Parents

« Il est courant d’utiliser le soufre issu du volcan pour soigner certaines maladies de peau. »

- ANNA PAMULA ET DOROTHÉE SAADA

« Vous pouvez retirer vos chaussures et vous laver les mains, s’il vous plaît ? » L’hygiène est primordial­e pour moi, surtout depuis la naissance de Joséphine. A la maternité, je voyais rouge quand les visiteurs ne prenaient pas la peine de se savonner les mains avant de la toucher. En Guadeloupe, les règles sont claires.

On ne peut faire qu’une petite caresse au pied du nourrisson. Je pense que mon obsession s’est accrue en venant vivre à Paris où les rues me semblent si sales. Il faut dire que la “chasse aux bactéries” a toujours fait partie intégrante de mon éducation mais, contrairem­ent à mon père qui astiquait la maison à l’ammoniaque, je me trouve plutôt cool. Je me rappelle qu’il faisait mariner la viande et le poisson dans du citron vert pour les rendre “purs”.

Aux Antilles, l’alimentati­on repose essentiell­ement sur les fruits et légumes qui sont à portée de main. Il suffit d’aller les cueillir dans le jardin. Les enfants, même tout petits, sirotent des jus frais maison à base de fruits exotiques. Les questions d’allergie ne se posent pas. J’ai suivi les conseils des instances médicales de la métropole et je dois dire que je le regrette car Joséphine n’a pas mangé de tout très tôt. Aujourd’hui, contrairem­ent aux enfants de là-bas, elle rechigne devant les nouveaux goûts et ça m’embête. En revanche,

pour perpétuer certaines habitudes, j’ai toujours préparé les repas de ma fille à base de produits frais. Un jour, par manque de temps, j’ai bien essayé de lui donner un petit pot qu’elle m’a refusé tout net.

Ça ne me dérange pas, bien au contraire !

« Les petits ne doivent pas se regarder dans un miroir de peur qu’ils ne louchent toujours », « On ne coupe pas les cheveux du bébé avant sa 3e année pour ne pas lui couper la parole et la marche »… Les croyances en Guadeloupe sont nombreuses, et même si les mentalités évoluent, certaines traditions perdurent. La naissance est l’affaire de tous et la famille tout entière s’implique. On va les uns chez les autres, les mamies et les tatas passent donner un coup de main, et la jeune mère ne reste jamais seule avec son nourrisson. Les six premiers mois, le petit passe de bras en bras car il est impossible de le laisser pleurer, de peur qu’il ne se fasse une hernie ombilicale. Ma mamie a eu 18 enfants, difficile à imaginer aujourd’hui et à Paris !

Mamie, comme beaucoup de femmes guadeloupé­ennes, a toujours eu un très fort caractère. C’est elle qui tenait la maison et gare à celui qui désobéissa­it. En effet, autant les tout-petits sont choyés, mais dès qu’ils grandissen­t, ils ne sont pas à l’abri des foudres parentales. Mes grands-parents ont inculqué à leurs enfants une éducation très stricte basée sur l’apprentiss­age des bonnes manières, à l’ancienne. Le monde des enfants était séparé de celui des parents et on échangeait peu. Aujourd’hui encore, si les adultes discutent, les petits ne doivent pas leur couper la parole, sinon ils sont réprimandé­s. Ça n’a rien à voir avec l’amour qu’on porte aux enfants, c’est culturel.

Je me souviens de mon père qui me vouvoyait quand il était en colère ! Étonnammen­t, je le vois maintenant avec ma fille sous un jour nouveau. Elle pourrait lui marcher sur la tête, il serait toujours aussi papy gâteau. En Guadeloupe, la médecine par les plantes est très répandue. Il est courant d’utiliser le soufre issu du volcan pour soigner certaines maladies de peau. Si l’enfant a les jambes un peu arquées, on creuse deux trous sur la plage dans le sable mouillé. Ainsi, il se tient bien droit et le ressac de la mer lui masse les membres inférieurs. J’essaie de soigner Joséphine, quand c’est possible, de la manière la plus naturelle possible. Je lui fais beaucoup de massages pour la relaxer. Mon père nous massait, ma soeur et moi, à la chandelle. Il faisait fondre de la cire qu’il malaxait entre ses mains et appliquait sur nos torses quand nous étions encombrées avec un peu de pommade Bronchoder­mine. Cette odeur reste ma “madeleine de Proust”.

« Les petits ne doivent pas couper la parole aux adultes, sinon ils sont réprimandé­s. » Joséphine prend la pose avec son arrièregra­nd-mère.

 ??  ?? Morgane, maman de Joséphine, aujourd’hui 3 ans. « On ne coupe pas le cheveux du bébé avant sa 3e année pour ne pas lui couper la parole et la marche. »
Morgane, maman de Joséphine, aujourd’hui 3 ans. « On ne coupe pas le cheveux du bébé avant sa 3e année pour ne pas lui couper la parole et la marche. »
 ??  ?? MAMANS DU MONDE, LE LIVRE ! Le livre de nos collaborat­rices, qui compile 40 portraits de mamans à travers la planète, est en librairie. Foncez ! “Mamans du monde”, éd. First.
MAMANS DU MONDE, LE LIVRE ! Le livre de nos collaborat­rices, qui compile 40 portraits de mamans à travers la planète, est en librairie. Foncez ! “Mamans du monde”, éd. First.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France