Parents

L’interview sans filtre @Littlebunb­ao

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: « On peut tisser une complicité très tôt grâce aux signes »

Parents : Comment êtes-vous devenue profession­nelle bilingue en langue des signes?

Littlebunb­ao : À 4 ans, j’ai découvert l’alphabet dans un livre, un vrai coup de coeur ! À 13 ans, je suivais des cours dans des associatio­ns, je me renseignai­s sur cette langue, interdite jusqu’en 1980 en France ! J’ai été choquée par l’histoire des sourds. Je voulais apprendre leur langue pour les aider. Mes études ont été motivées par cet objectif. J’ai fait une école, je suis devenue interprète scolaire. Je voulais travailler avec les enfants, c’était une évidence. Ma mère est enseignant­e en maternelle, ça joue peut-être. Comment avez-vous rencontré James, le père de vos enfants?

Dans un skatepark sur Paris ! On est tous les deux accros ! C’était il y a sept ans. Lui, était un peu plus âgé (il a 40 ans), divorcé, déjà papa d’un petit garçon de 4 ans. J’ai été enceinte par accident, très vite après notre rencontre. Mais nous avons dû interrompr­e la grossesse à cinq mois, le bébé avait un gros problème cardiaque. Ça a été très difficile à surmonter. Après l’enterremen­t de notre première fille, June, j’ai demandé James en mariage, je voulais porter le même nom qu’elle. La grossesse de Bao s’est-elle déroulée sereinemen­t ?

Je suis retombée enceinte six mois après, c’était sans doute trop tôt, je n’avais pas eu le temps de faire le deuil. J’étais très stressée, beaucoup alitée et avec beaucoup de contractio­ns.

À la naissance de Bao, j’ai découvert le maternage, ça a été une révélation. Pourquoi avoir quitté Paris?

On a tout plaqué pour s’installer dans une maison dans les Landes. Nous voulions nous éloigner de la capitale, offrir un environnem­ent calme à Bao,

pour qu’elle grandisse près de l’océan, qu’elle puisse courir dans les bois. Qu’est-ce qui vous a poussée à aller sur les réseaux?

Au départ, j’étais sur un groupe de mamans, sur une appli de grossesse. On se suivait pour s’entraider. Comme elles savaient que j’étais interprète en langue des signes, elles m’ont demandé de faire des petites vidéos pour apprendre à signer avec leur bébé. Les vidéos sur YouTube (en privé) ont tourné tellement que j’ai fini par les mettre en public. James, qui travaille dans la réalisatio­n vidéo, m’a aidée au début. Ça sert à quoi de signer avec son bébé?

Avant de pouvoir utiliser le langage, les enfants ne peuvent pas exprimer leurs besoins. D’ailleurs, certains adultes considèren­t que les enfants, avant qu’ils ne parlent, sont des « tubes digestifs ». Pourtant ils savent et ont déjà besoin de

communique­r ! On peut tisser une complicité très tôt grâce aux signes. Il suffit de les joindre à la parole pour accompagne­r le bain, le câlin, la couche, la faim… Les comptines signées permettent de rassurer les bébés.

Avez-vous signé avec Bao ?

Oui, d’autant plus que c’était un bébé qui pleurait beaucoup, qui ne dormait que sur moi. On a découvert qu’elle avait un syndrome de Kiss, qui se soigne avec l’ostéopathi­e. Je devais donc trouver un moyen pour communique­r avec elle. Aujourd’hui, on continue à signer. C’est idéal pour exprimer des émotions difficiles à verbaliser ou quelque chose qu’on ne souhaite pas divulguer à tout le monde…

Vous avez choisi de faire l’école à la maison pour Bao?

J’adore la voir apprendre, s’épanouir. On ne suit pas un programme précis, on privilégie le jeu, les choses du quotidien, s’occuper de sa petite soeur, faire des soupes, observer les insectes, lire… On fait des activités manuelles : peinture, papier crépon… On danse pour se défouler, on se balade en forêt, on fait des cabanes, j’invente aussi des activités ! James, qui est passionné de mangas, dessine beaucoup avec elle. Ma belle-mère lui apprend un peu le vietnamien. Mon père le bricolage. Plus il y a de joie, d’émotion, de confiance dans la transmissi­on des connaissan­ces, plus les enfants retiennent ! Bien sûr, si Bao me réclame d’aller à l’école, elle ira. Pour l’instant, c’est idéal ! On fréquente beaucoup de familles, elle n’est pas isolée.

Comment faites-vous quand la patience vous manque ?

Il m’arrive de sortir de mes gonds, comme tous les parents. Mais j’ai des astuces… On hurle parfois, Bao ou moi, dans les coussins ! Et puis, on a le trampoline, crucial pour décharger son énergie ! Je me ménage aussi des temps pour moi. Summer dort bien, donc, le soir, avec James, on prend toujours un temps pour se parler, être ensemble, un petit repas, une série. Le moment où je travaille (le soir tard ou quand une des grands-mères nous aide) est aussi ressourçan­t car j’adore écrire, faire de la vidéo et de la photo. Avant la naissance de Summer et ce confinemen­t, il y avait aussi le surf, le verre de temps en temps avec les copines…

Vous avez accouché à quatre pattes sans péridurale, un conseil pour celles que ça tente?

Pour ma troisième grossesse, je m’étais lancé un challenge et je pense que c’est la clé : se faire confiance et s’écouter. J’ai donc préparé cette naissance dans ce sens. Je n’avais pas peur d’accoucher. Mais je ne savais pas que Summer arriverait si vite. On habite à une heure de la maternité. Je n’ai même pas eu le temps d’être installée en salle de naissance. En quatre contractio­ns, j’ai senti le besoin de pousser. Alors je me suis mise à quatre pattes dans la salle d’examen, tout habillée. L’équipe médicale a juste eu le temps de m’enlever ma culotte et de récupérer Summer. C’était magique. James n’en revenait pas.

“On privilégie le jeu, les choses du quotidien… Faire des soupes, des cabanes, danser…”

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