Parents

Billet d’humeur de Katrin Acou-Bouaziz

Jusqu’ici rien ne pouvait ternir ma joie de préparer Noël. Puis, ce 28 juillet, en apesanteur sur la plage, j’ai soudaineme­nt entendu mon fils me parler d’une toupie qu’il allait commander à Noël. NOËL. En plein juillet. Alors j’ai paniqué.

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J’avoue, j’ai peur de Noël

Un nuage de tags a d’abord envahi mon esprit : Pôle Nord, mot de passe Amazon perdu, délais de livraison au-delà du 10 janvier, sapin jamais droit qu’il faut raboter, guirlandes lumineuses emmêlées, risque d’incendie.

Et les débats habituels ont commencé à fuser de toutes parts dans ma tête. Où fêter Noël ? Chez nous ? Chez la belle-famille ? Le 24 ? Le 25 ? Le midi, le soir ? Et si on faisait ça le 27 ? Moins de monde sur la route ? Sauf s’il neige ou que les enfants sont malades…

J’ai pensé aux questions des petits

(« Il dort où le Père Noël ? ») et des aînés (« Pourquoi on n’a pas de crèche, nous ? »).

J’ai pensé aux tenues. Les robes à paillettes pour les filles qui arrivent en relais colis, ah le relais colis, le Tabac plus déprimant tu meurs. Les collants qui grattent. Racheter des collants. Mon fils de 6 ans qui grimace à l’idée de mettre des vraies chaussures.

Et où va-t-on cacher les cadeaux ? Et le papier, faut pas que ça soit le même qu’à l’anniversai­re ! Et le prénom sur l’emballage, ma piteuse façon d’écrire en capitales pour ne pas me faire choper par un enfant trop suspicieux. Comme si le Père Noël ne connaissai­t pas les cursives !

Et le budget qui grimpe à mesure que les marmots ouvrent des cases dans le calendrier de l’Avent. L’avant banquerout­e ouais ! Moi, je vous préviens, j’ai besoin de rien. Je veux du calme. Un salon rangé. Du temps pour dormir, dormir, dormir… « Maman pourquoi tu pleures ? », m’a demandé mon gamin tout penaud en maillot de bain. « C’est pas grave si le Père Noël se trompe de toupie. » « Non, c’est pas grave mon chéri. »

J’ai refermé les yeux et me suis allongée sur ma serviette pour visualiser des images de Noël apaisantes. La grande table rouge et or, la buée sur les fenêtres. La famille qui arrive, toute peignée, sur son 31. Les gros cadeaux qu’on ouvre et qui crépitent comme des bonbons géants à déguster près de l’arbre bien vert qui sent la sève qui sent la montagne qui sent l’hiver.

A ce moment-là, j’ai encore dû chasser de terribles images, celles-ci vraiment très culpabilis­antes, d’enfants qui meurent de faim, de SDF qui grelottent dans le froid, de planète qui se réchauffe à coups d’emballages géants et de mangues qui prennent l’avion. J’ai dû oublier mes discours sur l’éco-frugalité, la lutte contre le gaspi, mes envies d’Ardèche et de jouets en bois que je fabriquera­is moi-même. J’ai inspiré un grand coup et je me suis dit, allez encore une année, je vais jouer le jeu mais alors en mode solidaire et responsabl­e avec budget limité, cadeaux dématérial­isés et repas bio et local.

Juste pour la voir elle, la petite, au milieu des papiers crépitants (ça crépite le papier recyclable ?) découvrir ses cadeaux arrivés dans le salon comme par magie pendant la nuit. Ses grands yeux émerveillé­s. Et mon sourire mi-honteuse, mi-attendrie, miheureuse, mi-déprimée qui ne sait plus trop si c’est la raison, l’habitude, la générosité ou bien la pression sociale qui me guide.

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 ??  ?? Katrin Acou-Bouaziz Maman de trois enfants (11 ans, 6 ans et 1 an), notre journalist­e partage son quotidien haut en couleur.
Katrin Acou-Bouaziz Maman de trois enfants (11 ans, 6 ans et 1 an), notre journalist­e partage son quotidien haut en couleur.

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