Reportage
L’école en forêt
Bonnets vissés sur la tête et emmitouflés dans leurs combis de ski et leurs vêtements antipluie, Isaac et Liano courent devant leurs camarades. Les feuilles gelées crissent sous les bottes fourrées… Ce matin de décembre, sur le mont Saint-Romain, près de Cluny, il fait 3 °C et le groupe des petits, huit de 4 à 5 ans, sort en forêt, comme tous les matins. Ils s’éparpillent joyeusement dans les bois en arrivant auprès de leur camp où trône un majestueux “canapé forestier”, une grande structure arrondie construite par les parents lors d’un chantier participatif. L’équipe éducative compte cinq adultes à temps partiel, pour l’instant tous bénévoles. L’école
devra accueillir plus d’élèves pour gagner son autonomie financière. « 1, 2, 3, 4, 5, 6… heu…
8 ? » Isaac compte les tours que fait Rafaël sur la balançoire improvisée avec une corde dans un arbre. “Grandir en nature” est une école privée hors contrat, qui s’inspire de la pédagogie Steiner-Waldorf. L’école a ouvert au mois de septembre avec 11 élèves de 4 à 7 ans. Inspirée par les écoles en forêt des pays du Nord (Suède, Finlande, Allemagne…), elle s’appuie sur le jeu libre dans la nature qui aide l’enfant à se centrer et à se concentrer : « Au contact de la nature, la plupart des enfants, même les plus agités, se calment », explique Clara, une des pédagogues.
L’après-midi, jeux libres
À partir de 6 ans, les enfants ont des apprentissages formels – calculs, écriture, et dessin – chaque matin dans une salle de classe sans bureaux. Tous les après-midi sont consacrés aux jeux libres dans la forêt : construction de cabanes, écoute de contes au coin du feu… Dans la pédagogie Steiner,
les élèves développent plein de compétences créatives : bricolage, couture, tricot, modelage, feutrage de laine, poterie. « On ne se focalise jamais sur le résultat, mais toujours sur le processus », explique Florence Milhiet, professeur de classe. « L’enfant apprend parce qu’il essaie d’aller jusqu’au bout de quelque chose, mais il n’y a pas d’obligation. »
Par petits groupes
Rafaël se balance rêveusement sur sa corde. Plus loin, Isaac déterre un plant de houx. Dans les bois silencieux, on entend à peine les voix de Marianne, Lucie, Aurore et Léonie, qui se sont éloignées pour échanger des secrets. Clara, les surveille d’un oeil en ramassant des feuilles mortes. A midi, adultes accompagnants et enfants remontent de la forêt en chantant avant d’aller se laver les mains. Pour le repas, ils se retrouvent tous dans une salle commune du gîte attenant à l’école, pour manger leur panierrepas. En début d’après-midi, les petits s’endorment au chaud dans l’école pendant que les grands jouent calmement devant leur tableau noir. L’après-midi, c’est au groupe des grands, trois filles de 6 et 7 ans, d’aller en forêt. « Regarde, j’ai trouvé du glagla », rit Solveig en sortant un morceau de glace d’un vieux bidon de lait. Pendant ce temps, Rose taille un bâton avec un opinel sous la supervision d’un adulte. Plus tard, les trois filles écoutent un conte dit par Florence. On entend les feuilles tomber sur le sol. Sur le mont Saint-Romain, le soleil décline. A 16 heures, les enfants remontent vers leur école. Florence rit : « Chaque soir, ils se couchent tôt. A 19 h 30, il n’y a plus personne ! »