vivre permet de préparer la suite, de faciliter sa responsabi­lisation au métier de parent. C’est un chapitre à ne pas manquer pour comprendre celui de l’accoucheme­nt et de la rencontre avec le bébé. Il n’y a pas de retour en arrière après la naissance. Mais cet éloge de la lenteur ne signifie pas que les femmes enceintes doivent se retirer du reste de leur vie – profession­nelle, amoureuse, amicale –, s’isoler dans une bulle. Tout simplement de vivre dans le souci de soi et du bébé.

Pourquoi certaines femmes enceintes ont autant de mal à ralentir?

D’abord, il y a un climat général qui nous pousse à courir sans cesse, à rester toujours connecté aux autres en s’oubliant soi-même… Ensuite, il y a deux sortes de causes possibles. La première est très intime : la grossesse renvoie ou envoie les femmes vers des angoisses qu’elles ne parviennen­t pas à affronter. Un vécu de maternité antérieur douloureux (même de leur propre mère) ou la peur de devenir mère simplement. Pour éviter d’affronter ces angoisses, certaines femmes enceintes évitent à tout prix d’avoir du temps pour réfléchir et s’occupent au maximum. La deuxième cause est plus sociétale: dans leur lutte pour l’égalité, les femmes prennent comme

« Oui, une grossesse sans complexe, c’est possible… »

un challenge le fait de continuer à vivre comme avant d’être enceinte. Pourtant, la maternité est un processus physiologi­que unique que seules les femmes connaissen­t et dont il faut retirer de la différence, de la fierté, de la puissance. C’est une chance de s’émanciper à ne pas laisser passer. Ne vous faites pas déposséder de cette expérience !

Parents: Quels sont les risques de traverser la grossesse à toute allure?

B. L.G : Tout dépend si cela se passe en conscience ou non. Continuer à travailler jusqu’à la veille de l’accoucheme­nt si c’est un choix personnel, oui. Si c’est une situation subie (par la pression de l’entreprise ou d’un tiers), non. Accoucher sous péridurale si on l’a voulu, oui. Si on n’a même pas eu le choix et qu’on attend que le travail se passe en pianotant sur son téléphone, non !

Les femmes qui ont évité de se poser des questions, de cheminer intérieure­ment, sont malheureus­ement rattrapées en postnatal et tout ce qu’elles ont cherché à fuir risque de revenir comme un boomerang. Le vécu de la grossesse et de l’accoucheme­nt joue un rôle majeur dans le déclenchem­ent de la dépression post-partum. La grossesse, ses inconforts, les changement­s qu’elle opère, jouent un rôle d’entraîneme­nt à la vie plus tard avec son bébé. Le fait d’être très émotive durant la grossesse est même fait exprès pour aider la mère à s’attacher au bébé à naître! J’irais même jusqu’à penser que dans certains cas, les femmes qui sont passées à côté de leur grossesse pourraient inconsciem­ment en vouloir à leur enfant et le trouver très difficile, alors que ce sont elles qui n’ont pas encore accepté les contrainte­s de la parentalit­é…

Parents: Comment réussir à adopter un mode de vie plus slow?

B. L.G: En acceptant la grossesse comme un temps de questionne­ment, une quête de sens, une forme de rencontre avec soi. C’est une démarche très intime de développem­ent personnel et qui prendra une forme propre pour chacune: méditation, yoga, écriture ou simplement réflexion… Toutes les femmes n’y parviennen­t pas, mais pas d’inquiétude, le travail se fera plus doucement, parfois avec l’enfant. Dans tous les cas, je conseille aux femmes de prendre au moins le temps de se préparer à la naissance. Les séances (en petits groupes ou individuel­les) sont des vrais temps de pause qui permettent de prendre conscience de son corps, de gagner de la confiance en soi, de se projeter avec le bébé. Il arrive aussi que certaines femmes “rattrapent” le temps de la grossesse pendant la naissance. L’accoucheme­nt est alors souvent très long…

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