Et si on faisait un contrat familial?
Psychothérapeute et figure phare de la parentalité positive en France, Isabelle Filliozat nous livre sa vision de l’autorité et des contrats décidés en famille. Entretien.
Parents : Qu’entendez-vous par contrat
familial ? Isabelle Filliozat :
Le contrat familial découle de l’idée que tous les groupes d’humains ont besoin de règles pour bien vivre ensemble. Il s’agit d’un accord, qu’on repasse sans arrêt, sans forcément qu’il soit formalisé. Quand un couple décide de faire un enfant, par exemple, il passe un contrat ensemble, mais il ne signe rien… Idem lorsqu’on s’installe autour d’un jeu de société et qu’on en respecte les règles. Pour des occasions spéciales, comme une sortie tous ensemble dans un parc d’attractions, on décide d’un contrat familial car on a besoin de déterminer clairement qui fait quoi, combien on peut dépenser, etc. Mais il n’existe pas un contrat valable pour toute la vie.
Comment bien établir les règles du contrat? I. F. :
Au temps de l’éducation ancienne, les parents posaient les interdits et disaient : “Voilà, nous allons fonctionner ainsi”. L’éducation positive, elle, selon la définition du Conseil de
Certains parents aiment formaliser ces contrats, en les affichant, en organisant des réunions familiales, en utilisant un bâton de paroles… Vous aimez l’idée ? I. F. :
Oui, tout à fait. Ils ne passent pas forcément de contrat familial à chaque réunion, mais ça peut participer à leur élaboration. Deux manières de procéder me semblent utiles à la vie en famille. D’une part, se rassembler à un rythme régulier. D’autre part, organiser des réunions d’urgence lorsqu’un problème se pose. Ça peut être juste lancer un “Tous sur le canapé !”, sans forcément entrer dans quelque chose de sérieux comme “C’est un conseil de famille”…
Comment faire respecter un contrat?
I. F. : C’est simple, si le contrat est bien fait, les enfants et les parents l’appliquent facilement. S’il ne fonctionne pas, je vois deux possibilités : soit les règles n’étaient pas appropriées (donc on réfléchit à un nouveau contrat), soit l’enfant n’a pas les moyens de pouvoir respecter les règles. Il lui manque les procédures. On a besoin d’être attentifs à ce point. Par exemple, on peut avoir décidé ensemble que, lorsqu’il y a déjà quelqu’un sur la balançoire, on attend son tour… mais un tout-petit ne sait pas encore le faire ! Il va forcément transgresser ce contrat. Alors, on lui apprend à patienter (en jouant, en chantant, etc.). Notre rôle de parents est de lui enseigner ce type de compétences. L’enfant, en général, adore respecter les règles – malgré ce qu’on peut croire parfois. Lorsqu’il les transgresse, il existe toujours une raison.
Quelles sont les limites de ces accords? I. F.:
Chaque contrat a ses limites, on en rediscute lorsqu’il ne marche plus. Il y a aussi eu des erreurs dans le passé, quand l’enfant devait s’engager et se soumettre, mais pas du tout le parent. Dans l’idée du psychologue américain Thomas
Gordon (qui a travaillé sur la communication non-violente et le contrat familial), l’adulte s’implique également. Le contrat familial est le contraire de l’obéissance, je le conçois comme la responsabilisation et l’engagement de chacun. On retrouve aussi, dans le discours des détracteurs de l’éducation positive, cette crainte que les parents oublient leurs propres besoins. Mais il s’agit d’une incompréhension.
Comment revisitez-vous l’autorité traditionnelle ? I. F. :