Parents

J’avais enterré mes sentiments.

Fabienne, 32 ans, maman d’une petite fille de 3 ans.

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A28 ans, j’ai été fière et heureuse d’annoncer ma grossesse à mon conjoint qui avait un désir d’enfant. Moi, à ce moment-là, pas vraiment. J’ai cédé car je pensais que je n’aurais jamais le déclic. La grossesse s’est bien passée. Je me suis focalisée sur l’accoucheme­nt. Je le voulais naturel, dans une maison de naissance. Tout s’est déroulé comme je le souhaitais, car j’ai fait la majorité du travail à la maison. J’étais tellement détendue que je suis arrivée à la maison de naissance 20 minutes seulement avant la naissance de ma fille ! Au moment où on l’a posée sur moi, j’ai vécu un phénomène étrange, qu’on appelle dissociati­on. Ce n’était pas vraiment moi qui étais en train de vivre le moment. Je m’étais tellement focalisée sur l’accoucheme­nt que j’avais comme oublié qu’il allait falloir s’occuper d’un bébé. J’essayais d’allaiter, et comme on m’avait dit que les débuts étaient compliqués, je pensais que c’était normal. J’étais dans le gaz. En vrai, je n’avais aucune envie de m’en occuper. J’avais comme enterré mes sentiments. Je n’aimais pas la proximité physique avec le bébé, n’avais pas envie de la porter ni de faire du peau à peau. Pourtant, c’était un bébé assez “facile” qui dormait beaucoup. De retour à la maison, je pleurais, mais je croyais que c’était le baby-blues. Trois jours avant la reprise du travail de mon conjoint, je n’ai plus dormi du tout. J’ai senti que je vacillais.

J’étais dans une hypervigil­ance. Il m’était inimaginab­le de rester seule avec mon bébé.

J’ai appelé ma mère au secours. Dès son arrivée, elle m’a dit d’aller me reposer. Je me suis enfermée dans ma chambre pour pleurer toute la journée. Le soir, j’ai fait une crise d’angoisse impression­nante. Je me griffais le visage en criant : “Je veux partir”, “Je veux qu’on me l’enlève”. Ma mère et mon conjoint ont compris que j’allais vraiment très mal. Dès le lendemain, grâce à l’aide de ma sage-femme, j’ai été prise en charge dans une unité mère-enfant. J’ai été hospitalis­ée à plein temps pendant deux mois, ce qui m’a enfin permis de récupérer. J’avais juste besoin qu’on prenne soin de moi. J’ai arrêté d’allaiter, ce qui m’a soulagée. Je n’avais plus l’angoisse de devoir m’occuper toute seule de mon bébé. Les ateliers d’art-thérapie m’ont permis de renouer avec ma part créative. Au retour, j’étais plus apaisée, mais je n’avais toujours pas ce lien indéfectib­le. Aujourd’hui encore, mon lien à ma fille est ambivalent. J’ai du mal à être séparée d’elle et pourtant j’en ai besoin. Je ne ressens pas cet amour immense qui vous submerge, mais ce sont plutôt des petits éclairs : quand je ris avec elle, qu’on fait des activités toutes les deux. Alors qu’elle grandit et a moins besoin de proximité physique, c’est moi maintenant qui cherche plus ses câlins! C’est comme si je faisais le chemin à l’envers. Je pense que la maternité est une aventure existentie­lle. De celles qui vous changent à tout jamais.

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