Billet d’humeur Julien Blanc-Gras :
C’est le quotidien des cours de récréation et des familles : le conflit entre gamins. Pas toujours facile pour les parents de désamorcer les disputes.
Comment le papa gère… les embrouilles entre enfants !
Nous sommes des mammifères et, à ce titre, nous obéissons à des pulsions primitives, telles la quête de nourriture, la défense du territoire ou de la propriété. Chez l’adulte, un vernis de civilisation permet (la plupart du temps) un fonctionnement pacifique de la société. Chez l’enfant, on passe assez rapidement au stade de la violence. À la crèche, cela se traduit ainsi :
- Tu prends ce jouet que je convoitais ?
Je vais te mordre jusqu’au sang.
À l’école maternelle, les attitudes évoluent :
- Tu prends ce ballon que je voulais ? T’es plus mon copain et je te fais un croche-patte.
Mon fiston de 6 ans a une meilleure copine avec laquelle il entretient une relation passionnée, à la fois tendre et orageuse (ils ont des caractères de chien). J’ai eu l’occasion de garder les deux petits anges pour la journée. Ils jouaient dans la chambre et j’avais une oreille attentive sur la situation car ils sont comme le lait sur le feu, toujours prêts à déborder. Il faut repérer les microsignaux qui annoncent le carnage.
- T’es un bébé !
- C’est même pas vrai !
- Si, t’es un bébé, t’es un bébé, na na nè reuh !
Mon fils a alors balancé cette réplique cinglante :
- Tu l’as dit, tu l’es !
(À mon époque, on disait plutôt : « c’est celui qui le dit qui l’est ! »)
C’était le moment d’intervenir en urgence.
Je me suis précipité dans la chambre. Trop tard, le pugilat avait commencé. Cheveux tirés, coup de pied dans les tibias, hurlements divers. J’ai séparé les schtroumpfs qui vociféraient :
- C’est lui qui a commencé !
- Non c’est elle !
- C’est même pas vrai !
Je ne me souviens même plus du motif du litige. Ah si, mon fils voulait jouer aux Lego et sa copine voulait plutôt faire un dessin.
- Allons, allons, les enfants. Calmons-nous. Si on essayait de trouver une solution ensemble ?
Et les petits de répondre en choeur :
- NOOOOOOON !
À ce stade de rupture des négociations, il faut appliquer le protocole d’urgence :
1. Séparer les enfants.
2. Laisser passer cinq minutes.
3. Lancer une alternative.
Cinq minutes plus tard, j’ai donc proposé une balade au parc.
- Oui, a répondu l’un avec enthousiasme.
- Non, moi je veux jouer aux Mille Bornes, a répondu l’autre avec morgue.
J’ai pris une longue inspiration, je me suis souvenu comme la vie était simple et fluide sans enfant et, en désespoir de cause, j’ai tenté un coup de poker.
- Bon, on va tirer à pile ou face pour décider. Pile on va au parc. Face, Mille Bornes.
Les belligérants se sont toisés. Puis ils ont acquiescé. OK. J’ai lancé une pièce, le sort a décidé et, sous mes yeux éberlués, le perdant ne s’est pas roulé par terre en hurlant à l’injustice.
C’est peut-être un détail pour vous, mais c’est un grand bond pour l’humanité.
C’est la victoire du compromis. L’adhésion à des règles de fonctionnement communes et l’acceptation de l’aléa. Découverte du lâcher-prise. Satisfaction du père. Les petits anges ont joué ensemble tout l’après-midi sans tumulte et sans rage.
Cette chronique est dédiée à tous les parents d’enfants turbulents. Tenez bon.
L’âge de raison, c’est pour bientôt.